La rentrée littéraire 2010

MichelHouellebecqencompagniedeBernardHenriLevy2010 sera-t-elle l’année de la consécration pour Houellebecq qui part favori pour le Goncourt avec La carte et le territoire (Flammarion), après en avoir été un des candidats malheureux avec La possibilité d’une île publié en 2005 ou Particules élémentaires. Moins sulfureux dans le choix de ses digressions littéraires, l’écrivain semble accorder un peu plus d’attention à son apparence lors de ses apparitions publiques : il a abandonné la parka douteuse dans laquelle il semblait habiter il y a quelques années, ainsi que l’élocution brouillonne qui le caractérisait. Plus présentable, son dernier roman n’en offre pas moins toujours les qualités propres à Houellebecq : la qualité de l’écriture (combien d’auteurs osent encore utiliser l’imparfait du subjonctif ?), un récit enraciné dans l’époque contemporaine (revers de la médaille, ce sera peut-être une œuvre qui peinera à trouver sa place au panthéon des écrivains classiques, quand la figure de Jean-Pierre Pernaut ne dira plus rien à personne), une appréhension claire et critique de la modernité, un mélange de personnages fictifs et réels, à commencer par lui-même, et un humour qui frôle parfois la dérision, assez décapant. Qu’il soit en fin de compte primé, ou pas, La carte et le territoire est l’incontournable de la rentrée.

D’autres titres, d’autres auteurs, moins visibles sur les crêtes des vagues de la notoriété, font parler d’eux. La vie est brève et le désir sans fin (POL) de Patrick Lapeyre, une histoire d’amour classique d’une femme entre deux hommes, mais avec une écriture différente.

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (Actes Sud) de Mathias Enard qui s’était fait remarquer par un premier roman, Zone, composé d’une unique phrase de quelques centaines de pages. Foin de toute prouesse littéraire cette fois-ci. A partir de quelques documents historiques faisant état d’une commande passée par le sultan d’Istanbul à Michel-Ange pour la construction d’un pont sur la Corne d’Or, dans l’espace laissé libre par ce que ne racontent pas les archives, Mathias Enard imagine, évoque la ville posée à la frontière entre l’Occident et l’Orient, et le défi artistique et architectural que représente un tel projet.

Maudit soit le fleuve du temps (Gallimard) sixième roman du norvégien Per Petterson, la rencontre tardive entre une mère et son fils qu’un divorce pour l’un, et la maladie pour l’autre vont rapprocher, sur les terres du Jutland natal de la mère.

Fahrenheit 2010 d’Isabelle Desesquelles (Stock). Un titre en forme de clin d’œil au classique Fahrenheit 421 de Bradbury. Point besoin d’autodafé pour détruire la culture, la mondialisation et le marketing-roi peuvent s’en charger. Ancienne directrice de la librairie Privat à Toulouse, Isabelle Desesquelles a perdu son poste quand la librairie a perdu son indépendance. Devenue membre du réseau Chapitre, la librairie y a perdu aussi son âme. Une dénonciation écrite avec toute la passion d’une amoureuse des livres.

Puisqu’on parle de marketing, certains s’interrogent pour savoir si la croissance continue du nombre de livres édités depuis plusieurs années ne serait pas le symptôme bénin d’une crise grave à venir de l’édition, le succès de quelques-uns cachant la centaine d’autres livres dont on parlera peu ou pas du tout, et qui se vendront encore moins ; les éditeurs, eux, faisant le pari de la quantité au détriment de choix éditoriaux plus exigeants. En attendant, ne boudons pas notre plaisir, le livre papier dont on prédit régulièrement la fin avec l’avènement du numérique, n’est pas encore moribond.

Silvia Cauquil

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