Tour d’horizon des programmes à moins d’une semaine du scrutin!

Rappelons que les élections législatives européennes auront lieu les samedi 8 (Amériques) et dimanche 9 juin prochains

L’heure a sonné pour les listes. Après plusieurs mois de campagne à défendre leur programme, plusieurs débats télévisés à tenter de convaincre et plusieurs meetings pour rassurer leurs partisans nous y voilà. Samedi dans les Amériques, dimanche dans le reste du monde, ce sera la fin de cette course infernale. C’est au tour des électeurs maintenant de remplir leur devoir civique. Cependant, avant de se rendre aux urnes, un état des lieux des programmes s’impose en forme de nuancier politique de l’extrême droite à la gauche radicale.

Marion Maréchal Le Pen, tête de liste Reconquête, le très jeune parti d’Eric Zemmour, a indiqué que l’élection européenne apparaissait comme une “opportunité historique” car “pour la première fois, nous avons l’occasion de faire basculer l’Union européenne…vers une majorité de la vraie droite”. D’orientation libérale sur le plan économique et nationaliste sur le plan politique, le programme de Marion Maréchal remet en question plusieurs piliers de la construction européenne. En premier lieu, il entend mettre en place une “triple-frontière” contre l’immigration. Aux frontières nationales, européennes et “au-delà de nos frontières”, incluant des accords de coopération avec les pays méditerranéens. Pour cela, la liste propose de quitter la Convention européenne des droits de l’homme. Ensuite, la nièce de Marine Le Pen entend supprimer la Commission européenne et refuser tout nouvel impôt européen pour redonner une souveraineté aux pays membres. Enfin, elle propose l’abrogation de l’intégralité des textes du Pacte vert. La numéro 2 du parti Reconquête est également farouchement opposée à de nouveaux élargissements de l’Europe. Elle indique aussi être en phase avec la lutte contre la “propagande ou subventions pro-LGBT, woke“, et la lutte contre la normalisation de la gestation pour autrui (GPA). Elle se dit également favorable à un programme de remigration, qui passe par le “renvoi des étrangers islamistes et des fichés S, le renvoi des étrangers en chômage longue durée qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, et le renvoi des criminels étrangers”. 

Dans son programme, le RN (Rassemblement National) dévoile sa “stratégie tricolore”, reprenant le code des feux de circulation. En vert, celles que le parti soutient, à l’instar d’Erasmus+. En jaune, celles qu’il accepte sous conditions, comme l’espace Schengen. En rouge enfin, les politiques que le RN rejette catégoriquement, telles que l’élargissement de l’UE et l’Europe de la défense. Pour le reste, le programme est divisé en trois parties : l’Europe qui protège, l’Europe qui produit et l’Europe qui respecte. 

L’Europe qui protège tant en matière commerciale, en passant “du libre-échange déloyal au juste-échange”, que migratoire en évoluant “de l’Europe passoire à la sécurité des peuples”. Pour cela, moratoire sur la négociation de nouveaux accords de libre-échange, retour des contrôles aux frontières nationales et dans l’espace Schengen pour restreindre la libre-circulation aux seuls ressortissants des pays membres, conditionnement du versement d’aides au développement à des Etats tiers en fonction de leur coopération en matière d’immigration. Dans une Europe qui produit, il fustige le pacte Vert trop “punitif”. Ensuite, le RN veut faire “baisser de 30 à 40 % la facture d’électricité en rétablissant un prix français de l’électricité, par la fin des règles absurdes du marché européen de l’énergie”. Enfin, dans l’Europe qui respecte, Il préconise la transformation de l’UE en une “Alliance européenne des nations”, synonyme d’une forte diminution de ses compétences actuelles avec notamment une réduction des pouvoirs de la Commission Européenne et une réaffirmation de la supériorité de la constitution française sur les normes et juridictions européennes.

Menée par François-Xavier Bellamy, la liste des Républicains entend porter les idées de “la droite pour faire entendre la voix des Français en Europe”. Renforcement de la défense européenne, souverainisme économique et durcissement de la politique migratoire sont les trois grands pans de la politique portée par la liste LR. Sur la question ukrainienne, il se positionne pour l’octroi d’aides importantes tant sur le plan militaire qu’économique mais rejette un élargissement de l’Europe. Une proposition vise à tripler le budget du Fonds européen de défense et prévoit une formation de deux mois pour chaque jeune Européen/ne aux “enjeux de la défense opérationnelle”. Concernant l’économie, le parti dénonce le “délire normatif européen”. Pour simplifier et réduire le nombre de normes, la liste LR souhaite supprimer 25 % des postes de fonctionnaires “dans les fonctions de législation” et propose un moratoire pour supprimer des normes de “responsabilité sociale et environnementale” trop coûteuses. Pour “relocaliser la production et réindustrialiser le continent”, la mise en place d’un plan “Made in Europe 2030″ est avancée. Celui-ci comprend la création d’un “Fonds européen d’aide à la reconversion des friches industrielles”. Concernant la souveraineté alimentaire, LR propose une augmentation du budget de la Politique Agricole Commune (PAC) en tenant compte de l’inflation et souhaite abroger le Pacte Vert. Pour autant, la liste ne remet pas en cause l’objectif final de neutralité carbone à l’horizon 2050 mais réclame l’instauration d’un “principe de liberté technologique” pour y parvenir. Enfin, la maîtrise des frontières occupe une place de choix dans le programme. Augmentation des moyens alloués à l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, triplement de ses effectifs et traitement de l’ensemble des demandes d’asile dans des centres d’accueil fermés situés aux frontières extérieures de l’Union Européenne.

