Daniel Pennac, le mauvais élève devenu maître dans l´art d´enseigner

Début mai, l’auteur français Daniel Pennac était à Buenos Aires, dans le cadre de la 38e “Feria Internacional del Libro”. Venu présenter les versions en espagnol de plusieurs de ses ouvrages, l’écrivain-enseignant s’est entretenu avec la presse nationale (“La Nación”,” Página 12″) et avec le public sur ses sujets de prédilection: l’école, les enfants et la lecture.

pennac-danielL’histoire de Daniel Pennac, c’est celle d’un cancre devenu enseignant. L’élève de primaire, plus que médiocre, menteur, perturbateur et bagarreur, n’a jamais fait l’unanimité des conseils de classe. Sur la 4e de couverture de “Mal de escuela” (version espagnole de “Chagrin d’école”) on parcourra avec effroi un bulletin de notes datant de 1954 -alors que Pennac a dix ans- rempli d’appréciations désastreuses. “Joyeux comme compagnon, médiocre comme élève” selon le professeur de grammaire ; “parle beaucoup, mais pas un seul mot en anglais” disait celui d’anglais. Bref, quoi de mieux qu’un ancien mauvais élève pour comprendre les enfants et savoir éveiller leur curiosité. C’est donc dans la carrière d’enseignant que se lance Daniel Pennac dès 1969. Pendant plus de vingt ans, il partagera sa vie entre les salles de classe et l’écriture, avant de se consacrer entièrement à la littérature en 1995.

Parmi ses ouvrages, en grande partie le produit d’expériences personnelles romancées, certains sortent du lot et connaissent un vif succès auprès du public. La consécration viendra en 2007, lorsqu’on lui remet le Prix Renaudot pour son essai “Chagrin d’école”.
Du 1er au 3 mai, Daniel Pennac était à Buenos Aires le seul écrivain français présent à la “Feria Internacional del Libro”. Il a été accueilli au MALBA. Puis à la librairie “Mil y una hojas” où il s’est prêté à l’exercice des dédicaces.

Entrer dans la classe, c´est comme entrer dans la réalité
Professeur passionné et impliqué, il explique que le fait d’entrer en contact avec les élèves permet à l’écrivain-enseignant de sortir de sa vie d’autiste. C’est à Belleville, son quartier de cœur, cosmopolite et animé, qu’il a enseigné la plus grande partie de sa carrière. Pennac a toujours essayé de se mettre à la place des élèves, de les comprendre, lui qui a souffert de ce statut. A ses yeux, un des graves écueils de l’enseignement est de ne pas assez prendre en compte la notion de l’ennui. “Pour un élève de 10 ans, le temps passe 6 fois plus lentement que pour le professeur qui en a 60“. L’enseignement est un art, et pour éveiller la curiosité des enfants et adolescents, le professeur-écrivain a toujours cherché à responsabiliser individuellement chacun des élèves. C’est pourquoi, dans le cadre de ce qu’il appelle “la construction de la bibliothèque mentale“, il faisait apprendre à chacun un texte par cœur. Une manière de s’assimiler l’auteur étudié, de le comprendre et de converser avec lui. Aujourd’hui encore, il lui arrive de croiser d’anciens élèves l’interpellant, “M. Pennac, vous vous souvenez ? Ricardo Güiraldes (poète argentin du XXe siècle, NDRL) ?” avant de lui réciter le texte appris 30 ans plus tôt.

“Si vous souhaitez que vos enfants lisent, il n’y a qu’à le leur interdire. Vous en ferez de grands lecteurs”

Daniel Pennac avant d’écrire, a d’abord été un enfant. Peu passionné par les classes données, il se met à lire à l’internat pendant les heures d’études. Des romans. Seulement, lire des romans pendant l’étude était interdit par le règlement. Et c’est sans doute de là que naît Daniel Pennac l’écrivain. Contraint de tromper la vigilance des surveillants, de se cacher sous les draps pour lire, il se met à inventer la suite des passages qu’il n´a pas pu terminer. “Je lisais Les trois mousquetaires de Dumas et puis je décidais de l’issue des batailles. Ensuite je comparais. Je dois vous avouer que sa version à lui était quand même meilleure“. Cela serait donc ça le secret, si vous faites de vos enfants des lecteurs clandestins, ils pourraient avec chance devenir des mordus de lecture, voire, qui sait, des écrivains à succès.

*Ouvrages de Daniel Pennac disponibles en version espagnole: “Mal de escuela” (“Chagrin d´école”) ; “Señores niños” (“Messieurs les enfants”) ; “Diario de un cuerpo” (“Journal d´un corps”) ; “Como una novela” (“Comme un roman”).

Fabien Palem

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