Et pendant ce temps le confinement…

Le Trait-d’Union vous a proposé au cours des derniers mois du confinement de courts entretiens avec des membres de la communauté française et franco-argentine vivant dans le pays, confrontés comme nous tous, à une vie de clôture parfois de solitude, difficile à supporter et en tout cas toujours teintée de surréalisme. Jérôme Mathe (Buenos Aires)

Pour notre dernier entretien, nous avons choisi de poser nos trois questions sur le confinement à Jérôme Mathe lequel, depuis de nombreuses années, nous fait profiter de ses connaissances culinaires. Avec lui, c’est comme un morceau de la France qui se serait installée en Argentine. Un morceau indispensable puisque nous parlons de gastronomie et chacun sait que la gastronomie en France fait partie de notre ADN.  Chef restaurateur, membre de l’Académie culinaire de France, Jérôme, parmi ses nombreuses activités, est actuellement conseiller de la Chambre de commerce franco-argentine. Il dirige aussi le restaurant de la Villa Ocampo Unesco à Beccar dans la banlieue nord de la capitale.

Pouvez-vous nous dire comment vous vivez votre confinement ?

Tout d’abord, il faut bien comprendre que pour nous, qui sommes dans le service de la gastronomie, cette pandémie a été une terrible hécatombe. Pour celles ou ceux possédant une structure commerciale, un arrêt complet de l’activité durant huit ou neuf mois était absolument impensable et surtout impossible à soutenir.

En réalité, j’ai connu plusieurs phases pendant la période de confinement. La première, dans les premières semaines, ce fut celle de l’arrêt brutal qui nous a totalement pris au dépourvu. Et puis, comme je suis quelqu’un d’assez inquiet, que je ne peux rester en place trop longtemps, j’ai commencé à essayer de voir les alternatives possibles pour reprendre mon activité et continuer à travailler. Rapidement, j’ai commencé à faire des vidéos de cuisine lesquelles, ensuite, m’ont amené à proposer des classes de cuisine en ligne. Puis, j’ai proposé à des entreprises de vendre ce qui ressemblerait à des kits comprenant des ingrédients de cuisine pour réaliser une recette comme, pour ne citer que quelques exemples, un « Bœuf Strogonoff », un « Poulet basquaise », un « Filet de bœuf à la moutarde » ou encore, un classique « Rôti pommes de terre ». A partir d’un code-barres que les gens pouvaient scanner sur leur mobile, j’apparaissais dans une vidéo qui expliquait comment procéder. Naturellement, le tout était accompagné d’une bonne bouteille de vin afin d’accompagner le plat et joindre aussi l’utile à l’agréable.

J’ai aussi pensé à avoir des alternatives de travail à l’extérieur : des missions courtes en France ou à l’étranger me permettant justement de pouvoir gagner un petit peu d’argent et continuer à évoluer ici sans trop avoir de souci économique.

Nous finirons bien, un jour où l’autre, par sortir de chez nous. Quels sont vos projets une fois que la crise actuelle sera passée ?

Mes projets sont en relation avec ce que je viens d’évoquer. J’ai l’idée de monter une activité gastronomique en France à St Tropez, sur la côte méditerranéenne. Parallèlement, je vais bien sûr continuer mes activités en Argentine c’est-à-dire maintenir le restaurant que je gère à la « Villa Ocampo » à San Isidro. J’apprécie énormément cet endroit emblématique et imprégné de culture. Je vais également continuer mes activités de consultant qui consistent à donner des conseils sur divers aspects de la gastronomie comme la mise en place d’une cuisine, la sélection du personnel, la formation… En rapport avec ces activités, je pense que l’année prochaine il va y avoir beaucoup de restaurants qui vont fermer à cause de cette crise que nous traversons. Ils seront très certainement repris par des investisseurs désireux de développer de nouveaux projets gastronomiques mais ne connaissant peut-être pas vraiment le travail que nous faisons et qui donc auront besoin de gens comme nous, capables d’apporter notre savoir-faire. C’est une activité qui m’attire parce que c’est nouveau. Ce sont des défis qui nous permettent aussi d’approcher des gens différents. En quelque sorte, on est dans une formation perpétuelle. Justement, la pédagogie et la formation dans le secteur gastronomique sont des activités qui me plaisent beaucoup.

A n’en pas douter, cette période que nous vivons est hors du commun.  Beaucoup considèrent que le monde d’ « avant » ne pourra plus être le même lorsque cette crise sera passée. Qu’espérez-vous de ce monde de l’ « après » ?

Je suis désespérément optimiste donc j’ai toujours l’impression que ce qui va venir est toujours mieux que ce que qui est derrière nous même si je garde tout de même la nostalgie des choses vécues. J’espère surtout que tout ce qui nous est arrivé cette année va nous faire évoluer positivement peut-être avec une prise de conscience du nécessaire respect de la nature. Peut-être aussi que cela va nous apprendre à vivre avec ce nouveau type de communication que nous avons développé cette année afin de pallier l’absence de véritables rencontres en « chair et en os ».

Propos recueillis par Jérôme Guillot

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