Juan Carr : le maître de la solidarité argentine

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En Argentine, presque 75 pour cent des enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Sans l’action d’organisations exemplaires comme celle de Red Solidaria la pauvreté serait pire… Aujourd’hui son fondateur, Juan Carr, souhaite développer une vraie culture de la solidarité et globaliser l’expérience acquise pendant la crise

TDU : Pourquoi avoir fondé “Red solidaria”?

Juan Carr : Dès 1995, il y a eu en Argentine une augmentation de la pauvreté, qui n’atteignait certes pas les 51% comme ces dernières années, mais autour de 15 à 20% des personnes étaient concernées. L’Etat abandonnait son rôle et les organismes palliait ce manque, mais certains besoins précis restaient sans réponse, soit parce que les structures étaient trop lourdes, soit par méconnaissance de certaines nécessités. Notre idée a été de mettre en relation la demande et l’offre.

TDU : Comment fonctionne “Red Solidaria”?

JC : Nous fonctionnons avec peu de moyens: téléphone, fax et mail et nous sommes présents dans une quarantaine d’endroits un peu partout en Argentine. Nous travaillons avec plus de 250 organisations “amies”: la Croix Rouge, Caritas, Bet-El, Missing Children, mais aussi de plus petites telles que des “comedores” de “Villas”. Chaque jour nous recevons une centaine d’appels, nous sommes contactés pour toutes sortes de problèmes : un “comedor” qui a besoin de casseroles, nécessité de médicaments ou d’organes pour des greffes, un enfant qui a disparu ou du lait maternel pour des enfants en dénutrition. Suivant les nécessités, nous contactons les diverses institutions “amies”, si le problème n’est pas résolu, nous faisons appel a la communauté via presse (La Nación, Clarín), radio ou télévision qui nous cède l’espace.

TDU : Quels sont les projets de “Red Solidaria” ?

JC : Créer une culture de solidarité et internationaliser notre réseau ! Il y a une grande crise morale en Argentine, pour simplifier on peut dire que c’est la fin des idéaux politiques mais en même temps, il y a une explosion de générosité, à l’image de la réponse donnée lors des inondations de Santa Fé. Le problème est de consolider cette générosité. Il faut qu’au delà de l’émotion, la solidarité soit un compromis. Nous avons fondé une université de la solidarité, c’est un cours qui s’adresse surtout aux professionnels et cherche à développer une pédagogie de la solidarité. Et puis notre idée est de globaliser la red : parce que un enfant en dénutrition doit autant nous concerner s’il est argentin, brésilien ou nigérien. Nous avons 5 sièges internationaux, plus ou moins actifs : Paris, Barcelone, New York, Sao Paolo, Munich et Prague. L’idée est d’être davantage présents et que chaque structure s’implante dans le pays comme un organisme propre et non par le seul fait du flux migratoire des Argentins à l’extérieur .

TDU : Etes-vous en contact avec “Red Solidaria” de Paris ?

JC : Pas de façon permanente. En 2001, la red solidaria de France, nous a envoyé beaucoup de dons (nourriture, médicaments et vêtements) et dernièrement a participé à une collecte afin de faire opérer à Seattle, un enfant atteint de leucémie. Ici, les entreprises françaises, nous ont toujours aidé : qu’il s’agisse de Total, Carrefour ou Aguas Argentinas.

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Juan Carr – Portrait

Juan Carr est un petit homme vif, au regard clair et chaleureux, à la silhouette tassée et à la faconde prolixe. Il se dit être un pur produit argentin : ses origines mêlent des grands parents écossais, hongrois, italiens et espagnols ! Père de cinq fils, vétérinaire de formation, il a toujours été concerné par les problèmes d’autrui “ma formation chez les scouts puis l’expérience auprès des prêtres “passionistes”, y ont été certainement pour quelque chose. J’ai été fasciné par le regard social des prêtres des années 60”.

Il évite de parler de lui, préfère parler de ses projets afin de lutter contre le problème de la malnutrition ou comment créer une synergie avec le Brésil.

Humble, il n’hésite pas à souligner les manques de l’association mais s’enthousiasme de la rapidité de réponse du public. D’ailleurs, son portable ne cesse de sonner: Juan Carr est un homme sollicité mais toujours souriant et disponible !

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