Yann Lorvo, le retour

Yann Lorvo, le nouveau Conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut Français d’Argentine, a pris ses fonctions récemment. Dix ans après, presque jour pour jour, Trait-d’Union a le plaisir de le retrouver et de s’entretenir longuement avec ce dynamique et intarissable spécialiste de la culture. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur les projets à venir dans ce domaine.

lorvoLe nouveau Conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut Français, Yann Lorvo n’est pas en terre inconnue en Argentine : il a été responsable de la délégation générale de l’Alliance Française en Argentine de 2004 à 2008. Après être passé par le Mexique et le Brésil, il revient à Buenos Aires pour quatre ans. A son actif, plus de 25 ans d’expérience dans le domaine des échanges culturels et de la coopération. Il a fait ses premiers pas en tant que directeur adjoint de l’Alliance Française de La Havane et attaché linguistique à Cuba “à l’époque la personne qui m’a recruté au ministère des Affaires étrangères en était sûr, j’allais être le témoin de la fin du régime de Fidel Castro…. Ce qui n’arriva pas vraiment tout de suite” se souvient-il avec amusement. Puis, c’est en 2004 qu’il est amené à travailler pour la première fois en Argentine, un pays qu’il a eu le temps de visiter dans le cadre de sa mission ( presque cent Alliances françaises à coordonner) ; il avoue “J’aime ce pays, j’y ai passé beaucoup de temps à voyager, autant pour des raisons professionnelles que personnelles”».

Son retour, il le voit comme un “défi professionnel et une opportunité”. Buenos Aires, qu’il juge comme étant l’une des trois capitales culturelles de l’Amérique Latine, avec Mexico et São Paulo, est aussi une ville très attachée à la culture : “elle a certainement contribué “à sauver” le pays –la culture– Durant les années 2001 à 2003, les gens ont eu besoin de se retrouver entre eux dans ce moment de crise profonde dans des théâtres, des salles de concerts, des lieux alternatifs pour se prouver qu’ils existaient encore en tant que personnes mais aussi en tant que groupes, pour exorciser ce drame, pour se prouver que tout n’était pas perdu.”

Côté travail, une chose est essentielle selon lui : “c’est le travail en équipe, l’échec est souvent individuel et le succès toujours collectif “. Grâce à son expérience passée, Yann Lorvo possède de nombreux repères de ce côté là : “Ici, je suis en contact avec un réseau avec lequel je travaille en confiance”. Il ajoute “je m’inscris dans le plan d’action de l’ambassadeur de France Pierre-Henri Guignard. Son expérience de la COP 21 à Paris est très utile, c’est agréable d’être ici à ses côtés pour promouvoir, avec les équipes de l’Ambassade, la France et l’amitié franco-argentine”.

Yann Lorvo a ensuite esquissé la politique culturelle poursuivie par l’ambassade et a passé en revue la grande quantité de projets en cours ou à venir au programme de l’année.

Projets pour 2017

Il rappelle que la clé de voûte du travail de l’Institut est bien sûr l’action culturelle. C’est la partie la plus visible de l’activité menée, avec pour cible première : la jeunesse argentine et un objectif clair la promotion de la langue et de la culture françaises. L’intention est de collaborer pour les jeunes dans tous les centres culturels publics comme le CKK, la Usina Del Arte, le MAMBA, et même privé comme le Malba par exemple …”nous travaillons avec tout le monde en fonction des caractéristiques et des besoins de chacun : il faut faire du sur-mesure”.

Il passe rapidement en revue les projets pour 2017, comme la participation française à la réouverture du Teatro San Martín, avec une saison française incluant le dramaturge Joël Pommerat et la chorégraphe Mathilde Monnier qui travaille avec l’écrivain Alan Pauls sur une adaptation argentine du “bal” d’Ettore Scola…Julien Gosselin sera programmé quant à lui au FIBA (Festival internacional de Buenos Aires) avec un spectacle d’une durée de 12 h ainsi que Maëlle Poésy, une des plus talentueuses metteurs-en-scène de la nouvelle génération. Les visites d’écrivains comme Pierre Lemaitre, Dany Laferrière, Barbara Cassin ou de spécialistes comme Georges Didi Huberman, la psychanalyste Elisabeth Roudinesco se succéderont. Dans le domaine du cirque, Tecnopolis recevra Johann Le Guillerm et Phia Ménard pour plusieurs projets surprenants. Des artistes hors du commun comme Orlan, Xavier Veilhan, Pierre Huyghe présenteront des oeuvres dans plusieurs musées. Yves Klein est actuellement à l’honneur à la Fondation PROA et Cartier Bresson à la Usina del arte en attendant Raymond Depardon au Centro Cultural Recoleta. “Nous venons de remettre avec le palais de Tokyo et le recteur de l’université Tres de Febrero le prix Braque 2017 récompensant un jeune artiste argentin”. La liste est loin d’être exhaustive et se complétera au long de l’année.

