“Saccage” de la dissolution, “technocrates” européens… Bruno Le Maire sort du silence un an après son départ de Bercy
|Aujourd’hui conseiller spécial d’ASML, groupe spécialisé dans les semi-conducteurs, l’ex-ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron a donné son premier entretien à la presse depuis son départ du gouvernement.
23 septembre 2025 (Le Figaro) : Et il ne mâche pas ses mots, en particulier contre l’Union européenne.
Pour son premier entretien accordé à la presse depuis son départ du gouvernement il y a un an, Bruno Le Maire n’y va pas de main morte. Aujourd’hui conseiller spécial d’ASML, géant néerlandais des machines à graver les semi-conducteurs, celui qui est resté ministre de l’Économie sous Emmanuel Macron pendant sept ans tire à boulets rouges sur l’Europe, dans une interview donnée à L’Usine Nouvelle publiée ce lundi matin. Victime d’un «cadre réglementaire excessif», c’est un «continent de la règle et de la normativité», dénonce-t-il. «Nous sommes dirigés par une bande de technocrates qui ne mesure pas la vitesse avec laquelle le monde se transforme», fustige-t-il.
Il y a urgence, notamment pour l’industrie du Vieux Continent, alerte Bruno Le Maire : «La technostructure bruxelloise est en train de tuer l’industrie européenne. Or le temps presse, il est minuit moins une : l’Europe est à l’arrêt et le reste du monde accélère. Si ne nous réagissons pas, nous risquons d’être rayés de la carte technologique du XXIe siècle.» Pour autant, la partie n’est pas perdue, selon l’ex-locataire de Bercy. Car le Vieux Continent a des atouts, positive-t-il. Celui, majeur, de la stabilité. Mais aussi «nos scientifiques, nos mathématiciens, nos laboratoires [qui] sont parmi les meilleurs de la planète». Autre force, les 450 millions de consommateurs qui représentent autant de débouchés. Sans parler «des atouts industriels». «Nous devons aussi nous imaginer comme un continent de production et pas comme un continent de consommateurs», lance Bruno Le Maire.
Pour l’ancien ministre, trois actions devraient s’imposer aux responsables politiques en ce qui concerne l’Europe : une simplification de la réglementation, «des financements complémentaires, notamment par de la dette en commun et la mise en place immédiate de l’union des marchés de capitaux» ; et enfin «la protection de nos investissements avec des tarifs douaniers quand cela est nécessaire, une préférence européenne totale pour nos PME et un régime de contrôle des exportations».
«Quel saccage !»
«Il faut montrer les dents» face aux géants que sont les États-Unis et la Chine, juge Bruno Le Maire, qui appelle à «assumer un rapport de force». L’Union européenne n’est pas à la hauteur sur ce point, regrette-t-il, estimant qu’elle «affiche sa faiblesse». Pour Bruno Le Maire, les leviers existent pourtant pour éviter que nous restions «un continent de consommateurs dans les mains des géants américains et chinois». « Il y a un an, nous avons mis en place un outil anti-coercition dans lequel il y a tout : la possibilité de limiter l’accès au marché public, l’accès au marché unique européen et nos exportations de technologies sensibles vers les États-Unis. Nous avons un bazooka mais nous ne voulons pas l’utiliser.»
Revenant sur son bilan au ministère de l’Économie, celui qui est resté sept ans à Bercy reconnaît que celui-ci reste «modeste». La dégradation de la note de la France est «un échec», et le fait de ne pas avoir redressé les comptes «une blessure profonde», reconnaît-il. Son bilan reste néanmoins «réel», se défend-il, citant notamment 650 usines ouvertes, la relance des formations d’ingénieurs ou encore la relance du nucléaire. Mais la dissolution a «tout mis à l’arrêt», déplore-t-il, que ce soit la baisse des impôts de production ou la loi sur la simplification. «Les incertitudes politiques minent la confiance des investisseurs», regrette-t-il. «Résultat : les défaillances repartent à la hausse et on détruit à nouveau des emplois industriels. Quel saccage !»
Quant à la taxe Zucman, en ce moment au cœur des débats politiques, pour Bruno Le Maire, cela revient à se «poser les mauvaises questions». Il faut d’abord créer des richesses avant de penser à redistribuer, s’agace-t-il. Le combat est plutôt dans la taxe sur les géants du numérique, dite taxe GAFAM, car ces derniers ne paient que «quelques centaines de millions d’euros d’impôts dans les pays où ils font leurs bénéfices, comme la France», précise l’ex-ministre, qui considère que le second combat fiscal est «la taxation minimale de l’impôt sur la société».
Louise de Maisonneuve
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