Le programme de Valérie Hayer, Renaissance, se résume en trois axes. Le premier, “Faire de l’Europe une puissance forte, sûre et indépendante”. Porteur d’un projet d’Europe de la défense, Besoin d’Europe propose notamment de créer un “Fonds européen de soutien aux industries de défense” et de porter l’investissement dans ce domaine à 100 milliards d’euros. A ajouter à cela une augmentation des budgets de défense de tous les Etats membres. En matière d’énergie, à l’aide du nucléaire, dont il souhaite tripler la production, et des énergies renouvelables, l’objectif de la liste est de sortir des énergies fossiles avant 2050. Concernant le thème de la sécurité, le camp de la majorité présidentielle plaide pour une augmentation de 30 000 garde-frontières et garde-côtes européens. Deuxième axe, “Faire de l’Europe une puissance écologique, économique et sociale”. La liste appelle à un grand plan d’investissements de 1 000 milliards d’euros, intitulé “Plan Europe 2030″. Cinq secteurs sont concernés : l’énergie, les transports, le numérique, la santé et l’espace. Le plan a notamment vocation à compléter le Pacte vert. Production de véhicules “propres”, création d’un avion vert européen, réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides d’ici à 2030, mise en place d’un “Pacte bleu” pour protéger les fonds marins, extension de la “taxe carbone” aux frontières de l’UE…En ce qui concerne le commerce extérieur, la liste de Valérie Hayer se positionne en faveur d’un “bouclier commercial européen”. Celui-ci comprendrait la mise en place de tarifs douaniers “automatiques et massifs” et des “règles miroirs”. Enfin le troisième axe “Défendre le modèle européen et nos valeurs” propose l’inscription de l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux, l’extension des domaines concernés par la prise de décision à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité au Conseil de l’UE et l’attribution aux eurodéputés d’un pouvoir d’initiative législative, dont la Commission européenne détient aujourd’hui le monopole.

Le programme de la liste Europe Ecologie les Verts mené par Marie Toussaint est résolument pro-européiste. Première mesure phare, faire adopter un traité environnemental pour faire de la protection de la nature “la norme des normes“. Dans le même sens de la lutte contre le dérèglement climatique, les écologistes proposent de financer un fonds de souveraineté écologique et faire de l’Europe le principal actionnaire des entreprises du pétrole et du gaz et leur faire respecter l’Accord de Paris sur le climat. Autre proposition, baisser la TVA sur les produits “verts“, fabriqués en Europe pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

Dans le cadre social, la proposition la plus ambitieuse reste l’application d’un droit de veto social pour bloquer les mesures qui nuisent aux plus modestes. Chaque loi européenne devra prendre en compte les conséquences de son application sur les 10% les plus pauvres. Pour revitaliser la démocratie européenne, les verts souhaitent instituer une Assemblée constituante européenne pour sortir “l’Europe des mains des bureaucrates et des lobbies”. Cette assemblée inclut la fin du droit de veto des Etats membres et le passage à la majorité qualifiée ainsi qu’un droit d’initiative législative pour le Parlement européen. Enfin, les écolos appellent à “construire l’Europe de la diplomatie et de la défense” avec en fer de lance une armée commune. Europe Ecologie les verts rappelle son soutien à l’Ukraine en proposant de saisir les 200 milliards d’avoir gelés russes et/ou les 30 milliards des oligarques bloqués dans les banques européennes.

