Yasmina Reza nous présente “Carnage” – “Un dios Salvage”

L’Alliance Française a accueilli mercredi Yasmina Reza une dramaturge française reconnue et acclamée pour ses oeuvres théâtrales primées et adaptées dans plus de 35 langues.

Yasmina Reza nous a présenté “Carnage” une adaptation de sa pièce de théâtre “Le Dieu du Carnage”. Le film, production internationale (France/Espagne/Pologne/Allemagne), dirigé par Roman Polanski est en Anglais avec sous-titres en espagnol. Le titre en espagnol “Un Dios Salvage” donne une bonne idée du thème: En chacun de nous sommeille un “Dieu sauvage” réprimé et recouvert d’une peinture qui s’effrite rapidement si on gratte un peu. Notre civilisation, nos bonnes manières, notre politesse ne peuvent réduire au silence l’être primitif, le sauvage égoïste et cruel que nous portons en nous.

Adapter une pièce théâtrale en film est une entreprise particulièrement difficile et dangereuse. Comment conserver l’unité de temps, de lieu, d’action sans tomber dans l’ennui, le banal? Peu, autre que Roman Polanski pouvait s’attaquer avec succès à tel challenge: son goût pour le huis-clos anxiogène (répulsion 1965) nous est rappelé par Yasmina Reza qui passe une semaine entière enfermée avec lui dans un bureau de 2x3m pour travailler sur l’adaptation, son expérience personnelle de l’hypocrisie des bien-pensants, les évènements horrifiants et destructifs de sa vie, tout cela en font un cinéaste extrêmement perceptif, d’une grande sensibilité……et assez cynique. Il faut certainement parler de son talent remarquable pour diriger des acteurs de très haut niveau tels que Judie Foster, Kate Winslet, John Reilly et Christoph Walz. Bien que la pièce se passe en France, Roman Polanski, ironiquement la situe à New-York, où il est interdit de séjour. L’appartement est reconstitué de façon convainquante en studio dans les environs de Paris.

L’ adaptation est une réussite incontestable qui lui vaut, ainsi qu’à Yasmina Reza le Cesar de la meilleure adaptation en 2012.

Quatre quinquagénaires urbains, conciliants, bienveillants se rencontrent pour résoudre le conflit de leur deux pré-adolescents qui s’est terminé avec deux dents cassées pour Ethan le fils de Michael (John Reilly) et de Pénélope (Judie Foster). Les parents de Zachary ,“l’agresseur”, Alan (Christoph Walz) et Nancy (Kate Winslet),sont invités dans l’appartement de Brooklyn de Michel et Pénélope. Nous participons alors à un ballet magistralement orchestré qui commence gentiment : on offre le café, une tarte, on s’émerveille sur les tulipes. Pourtant il y a quelques fausses notes, puis les insultes volent (Michael est un criminel qui a jeté dehors le hamster de sa petite fille). Sous l’influence du whisky, gentiment offert part Michael, la violence explose. Nous atteignons un paroxysme ridicule, absurde mais très drôle lorsque Nancy, l’épouse timorée, sans réel intérêt, vomit sur les livres d’art chéris de Pénélope, puis exaspérée par l’indifférence de son mari, avocat véreux, elle lui subtilise le portable auquel il est resté collé tout au long du film, et le jette dans le vase de tulipes.
Une explosion jubilatoire de méchanceté, un carnage où plus rien n’est respecté. Les bonnes manières, la politesse, la gentillesse…..l’hypocrisie?….tout est balayé par ce raz- de-marée.

Comme Yasmina l’a indiqué, “je pense que le film devrait s’arrêter là…. La morale nous prescrit de dominer nos pulsions, mais parfois il est bon de ne pas les dominer. On a pas envie de baiser en chantant l’Agnus Dei”.

Roman Polanski veut terminer sur une note positive et ironique. Dans les dernières images on voit le hamster en parfaite santé, puis les deux jeunes garçons qui discutent, probablement en train de refaire le monde.

 

Bianca Mac Master

 

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