Continuité pédagogique et cours à distance : une épreuve que la communauté a su traverser

Suite à la reprise des cours après les vacances scolaires, toujours à distance, il est temps de faire un point sur cette nouvelle façon d’enseigner, imposée aux professeurs face au confinement argentin qui s’étend indéfiniment. Ce retour d’expérience est celui de quelques enseignants du lycée Mermoz, à Buenos Aires.

Trois semaines après la rentrée scolaire, l’ « enseignement à distance » (EAD) a été imposé pour permettre la continuité pédagogique. Un défi pour les enseignants qui avaient à peine pris contact avec leurs nouveaux élèves. L’absence de réunion, même par la plateforme Zoom, de concertation entre les divers professeurs et l’administration, a été un obstacle supplémentaire. Il fut difficile pour les professeurs de savoir quelles étaient les attentes auxquelles ils devaient répondre. En effet, selon une enquête réalisée par le SNES-FSU (Syndicat national des enseignements de second degré), seulement 36,7% des enseignants interrogés se sont sentis accompagnés par l’administration dans la mise en place du télétravail.

Une nouvelle relation au numérique

Dans l’établissement Mermoz, qui est privé, chaque élève dispose d’un “Chromebook”, mais tous n’en maîtrisent pas le fonctionnement. Il a donc fallu un certain temps avant que chacun soit capable de travailler convenablement sur ce support. Par ailleurs, l’inégale qualité de connexion internet entraîne des difficultés pour certains élèves, ainsi qu’une perte de temps considérable (doit alors demander le cours, s’organiser différemment).

Au fur et à mesure, une programmation équilibrée entre charge de travail et classe virtuelle s’est mise en place. Les élèves ont appris de manière satisfaisante, ils ont progressé en autonomie, et ont désormais une meilleure maîtrise des outils numériques.

Apparition de nouvelles problématiques

Certains élèves ont été angoissés par le temps trop long devant les écrans, car l’intégralité des cours et des devoirs se faisaient par ce biais.

De même, la prise de parole a été difficile, notamment pour les élèves timides, car leur visage apparaissait aux yeux de tous sur l’écran, lorsqu’il n’est visible que par une petite partie de la classe en présentiel. À la période de l’adolescence, l’image tient un rôle primordial et elle est compliquée à gérer pour la plupart.

La mauvaise connexion internet a rendu parfois difficile le suivi des cours et des évaluations, il est par exemple difficile de noter un élève qui ne peut pas s’exprimer convenablement lors d’une interrogation orale.

La concentration n’est également pas la même que dans les cours dispensés au sein de l’école, 64,5% des enseignants interrogés par le SNES-FSU relèvent que les élèves ne sont globalement pas assez attentifs lors des cours en ligne, ni convenablement impliqués.

On ne peut nier le « décrochage » de certains élèves, peu nombreux, décrochage lié aux difficultés pour s’organiser, pour trouver un rythme et le suivre. Faute d’auto-discipline et de motivation pour certaines matières, ils ont vite été découragés. Néanmoins les réunions par Zoom entre les professeurs et les parents ont généré un changement d’attitude pour la plupart. D’autres ont vite compris les attentes de l’EAD et ont été autonomes très rapidement.

Continuité pédagogique : un soutien dans le confinement

L’EAD a fait des parents et des enfants heureux, les semaines se suivent, les élèves ont le sentiment de ne pas perdre leur temps et d’apprendre. Et cela leur a permis aussi d’accepter l’aspect insupportable du confinement pour des adolescents (enfermement, pas de promenade autorisée, aucune activité en dehors du domicile…).

Néanmoins, certains professeurs font remonter les difficultés à accompagner les parents : intervention excessive (souvent sans filtre) de certains ou passivité dramatique d’autres. Ces derniers rendent l’élève responsable (de sa présence et participation en classe virtuelle, devoirs faits et correction en s’appuyant sur les corrigés sans les aider) or cela demande une certaine maturité, responsabilité qui ne se développe que lorsque l’élève est accompagné par les parents. Mais ce n’est pas une généralité ! Un grand nombre de parents a remercié les enseignants pour leur travail régulier pendant le confinement et leur implication auprès des enfants.

Un bilan plutôt satisfaisant

Le bilan des élèves : une minorité a apprécié le fait de ne pas se rendre dans l’établissement mais la plupart avoue que l’absence de relation avec ses « copains », de contact, ont entraîné davantage de stress. Ils ont insisté sur le surcroît de fatigue dû aux nombreuses heures devant les écrans qui de plus ont généré des douleurs dans le dos.

Pour les enseignants : une charge de travail considérable quant à la « re-préparation » des cours, correction et corrigés pour les adapter au support numérique (83,7% des enseignants interrogés dans le cadre de l’enquête du SNES-FSU déclarent travailler plus que d’habitude) … Un doute quant au rapport entre l’efficacité du travail réalisé et le temps investi également devant l’écran. Une grande exigence de part et d’autre mais pour quels résultats ?

Malgré ces quelques bémols, le bilan des professeurs reste dans l’ensemble satisfaisant. Il ne faut cependant pas oublier que seul l’enseignement en présentiel permet de s’assurer des acquis, de la tenue des classeurs, de l’impression des fiches, et surtout des progrès réalisés par les élèves. Rien ne remplacera les cours en présentiel, mais le défi semble avoir été relevé avec efficacité !

Article co-écrit par Elisabeth Devriendt* et Perrine Bontemps

*Ndlr : Madame Devriendt, a été professeure de lettres durant de nombreuses années au Lycée Mermoz, elle vient, au mois de juillet, de prendre sa retraite. Elle a, elle-même, pratiqué l’enseignement à distance cette année, de mars à fin juin

 

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