Un roman de vie : Alicia Dujovne Ortiz

La journaliste et écrivaine argentine, Alicia Dujovne Ortiz était à l’Alliance Française jeudi 27 avril pour présenter le dernier roman de sa trilogie autobiographique Andanzas.

Au cours de la conversation, animée par Silvia Fesquet, l’autrice décrit sa vie comme des montagnes russes. Une vie ponctuée d’allers-retours entre l’Argentine, son pays natal, et la France, son refuge. Ses parents, membres du parti communiste de l’époque, lui inculquent une formation française, ce qui la pousse à émigrer une première fois vers la France au moment de la dictature argentine. À l’époque, journaliste dans les journaux La Opinión et La Nación, elle ne supporte pas que les sbires de Massera exigent qu’elle écrive pour eux. Elle s’envole pour la France grâce au journal, qui lui obtient des billets d’avion. Elle vit pour la première fois en Ariège et y construit sa vie. Elle rentrera une première fois en Argentine à l’époque de Menem, ses enfants souhaitant (re)découvrir leur pays. Mais ce retour n’est pas définitif…elle repart puis reviendra vivre quelques années à Palermo. Son troisième exil sera motivé par la naissance de son arrière-petit-fils en France. Pendant plus de dix ans, elle observe la nature, écrit cinq livres et savoure le temps qui passe. Aujourd’hui, elle dispose d’un appartement à Paris.

Sa façon de décrire les deux pays, ses deux pays, est particulièrement touchante : « Mon refuge, c’est la France. La manière de faire des relations là-bas est différente. Il y a moins d’excès dans l’attitude française. J’ai compris les codes sociaux au fur et à mesure. Et maintenant, je m’y sens bien, c’est mon cocon. L’Argentine, c’est le pays où je peux me divertir, c’est mon pays, viscéralement, car j’y suis née, mais c’est un pays auquel je ne peux plus faire confiance. Je ne pense pas souvent à l’Argentine quand je suis en France, je ne suis pas une de ces exilées nostalgiques. Mais il est vrai que l’Argentine est le pays où je peux vivre sans que l’on me demande sans cesse d’où je viens, parce que mon accent ne me trahit pas ».

Journaliste de renom, elle a travaillé notamment pour Le Monde. En arrivant à Paris pour la première fois, avec sa fille, elle a la chance qu’un de ses livres soit publié par Le Mercure de France. Chez Gallimard, elle rencontre l’académicien Hector Bianciotti, qui la protège et lui trouve un logement, au cœur de Paris. Auteur reconnu, il lui permet d’écrire des notes sur la littérature en Amérique Latine dans Les Nouvelles Littéraires.

Elle devient conseillère littéraire aux éditions Gallimard entre 1978 et 1995. Etant argentine, on lui propose d’écrire des livres tels que la biographie d’Eva Perón en français (Evita, paru en 1995 et traduit dans plus de 22 langues), ou encore celle de Diego Maradona. Son parcours de romancière est ponctué d’opportunités diverses qui la conduisent à exercer des activités variées. Ce mode de vie – plutôt peu stable en apparence-, elle le tient aussi de ses parents : « Ma mère me disait toujours que le monde m’appartenait et que je pouvais en faire ce que je voulais. Son leitmotiv, que j’ai conservé, c’est de s’inventer la vie. Je m’amusais beaucoup de ne pas savoir de quoi demain serait fait, de me débrouiller dans cet exil sans stabilité. Et j’étais heureuse, car au moins je pouvais vivre de la littérature ». Grâce au Centre National du Livre, elle part en mission en Moldavie, à Moscou et à Berlin, ce qui lui permettra en outre d’effectuer des recherches sur le Komintern, l’Internationale communiste, sachant que son père en avait fait partie.

Lors de cet échange, Alicia Dujovne Ortiz nous émeut par ses mots toujours bien choisis et ses définitions pleines de sagesse ; en voici quelques-unes :

« La valise de l’exil, c’est comme rencontrer la première phrase d’un roman ».

« Le second exil, c’est l’acceptation de la mort, s’éloigner de l’émotion quant à celle-ci ».

« La littérature m’a sauvée de la tragédie ».

« Préparer sa valise pour l’exil génère la question : Qui suis-je ? ».

Cleophée Baylaucq

Photo : capture d’écran vidéo


 

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