Michel Didym : l’entretien

Mardi 11 juin, Michel Didym a donné une conférence à l’Instituto Lenguas Vivas de Buenos Aires, pour échanger autour de la pièce « Le malade imaginaire » à l’affiche au Teatro San Martín et dont il est le metteur en scène.

Michel Didym est metteur en scène et comédien, reconnu dans les sphères théâtrales françaises et internationales, il est également directeur artistique de la « Maison européenne des écritures de théâtre contemporaines » et de la « Mousson d’été », dont il est le fondateur. Très impliqué dans les relations culturelles franco-argentines, il participe notamment à l’événement « Tintas frescas » le marathon de lecture interculturel et intergénérationnel de Buenos Aires.

Artiste aux multiples casquettes, il a joué sur les plus grandes scènes du monde entier. Tantôt acteur, tantôt metteur en scène, il est adepte des pièces contemporaines, toutefois il s’est attaqué il y a quelques années à l’œuvre monumentale qu’est « Le malade imaginaire » de Molière : lors de l’entretien, il revient sur les raisons qui l’ont poussé à adapter cette œuvre.

Il explique avoir été attiré par le personnage de Molière, son esprit et ses valeurs. Il s’agit pour lui d’un dramaturge complet, bien qu’ambigu politiquement, dont les pièces résonnent aujourd’hui avec une drôle de modernité : mariage forcé, relations au corps et à l’argent, tout y est. Ainsi, Michel Didym a vu dans « Le malade imaginaire » le moyen de remettre au goût du jour un morceau d’anthologie du théâtre français, tout en replaçant la pièce dans notre époque contemporaine.

D’après le metteur en scène, si les pièces de Molière sont toujours aussi divertissantes, des siècles après, c’est parce que la comédie du dramaturge français s’attaque à la nature humaine en ce qu’elle a de plus inexplicable, irrationnelle et incompréhensible. En 2019 on continue alors à rire à gorge déployée face au personnage d’Argan, interprété par le metteur en scène lui-même, on s’émeut devant le personnage de Toinette car ils incarnent des travers, traits et caractères universels de l’Homme. Il rappelle que cette œuvre permet de traiter des sujets brûlants sur le ton de la comédie, notamment par rapport à la thématique du mariage forcé, qu’impose Argan à sa fille afin d’avoir un médecin pour gendre. Lors des représentations en Afrique notamment, Michel Didym explique à quel point la pièce a pu faire scandale : la plupart du temps, les jeunes filles n’étaient même pas autorisées à y assister car l’œuvre considéré comme « haram », soit contraire aux principes religieux.

Enfin, il est revenu, lors de cette entrevue, sur ses choix de mise en scène et d’adaptation. Bien que d’une étonnante modernité, la pièce appartient indéniablement à une autre époque, une époque théâtrale classique et codifiée. Selon lui, les œuvres de Molière ont parfois tendance à repousser voire à effrayer les metteurs en scène en raison de la rigueur et de la rigidité qu’elles impliquent. Michel Didym et sa troupe ont par ailleurs fait le choix de prendre le contre-pied en pensant à faire quelque chose de moderne avec quelque chose d’ancien : en ses mots « jouer du Molière à la façon d’une pièce de Novarina ».

Elhia Pascal-Heilmann.

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