Une histoire française des Malouines

Le premier peuplement permanent sur les îles des Malouines était français. Ce dernier fut composé au maximum de 150 colons.

Si leur histoire n’a duré que 3 ans, elle reste essentielle pour comprendre la singularité de cet archipel qui reste disputé aujourd’hui.

Un lourd tribut pour ” quelques arpents de neige ” (Voltaire).

La guerre de sept ans, historiquement considérée comme le premier exemple de guerre mondiale, se solde en 1763 par une cuisante défaite pour le royaume de France contraint de signer le traité de Paris qui l’ampute de bon nombre de ses possessions coloniales en Amérique du Nord et dans les Indes au profit de la Grande Bretagne.

Affaibli, Louis XV entreprend la reconstruction de son empire colonial, en décidant d’installer les prochains territoires français dans des lieux encore inoccupés par les États européens. Le but était d’éviter toute confrontation avec l’Espagne ou la Grande-Bretagne, en attendant que la France récupère ses capacités militaires.

C’est dans ce contexte que Louis Antoine de Bougainville, officier de la marine française et premier navigateur français à avoir fait le tour du monde, se propose d’effectuer une expédition de ses propres deniers en direction des îles Malouines dont la situation stratégique, à égale distance du détroit de Magellan et du cap Horn, permettrait de contrôler l’accès aux mers du Sud. Ces îles avaient un avantage indéniable, elles étaient connues des navigateurs et commerçants de Saint-Malo, qui les avaient eux-mêmes baptisées Malouines en hommage à leur port d’attache.

L’expédition de Bougainville et l’établissement des Malouines françaises

Le 15 septembre 1763, l’expédition dirigée par Bougainville, comprenant une frégate et une corvette, quitte le port de Saint-Malo. L’équipage fait escale à Montevideo, où il est reçu par le gouverneur de la place, José Joaquín de Viana. Les rapports amicaux qu’entretiennent l’Espagne et la France à cette époque, unis par le Pacte de famille, interdisent aux Français d’établir des colonies en Amérique du Sud et poussent alors Bougainville à dissimuler au gouverneur ses réelles motivations en lui déclarant vouloir se diriger vers les Indes. Cependant, Viana, abrite quelques soupçons et prévient ses supérieurs à Madrid du passage de Bougainville à Montevideo.

Louis Antoine de Bougainville atteint les îles Malouines le 31 janvier 1764 non sans mal et jette l’ancre dans la baie d’Accaron au nord-est des Malouines orientales.

L’arrivée de Bougainville représente la première installation permanente dans cet archipel découvert deux siècles auparavant et qui compte plus de 700 îles et îlots rocheux. Le fort militaire de Port Saint-Louis est érigé le 17 mars 1764 et la cérémonie formelle de prise de possession a lieu le 5 avril de la même année. L’acte de possession est ratifié par Louis XV le 12 septembre 1764, faisant valoir que les îles avaient été découvertes par des marins de Saint-Malo, et qu’ils leur avaient donné leur nom : les îles Malouines.

Port Saint-Louis est fondé avec l’aide de 29 colons, une population qui s’accroît l’année suivante lorsque Bougainville réalise un second voyage, début 1765, amenant 130 colons ; ce sont 150 Français qui peuplent alors l’archipel.

La première colonisation anglaise des îles

C’est un an après l’arrivée des Français, que les Anglais foulent pour la première fois les terres froides des Malouines. C’est sous le commandement du Commodore John Byron que le 15 janvier 1765, les navires de la couronne britannique débarquent, hissent le drapeau, établissent le camp Port-Egmont et prennent officiellement possession des îles qu’ils nomment “ Falkland Islands”.

La première année, les deux puissances européennes ignorent innocemment la présence de leur ennemi historique sur les îles. Les deux forts, Port Saint Louis pour les Français, et Georges, nouvellement construit par les Anglais, se tournent le dos. Mais ce partage tacite et involontaire des îles, situées à moins de 500 kilomètres des côtes argentines ne tiendrait pas longtemps face aux revendications territoriales des Espagnols.

La reprise des Malouines par les Espagnols 

Jerónimo Grimaldi, Ministro de Estado de España, soupçonne l’existence d’une colonie française installée sur les îles à travers les rapports qu’il reçoit de José Joaquín de Viana. Grimaldi proteste auprès du chef de gouvernement de Louis XV, Etienne François de Choiseul et exige la reddition de la colonie. L’Espagne considérait depuis le traité de Tordesillas de 1494 que les terres adjacentes au continent sud-américain lui appartenaient et ne pouvaient être occupées sans son consentement.

Face à une puissance alliée nettement supérieure militairement, la France reconnaît internationalement le droit espagnol sur les îles et cède définitivement Port Saint Louis renommé Puerto de Nuestra Señora de la Soledad.

En avril 1766, Bougainville reçoit avec amertume 618 108 livres en compensation des dépenses engagées pour ses expéditions et l’établissement de Port Saint-Louis et ne remettra jamais les pieds sur les terres qu’il avait conquises.

La France ne revendiquera jamais plus de droits souverains sur les îles Malouines.

Les Espagnols connaîtront cependant plus de mal à arriver à un accord avec les Anglais.

Informé de la présence de colons britanniques sur l’île, le Gouverneur de Buenos Aires, Francisco Cucarelli y Urzúa, ordonne leur expulsion le 26 mars 1770. Il faudra attendre quatre ans pour que les Anglais se décident à évacuer Port Egmont sans pour autant renoncer à leur souveraineté sur les îles.

Pour les participants de l’expédition française, les Malouines représentaient une nouvelle Arcadie : une terre d’harmonie, scintillante, idyllique, idéale pour y installer une nouvelle colonie. Mais les nombreux défis que ces îles capricieuses réservèrent aux Français eurent raison de leurs premiers espoirs. Des traversées difficiles sur des mers forcenées, un empire espagnol désireux de régner en seul et unique maître du nouveau monde, et le spectre d’une potentielle faillite économique retentissante avaient rendu l’aventure trop risquée. La période d’occupation française des Malouines a duré à peine trois ans mais certains de leurs descendants y sont restés. Il est fort probable qu’ils soient aujourd’hui devenus des « sujets de Sa Majesté britannique ».

Clément Corbineau


 

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