Marianne, une représentation symbolique qui émerge de la Révolution Française

La Révolution Française a créé un nouvel ordre politique et social et inspiré les mouvements indépendantistes du XIXè siècle. Cependant, la déclaration des principes d’égalité, de liberté et de fraternité n’a pas suffi à créer d’emblée la citoyenneté.

L’entreprise politique révolutionnaire a consisté à construire une nation, et cette tâche a été menée non seulement par la raison et les idéaux, mais aussi par la peur et la haine. Pour l’élite éclairée, le peuple était une force obscure, qui devait être soumis. Pour le peuple, les aristocrates étaient des conspirateurs qui voulaient rétablir la royauté et devaient être éliminés.

Et quels ont été la figure et le rôle de la femme au cours de ces périodes chaotiques de construction de la nation ?

La femme « Bouc émissaire »

En premier lieu, le refus viscéral de l’aristocratie s’est acharné sur les femmes d’origine noble. Marie-Antoinette et ses suivantes furent accusées des pires crimes, ainsi que de la débâcle financière ayant laissé le peuple affamé. Bientôt les révolutionnaires se virent également rejetés par les femmes du peuple, “les tricoteuses”, les amazones d’Anne Joseph Théroigne de Méricourt, les républicaines qui faisaient irruption dans l’Assemblée et huaient en faisant scandale les congressistes depuis les tribunes. Les femmes étaient redoutées pour leur colère, leur folie, leur débauche… mais aussi pour leur intelligence. Belles, elles étaient aussi capables d’exprimer des pensées politiques et des réflexions lucides, une rhétorique brillante et comptaient parmi elles nombre de bonnes plumes. Pierre-Gaspard Chaumette dans le club des Jacobins plaide pour l’exécution d’Olympe de Gouges et l’appelle “Virago (un garçon manqué) monstrueuse”.
Mais quel malentendu ! Elle ne veut pas être un homme, elle veut simplement jouir des mêmes droits !
La peur des majorités se conjugue à la peur de la subversion de l’ordre moral et social établi. C’est la peur d’une révolution au cœur de la révolution.
Et alors, les femmes, désarmées, décapitées, sont chassées des rues et de la politique et repoussées vers la sphère privée.

Le retour de la femme « idéalisée »

La laïcisation de la politique révolutionnaire a conduit à la sacralisation du civique. Lors de la première fête de la “Déesse de la Raison” organisée à Notre-Dame de Paris, transformée en salle publique, l’actrice Mademoiselle Maillard, vêtue de blanc, avec une longue cape bleue et un bonnet phrygien, fut portée en procession au rythme des strophes de “la Marseillaise” et placée sur un trône. Les femmes participent en représentation théâtrale ; les plus jeunes filles incarnent les allégories des valeurs républicaines sur des chars dans les fêtes villageoises… les « arbres de la liberté » ne satisfont pas vraiment l’imagination populaire ! L’idéalisation de la femme se consolidera tout au long du XIXe siècle comme illustré dans le tableau de Delacroix, “La Liberté guidant le peuple”, inspirée par la Révolution de 1848.

Cependant, Marianne, le buste féminin coiffé d’un bonnet phrygien, est d’une autre lignée. Un nom de code péjoratif du “peuple” méprisé et ignorant ou une métaphore aimable dans les vers d’une célèbre chanson “La Garrisou de Marianno“, le nom ordinaire de Marie-Anne, représentera dorénavant la République Française et ses valeurs républicaines.

Marianne est ainsi la femme émergeant du fond de la mémoire de la Révolution française et de toutes ses significations symboliques.

Patricia Pellegrini

 

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