Eclipse à Valcheta

En ce 14 décembre, à Valcheta, gros bourg situé dans la province de Rio Negro, l’éclipse solaire a duré environ trois heures. Une heure et demie pour que la Lune se place exactement entre la Terre et le Soleil et le même laps de temps pour que, continuant sa course, elle cesse de cacher la moindre parcelle de l’étoile de notre système solaire.

Le moment le plus fascinant est celui où l’astre lunaire se place parfaitement entre la Terre et le Soleil, mais il s’agit aussi d’un temps extrêmement court qui ne dure qu’un peu plus de deux minutes ! Et, s’il fallait encore rajouter un peu plus de sel à l’évènement, le climat nous a fait craindre, jusqu’au dernier moment, qu’il n’allait pas être possible de profiter pleinement de cet épisode exceptionnel.

En dansant un étrange ballet avec les nuages, le Soleil et la Lune ont joué jusqu’au bout avec nos nerfs. Fort heureusement, poussés par le vent, ils se déplaçaient vite et laissaient place à quelques courts intervalles de ciel bleu. Les rayons du Soleil ont même parfois alterné avec quelques gouttes de pluie. Pendant la phase ascendante, on n’entrapercevait que de temps en temps la progression de l’éclipse. On pouvait voir la Lune se positionner peu à peu, diminuant régulièrement la surface visible du Soleil puis, à nouveau, tout disparaissait derrière de gros nuages noirs et menaçants. Lentement mais inexorablement, une portion de plus en plus grande de notre étoile disparaissait. La forme de l’arc, concave, noir, d’une rondeur parfaite, mangeait peu à peu l’étoile. Pourtant, ce n’est qu’au bout d’un temps relativement conséquent que l’on s’aperçoit que la lumière du jour décline peu à peu. Imperceptiblement, les couleurs s’affadissent. Le vert de la végétation vire d’abord au gris-vert puis au gris. A la fin, du Soleil, ne subsiste qu’une larme d’or, comme accrochée dans le ciel, chaque fois plus fine. Image unique dont il ne faut perdre aucune seconde tant est éphémère sa durée. Et tout va très vite. Il faut regarder, sentir, écouter partout et tout en même temps. Et surtout ressentir. Nous n’aurons que deux malheureuses minutes pour comprendre tout ce qui se passe. Même si on est prêt, le moment fatidique, celui où notre Lune cache le Soleil dans son intégralité, arrive avec une soudaineté qui nous remplit d’émerveillement et de surprise : une pénombre inquiétante, troublante, recouvre tout et nous envahit. Mais ce n’est pas une vraie nuit, c’est comme si tout d’un coup, la lumière du Soleil avait pratiquement perdu la totalité de son intensité. Néanmoins, il existe encore un semblant de lumière diffuse.  Au loin, à l’horizon, on peut entrevoir une clarté. Sans doute la limite où l’éclipse n’est plus tout à fait totale. Autour du cercle, on voit nettement un fil lumineux parcourant toute la circonférence des deux astres enfin réunis. Est-ce un effet d’optique ? Une invention née de nos esprits subjugués ? Le halo de lumière qui contourne la Lune semble former un carré parfait. Et puis, et c’est peut-être là que se trouve la plus grande émotion, des étoiles profitent de l’aubaine pour s’inviter dans le ciel. Elles peuvent, pendant un éphémère instant, marquer une présence qui leur est habituellement refusée durant le jour.

Pendant deux minutes, le temps semble suspendu.  Et puis, de l’autre côté, on voit réapparaître un arc jaune, convexe cette fois-ci, qui va s’agrandir peu à peu au même rythme qu’il a rétréci auparavant. La Lune, imperturbable, ravie du tour qu’elle vient de nous jouer, poursuit son chemin.  Et la lumière réapparaît. Même si elle est très faible, on sent déjà que l’instant magique est passé. Les choses vont reprendre le cours de la normalité : les couleurs vont faire leur retour en même temps que les étoiles, impuissantes, accepteront de rentrer dans l’oubli. Peu à peu, tout rentre dans l’ordre.

Curieusement, les nuages ont pratiquement tous disparu. Il fait beau. Il nous reste la sensation d’avoir vécu un instant unique.

Jérôme Guillot

Partager sur