L’un de ses premiers défis dès son arrivée a été la mise sur pied avec l’équipe de l’IFA de “La Nuit des idées”, projet qui, sans précédent ni expérience, a remporté un franc succès : 7 500 personnes à Pinanmar en deux jours dans le “Viejo Hotel Ostende” et sur la plage….Tout laisse à penser que l’évènement pourra se renouveler l’année prochaine sur une base territoriale plus large, comme la province de Buenos Aires par exemple. A ce sujet, Yann Lorvo profite de cet entretien avec Trait-d’union pour remercier toutes les personnes qui ont aidé à la bonne réalisation de cette première nuit *. D’autres débats d’idées auront en juin leur point d’orgue avec la “Nuit de la philosophie”, qui est devenue un événement incontournable (30 000 personnes en 2016)

Coopération

Yann Lorvo met ensuite l’accent sur ce qui se révèle être parfois une partie moins visible de l’action de l’Institut, mais qui est en réalité sa colonne vertébrale : la coopération tant scientifique qu’universitaire ou linguistique.

L’université est le “fil rouge de nos objectifs” affirme-t-il. Quant à la recherche, c’est l’innovation qui se trouve au premier plan. La France est en effet le premier partenaire de l’Argentine en termes de projets de coopération scientifique ; les chiffres sont éloquents – plus de 400 chercheurs Français en mission chaque année en Argentine et quelque 1000 étudiants argentins en France !

Le service de coopération et d’action culturelle continue d’accompagner les grands projets technologiques en cours (télescope Qubic, nanolab Minatec), de favoriser le travail des équipes de recherches binationales (laboratoires internationaux associés, unité mixte internationale)

La coopération universitaire se décline avec des programmes d’excellence de mobilité encadrée tels Arfitec (en sciences de l’ingénieur), Arfagri (en agronomie et médecine vétérinaire), Innovart (dans le domaine croisé Art et Innovation).

La coopération éducative et linguistique est également bien présente ; il énumère rapidement les points forts de l’année 2017 comme la présence du service culturel et de l’Ambassadeur en mai à Mendoza aux côtés et à l’écoute des 500 professeurs de français qui vont s’y réunir. Ou encore le programme du CNC adapté par l’INCAA “Le cinéma va à l’école” avec des projections de films français dans les établissements publics argentins sans oublier de nouvelles conventions spécifiques visant à renforcer la position de la langue française à signer avec les autorités des provinces (6 accords signés en 2016).

Le réseau des 54 Alliances françaises, le centre franco-argentin de la UBA et les établissements scolaires Français de l’AEFE : le Lycée franco-argentin Jean Mermoz et le collège franco-argentin Martinez contribuent activement aussi au rayonnement de la France. C’est tout un réseau et un maillage du territoire en lien avec les consuls honoraires et les chambres de commerce franco-argentines qui travaillent au quotidien à la qualité de la coopération.

La coopération se fait aussi dans les domaines les plus insolites comme la restauration d’une grande tapisserie de la “Casa Rosada” offerte par la France pour le centenaire de l’indépendance de l’Argentine : “Al Libertador San Martín, la República francesa” qui a été décrochée pour être prise en charge par les artisans du Mobilier National, des Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie en France grâce à la bonne entente diplomatique entre les deux pays et avec le soutien financier du milieu d’affaires, en l’occurence PSA. La tapisserie sera à son retour exposée au musée de Bellas Artes à Buenos Aires avant de retrouver le mur de l’escalier principal qui mène au bureau du président argentin .

On est dans “le partage, l’écoute et la diplomatie d’influence” avec “l’ambition d’aller toujours plus loin ensemble avec sérieux, générosité, ambition mais surtout du plaisir”, sans oublier un travail constant de communication avec la presse et les réseaux sociaux, résume-t-il avec le sourire en guise de conclusion, talonné par le rendez-vous suivant.

* L’Institut français de Paris, la formidable équipe de l’IFA, la mairie de Pinamar, la direction du vieil hôtel Ostende, la UADE et les autres universités argentines, Lucullus, le canal Encuentro de la télévision publique et tous les médias, mais aussi tous les invités français et argentins…

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