Place Publique et les socialistes représentés par Raphaël Glucksmann veulent “une Europe qui s’affirme comme une puissance politique et démocratique face aux autoritarismes, aux multinationales et aux intérêts privés”. Le ton est donné. Comme les écologistes et Renaissance, Glucksmann propose de bâtir une Europe de la défense. Pour cela, il prône un grand plan d’investissements européens de 100 milliards d’euros en donnant la priorité à l’industrie européenne pour ces investissements et l’achat d’armement. L’objectif des socialistes est aussi de réindustrialiser l’Europe en engageant une planification écologique et industrielle de long terme par des investissements massifs dans les secteurs fondamentaux (santé, énergie, défense…). Pour rétablir la justice fiscale, le clan PS veut instaurer un Impôt sur la grande fortune (ISF) européen ainsi qu’un mécanisme de taxation automatique des superprofits. En termes d’énergies renouvelables, l’objectif est d’atteindre plus de 70 % d’énergies renouvelables dans l’énergie consommée en Europe d’ici à 2040 et équiper au moins 1 toit sur 2 en Europe de panneaux solaires à l’horizon 2050. “Pour protéger les agriculteurs une nouvelle Politique Agricole et Alimentaire Commune est de mise”. Cela passe par refonder les aides de l’UE pour mieux rémunérer l’emploi agricole. Ouvert au commerce extra européen, il souhaite cependant des “mesures miroirs” aux frontières de l’UE. Enfin, selon Glucksmann “La politique migratoire de l’Europe doit être plus humaniste” alors la liste socialiste souhaite assurer un “devoir de sauver” pour que l’UE mobilise des moyens pour le sauvetage en mer des personnes en exil, en danger. Enfin, la dernière volonté des socialistes est de rapprocher l’Europe du citoyen en partageant les propositions de Valérie Hayer dans ce sens (prise de décision à la majorité qualifiée et attribution aux eurodéputés d’un pouvoir d’initiative législative).

Tout changer”. C’est la promesse du programme de La France insoumise. La liste menée par Manon Aubry présente 485 mesures, réparties en 9 chapitres thématiques. Fil rouge du programme, la question sociale, LFI promet d’abroger le Pacte de stabilité et de croissance, c’est-à-dire les règles budgétaires européennes exigeant des Etats de limiter le déficit à 3 % et la dette à 60 % du PIB et veut également lancer un “plan européen d’investissement public” contre la pauvreté et pour la “bifurcation écologique et sociale”. Côté fiscalité, Manon Aubry et ses camarades entendent établir une taxe permanente sur les superprofits des entreprises et “adopter un impôt sur la fortune européen”.

C’est le volet écologique du programme des Insoumis qui est le plus fourni. Manon Aubry et ses 80 colistiers proposent d’atteindre la neutralité climatique en 2040 (contre 2050 actuel objectif), et de s’orienter vers un mix énergétique 100 % renouvelable. Le programme du mouvement reprend d’ailleurs plusieurs lois de l’UE déjà adoptées sous la mandature qui s’achève afin d’en rehausser les ambitions. À l’image d’un règlement protégeant les forêts. LFI propose d’en étendre le principe à tous les types d’écosystèmes dégradés. Ensuite, priorité de La France insoumise, Manon Aubry souhaite “bloquer l’ensemble des accords de libre-échange en cours de négociation, de signature, ou de renouvellement et abroger ceux en vigueur.

En termes d’immigration, les Insoumis souhaitent accueillir dignement celles et ceux qui cherchent refuge sur le sol européen. Proposant d’agir sur les causes des migrations forcées, le mouvement veut renforcer l’aide au développement pour les pays du Sud et “créer un statut de détresse environnementale couvrant tout type de catastrophe ayant entraîné une migration forcée”.

Enfin, LFI s’engage sur les questions géopolitiques. S’agissant de la situation en Israël et en Palestine, le mouvement appelle à un “cessez-le-feu immédiat au Proche-Orient” et à la fin de l’accord d’association qui lie l’Etat hébreu et l’UE depuis 2000. Pour ce qui est de l’Ukraine, LFI compte “poursuivre le soutien” à Kiev, tout en refusant son adhésion à l’Union.

“Reprenons la main, en France et en Europe !” C’est l’ambition du parti communiste pour ces Européennes avec Léon Deffontaines en tête de liste. “Reprendre la main sur la souveraineté, sur l’agriculture, sur les services publics, sur tout ce qui a été bafoué par le pouvoir de l’argent.” Pour tout cela, indexation des salaires sur l’inflation et baisse des factures d’énergie pour redonner du pouvoir d’achat aux français. Remise en cause des traités de libre-échange, référendum sur le pacte d’austérité européen et lutte contre l’évasion fiscale pour restaurer la souveraineté française. Pour redorer la qualité des services publics, mise en place d’un fonds européen pour financer les services publics avec l’argent de la banque centrale européenne. Non à un élargissement de l’UE à des pays aux structures sociales et environnementales de production moins juste pour éviter la mise en concurrence déloyale. Enfin, dans le but de plus et de mieux produire en France, ils s’engagent à refonder la politique agricole commune pour défendre l’agriculture française, la ruralité et le droit à bien manger et à relocaliser et nationaliser les entreprises stratégiques dans les domaines du médicament, des banques, des automobiles…

Si ce tour d’horizon se propose d’analyser succinctement les programmes des 8 listes en tête des sondages et susceptibles d’atteindre la barre des 5% nécessaire pour placer des députés européens, 38 listes sont en réalité candidates aux élections européennes…Une multiplication de la proposition politique qui donne parfois le tournis.

Comme le disait Romain Gary, “l’embarras du choix, c’est parfois l’angoisse du choix”.

 

Clément Corbineau

 

NB : En Argentine, le vote se déroulera samedi 8 juin, à l’ambassade de 8h à 18h. 


 

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