“Améthyste”, “topaze”… Les surprenantes étymologies des pierres précieuses

Sous leurs belles couleurs, les pierres précieuses cachent des histoires insoupçonnées…

11 octobre 2025 (Le Figaro) : Qui aurait pensé que sous leurs reflets éclatants, les pierres précieuses cacheraient des mythes et des légendes ? Souvent hérité du grec ou du latin, leur nom a traversé les âges en conservant un vestige d’histoire passionnante. De l’onyx né des ongles de Vénus à l’améthyste censée protéger de l’ivresse, chaque gemme raconte une origine où se mêlent science, poésie et imaginaire antique, transformant la minéralogie en récit mythologique.

  • Les ongles d’Onyx

La pierre tient son nom du latin onyx, emprunté au grec onux, signifiant «ongle». Son nom grec se référerait à la transparence de cette pierre, similaire à celle d’un ongle. Dans l’Histoire naturelle des minéraux, Buffon rapporte une légende autour de cette agate noire. Tandis que Vénus, déesse de l’Amour, dormait à poings fermés, Cupidon lui coupa les ongles à l’aide du fer de l’un de ses flèches. En s’enfuyant avec son butin, l’angelot les laissa tomber sur Terre. «Et parce que tout ce qui provient d’un corps céleste et divin ne doit périr, les Parques les ramassèrent soigneusement et les changèrent en cette sorte de pierre qu’ils appelèrent l’onyx».

  • L’Améthyste sobre

Ce quartz violacé a une singulière étymologie : emprunté au grec amethustos, par le latin amethystus, il se forme du – a privatif et de methuein, littéralement «s’enivrer» (que l’on retrouve dans «méthane»). La pierre passait en effet pour préserver les buveurs de l’ivresse ou agir comme antidote ; on a pensé que la couleur violette évoquait un vin étendu d’eau, et n’enivrant pas le buveur. C’est pourquoi les Romains avaient tendance à servir leur vin dans des coupes d’améthyste. L’écrivain latin Pline l’Ancien (23 – 79 apr. J-C), ne manque pas de critiquer avec scepticisme cette légende : «Sans doute ce n’est pas sans un sentiment de mépris et de moquerie pour le genre humain qu’ils [les mages] ont écrit de pareils contes.»

Une autre légende relie l’améthyste à Dionysos, dieu romain de la vigne et de l’ivresse. Insulté par un mortel, Dionysos jura de se venger en attaquant le prochain mortel qui croiserait son chemin, et fit apparaître de féroces tigres. C’est la jeune Améthyste, en route pour le temple d’Artémis, déesse de la chasse et de la chasteté, qui en fit les frais. Tandis que les tigres se ruaient sur elle, Artémis prit pitié et changea la jeune femme en pierre, en quartz, pour la protéger. Pris de remords, Dionysos ne put retenir ses larmes de vin, qui colorèrent la statue en violet.

  • Topaze insulaire

Emprunté au latin topazus, lui-même emprunté au grec topazos, nom d’une pierre d’un brun jaune. Le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey rapporte que le mot grec viendrait, pour Pline, d’un «emprunt oriental, pris à une langue africaine ou chamito-sémitique [nord de l’Afrique, Moyen-Orient, Sahel], d’après le nom d’une île de la mer Rouge». Appartenant aujourd’hui à l’Égypte, cette île est désormais connue sous le nom de Zabargad. Les Grecs et Romains y auraient cherché les fameuses pierres, sans qu’il n’y en ait jamais eu, car elles furent confondues avec les péridots, une autre pierre précieuse aux reflets dorés.

  • Alexandrite 1er

Découverte en 1830 dans les Monts Oural, en Russie, cette pierre à la couleur changeante doit son nom au minéralogiste finlandais Nils Gustaf Nordenskiöld. Selon le Trésor de la Langue Française informatisée, le scientifique la nomma en l’honneur d’Alexandre Ier, tsar de Russie. D’autres sources affirment que la pierre fait référence au futur tsar Alexandre II. Connue pour changer de couleur en fonction de la luminosité, l’alexandrite apparaît parfois bleu-vert, ou rose-rouge. Son nom ferait ainsi référence aux deux couleurs militaires de la Russie impériale, le vert et le rouge.

  • Labradorite boréale

Bien que son nom le laisse supposer, la labradorite n’a que peu de liens avec la race de chien. Elle doit son nom à la région canadienne du Labrador, endroit où on l’a découverte pour la première fois en 1770. Une légende inuite raconte que les aurores boréales, avant d’être dans le ciel, étaient prisonnières de la roche. Avec son arme, un guerrier la brisa, libérant les lumières célestes. Celles-ci s’envolèrent pour donner naissance aux aurores boréales que nous connaissons, mais quelques-unes restèrent sur Terre, formant ainsi la labradorite.

Romain Ferrier

 

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