28 mai, Pañuelo Verde

Mardi 28 mai, Argentines et Argentins se sont rendus en masse dans la rue afin de faire entendre leur voix.

Après avoir été rejetée par le sénat en août 2018, la loi visant à légaliser l’avortement dans le pays été à nouveau portée devant le congrès afin d’être réexaminée. Malgré l’approche des nouvelles élections présidentielles fin 2019 et un contexte politique troublé, jeunes et moins jeunes se sont réunis avec entrain et enthousiasme aux quatre coins de la ville, en agitant banderoles et “Pañuelos Verdes”.

“Moi-même, jeune étudiante française en stage à Buenos Aires, ai pu me rendre au rassemblement devant le palais du congrès argentin. A la nuit tombante, des cortèges entiers de jeunes femmes se pressent sur l’avenue Callao, en direction du cœur de la manifestation. Plus l’on se rapproche, plus les voix s’élèvent, des rires, des chants festifs et déterminés émanent d’une foule bigarrée, agglutinée autour de la place du congrès. “Pan y rosas”, groupement féministe indépendant, et le PTS, parti des travailleurs socialistes sont notamment présents et largement repérables grâce à leurs bannières violettes. Malgré la densité, je décide de plonger au cœur de l’action, au plus près des porteuses et porteurs de banderoles, des lanceuses et lanceurs de chants. Une ambiance incroyable règne alors au milieu de ces hommes et femmes de tout âge, toute origine, et pourtant tous réunis autour d’une même cause. La ferveur et l’engouement populaire sont évidents, ceci témoigne de l’indéniable volonté des gens de la rue de faire changer les choses”.

La légalisation de l’avortement en Argentine est un sujet de dissension au sein de la classe politique, et donne lieu à de nombreux débats au coeur de la société. Ce qui n’empêche pas la campagne de légalisation de battre son plein dans les différentes sphères de la population. L’avortement est un sujet qui touche au féminisme et à la libération du corps des femmes, mais est aussi et surtout un enjeu de santé publique dans un pays où beaucoup de femmes meurent chaque année à la suite d’avortements clandestins, effectués dans des conditions sanitaires précaires et inadaptées. De plus, la thématique de l’avortement est fondamentalement reliée à un enjeu de classe sociale, il n’est pas rare de voir dans les rues de Buenos Aires les inscriptions suivantes « Las ricas abortan, las pobres mueren », littéralement « les riches avortent, les pauvres meurent ». C’est cette inégalité que dénonce notamment la campagne pour l’avortement à travers les fameux “Pañuelos Verdes” par la phrase « aborto legal para no morir » (avortement légal pour ne pas mourir). Il est, toutefois, possible dans certain cas d’avorter en Argentine, à condition de pouvoir se rendre dans des cliniques privées, et avoir les moyens de financer l’opération, ou de traverser le Rio de la Plata pour se rendre en Uruguay, pays où l’avortement a été légalisé en 2012, possibilités ouvertes à un très faible pourcentage de femmes et moteur d’une inégalité croissante.

Le mouvement « pañuelazo » a acquis grande notoriété dans le monde entier et est repris en tant que symbole de la lutte pour la légalisation de l’avortement dans de nombreux pays. Bien que rendu légal par Simone Veil en 1975, les Françaises et Français se sont également mobilisés ce 28 mai à Paris et à Toulouse afin d’apporter leur soutien aux Argentines. A la lumière des récents évènements aux Etats-Unis, notamment en Alabama, il est nécessaire de rappeler qu’il est important de se battre pour conserver et sanctuariser les droits des femmes.

Elhia Pascal-Heilmann

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