Série « Toque m’en 5 » Derrière les fourneaux de COCU, boulangerie française

Le troisième invité de notre série culinaire « Toque m’en 5 » manie aussi bien les pains au chocolat que les circuits informatiques.

Parcours atypique et curieux, que celui de cet ingénieur français devenu boulanger en Argentine. Derrière le béret et le tablier, on retrouve nul autre que Morgan Chauvel, voyageur entrepreneur avec plus d’une idée derrière la tête. Ses croissants et pains ont conquis Palermo et se lancent désormais à la conquête de nouveaux terrains de jeu. Nous avons poussé les portes de COCU, boulangerie française traditionnelle, pour l’amour du pain, du beurre et des histoires tricolores toquées.

TDU : Bonjour Morgan, en quelques mots qui es-tu ?

Je suis Morgan Chauvel, je suis entrepreneur et j’ai lancé ma boulangerie à Buenos Aires. J’étais avant ça ingénieur informaticien. Après un stage de 6 mois aux Pays-Bas pour l’Union Européenne je me suis rendu compte que je voulais travailler en dehors de l’hexagone. Je suis arrivé en 2010 en Argentine où j’ai travaillé comme ingénieur-système pour le gouvernement du Pérou à Buenos Aires pendant dix mois avant d’opérer un virage à 90 degrés et me lancer en… boulangerie. Je suis rentré un peu plus d’un an en France pour améliorer ma technique et me lancer.

TDU : D’où t’es venue cette idée ?

J’ai vu qu’il y avait quelque chose à faire en la matière, il y a beaucoup de boulangeries dans Buenos Aires et les Argentins aiment le pain ! Mais trouver une bonne boulangerie avec un pain de tradition ; à la française, n’est pas une mince affaire. J’ai relevé mes manches et je suis parti me former en France en boulangerie pendant un an et demi, pour apprendre les secrets de la tradition du pain français. Je suis revenu et hop, Cocu est né ! On a ouvert en décembre 2012. C’était une opportunité.

TDU : Et pourquoi à Buenos Aires, en Argentine ?

J’ai toujours eu envie de voyager, aller voir du pays. J’ai accroché avec l’Argentine pour la montagne, la viande, etc. Mais j’ai baroudé dans d’autres pays. Et puis ici, je viens de le dire, les Argentins aiment le pain ce qui se prêtait au projet.

TDU : C’est vrai que les Argentins consomment plus de pain que les Français ?

Oui ! Ici on est sur du 85 kilos par personne par an contre 50/55 kilos en France. Mais ici ils le mangent de façon différente, surtout avec la viande ou les fameux choripanes. Mais on n’est pas non plus sur les mêmes traditions de pain, en Argentine c’est plus secondaire, un accompagnement. En France, le pain est un élément en soi du repas.

TDU : C’est quoi Cocu en trois mots ?

Qualité, bio, la France

TDU : Mais pourquoi “Cocu” ? Le nom prête à sourire…

Nous nous sommes inspirés du film La femme du boulanger de Marcel Pagnol, classique de la cinématographie française. Dans le film, le boulanger, cocu et malheureux, arrête de travailler. Tout le village se mobilise pour reformer le couple… La légende urbaine veut ainsi que le boulanger travaillant jour et nuit, sa femme, lassée d’être seule, s’en aille trouver réconfort dans les bras d’un autre… On aimait l’image, l’histoire, la “french touch”, alors on est parti à fond dessus.

TDU : La mission de Cocu est de diffuser la culture française en Argentine et produire la meilleure baguette de Buenos Aires ?

Ah, ah oui très clairement, en tout cas proposer un bout de France. On joue là-dessus, que ce soit le nom de la boulangerie, la déco, les produits, la com., on joue avec les codes. L’identité française est l’essence de Cocu, c’est ça que les gens recherchent aussi. On ne dénature pas les produits, on propose quelque chose de 100% français. Vous ne trouverez jamais de pain au chocolat et au dulce de leche ou des mélanges qu’on a pu voir dans les boulangeries argentines. J’ai juste craqué pour les cannelés sous la demande j’y ai ajouté un ‘toque’ de dulce de leche. Mais avant tout, on vient ici pour manger de la France, pour la tradition. Je n’y déroge pas.

TDU : D’où vient ta clientèle ? As-tu été adoubé par les français expatriés et amoureux des croissants français ?

Ma clientèle se compose d’Argentins et, en effet, de pas mal de Français ! Ça fait toujours plaisir quand ils poussent les portes de la boulangerie, on se dit qu’on est sur de bons rails. Ils viennent faire des réserves de pain ou “bruncher”. L’ambassadrice elle-même se fait livrer son pain d’ici. On a aussi pas mal d’Argentins et des touristes du fait de la localisation. Dans la semaine les gens viennent surtout de Palermo mais le week-end ça peut être de tout le “conurbano”.

TDU : Tu cuisines quoi et avec quels produits ?

On cuisine avec des produits locaux, ces derniers sont élaborés à partir de matières soigneusement sélectionnées, et nos recettes sont 100% tradition française. On a trouvé même un beurre qui se rapproche du goût du beurre français. Nos produits phares ce sont bien sûr les croissants, la baguette, et les éclairs au chocolat

TDU : Pain au chocolat ou chocolatine ?

Pain au chocolat ! Mais ici il n’y a pas vraiment débat pour les Argentins.

TDU : Tu es toujours boulanger ?

Non aujourd’hui je suis plus entrepreneur, changement de casquette. Je m’occupe de la gestion, de la partie administrative. J’ai délégué une partie de la production aux copains de Co-Pain, une autre boulangerie française un peu plus loin qui dispose d’un site de production. On est en train de faire ça, c’est tout récent. J’ai repris l’université à l’Austral en gestion de PME et en administratif pour passer “au stade supérieur”. J’essaye de déléguer des tâches peu à peu.

TDU : D’autres Cocu dans ton chapeau ?

Oui ! D’ici un mois on ouvre une seconde boutique à 4 rues d’ici, dans un marché à ciel ouvert avec d’autres restos de cuisine du monde. On est pressé ! En plus du site de production déménagé chez Co-Pain. Sinon pourquoi pas un jour pousser jusqu’à Belgrano. En ce moment on cherche à se professionnaliser maintenant qu’on est bien implanté.

TDU : Tu ressens la crise économique ? Comment Cocu rebondit ?

Pas vraiment, on a la chance d’être sur des produits pas non plus trop onéreux, les gens ne partent peut-être plus en vacances mais ils viennent toujours s’offrir un croissant le matin. De ce fait on enregistre pas trop de baisse. Les ventes sur certains produits ont un peu diminué mais c’est compensé par le reste et de manière générale on s’en sort très bien, la preuve avec cette nouvelle boutique.

Les bonnes adresses de Morgan Chauvel

Un restaurant ?
Proper

Un endroit pour prendre un verre ?
A nos amours, et manger avec !

Un lieu que vous appréciez ?
Tigre, la petite Venise !

Un truc argentin que vous aimez 
Le maté, non forcément pour son goût mais pour le rituel, le partage qui l’entoure

Pour retrouver Morgan Chauvel :

Boulangerie COCU Malabia 1510, esquina Gorriti, Buenos Aires, Argentina
http://www.boulangeriecocu.com/

Interview réalisée par Louise Le Borgne.

Crédit photos : COCU

 

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