Jeux Olympiques de Paris 2024 : Chronique d’une préparation tourmentée

Les JO approchent et pour l’instant, l’enthousiasme collectif normalement de mise vire au scepticisme.

En effet, ces derniers mois ont été rythmés par des polémiques incessantes qui sont venues entacher la fête qui se doit d’être le plus grand rendez-vous sportif du monde. Alors comment est-on passé des intentions louables du Comité organisateur 2024 aux doutes et aux critiques ? Chronique des préparatifs tourmentés des JO 2024.

Des JO plus verts, moins chers et plus inclusifs : les ambitions des JO 2024 

Ça partait pourtant bien pour les JO 2024. D’ordinaire coûteux, énergivores et polluants, les JO 2024 se voulaient les plus écologiques et les moins chers des dernières décennies. En s’engageant auprès de l’ONG WWF France, l’ambition était d’organiser “des Jeux à impact environnemental positif qui accélèrent la transition écologique et contribuent à réinventer les villes et les modes de vie”, selon les mots du Comité organisateur. Les objectifs étaient clairs, -55% d’émissions de gaz à effet de serre par rapport aux jeux de 2012 à Londres, 100% de l’approvisionnement électrique par énergies renouvelables, 100% des sites accessibles à vélo ou en transport en commun et 85% à moins de 10 kilomètres du village olympique.

Tony Estanguet, triple champion olympique de canoë monoplace slalom et président du comité organisateur de ces JO déclarait également : “C’est la première fois qu’il y a une telle responsabilité avec 95% des équipements des JO qui sont déjà existants”. La politique de ces JO était d’adapter des complexes déjà existants et de construire finalement le moins possible.

De plus, l’essentiel des chantiers pérennes comme le village olympique, qui se transformera en éco-quartier, le centre des médias et le centre aquatique sont situés en Seine Saint- Denis. Une bonne aubaine pour développer et moderniser ce département souvent délaissé par les pouvoirs publics. Résultat de cette politique de sobriété, la compétition est en effet la moins chère de ces dernières décennies avec un coût prévu de 8,8 milliards d’euros.

Enfin, les jeux sont les plus soucieux de l’égalité homme-femme. Tony Estanguet annonçait : “C’est la première fois que les jeux seront paritaires. Il y a le même nombre d’athlètes hommes et femmes au départ des compétitions Olympiques”.

Cependant, les belles promesses affichées aux premiers jours de ces JO n’ont pas réussi à occulter les nombreuses controverses qui ont suivi.

Les polémiques autour de l’organisation des JO : un feuilleton constant et consternant 

Des travailleurs sans papiers sur les chantiers parisiens

Première polémique en date, le recrutement de travailleurs illégaux sur les chantiers parisiens. Ils ont été plus d’une centaine de travailleurs sans papiers à avoir été recrutés, puis maltraités et sous-payés depuis 2022 sur différents chantiers de la capitale. Ces ouvriers originaires d’Afrique subsaharienne, affectés aux travaux les plus pénibles, avaient été embauchés sans contrat de travail, ni fiche de paie, congés payés, heures supplémentaires, prise en charge des frais de transports et de déjeuner, par neuf entreprises sous-traitantes de deux “géants” du secteur. Un groupe de dix d’entre eux avaient finalement assigné plusieurs entreprises aux prud’hommes de Bobigny, une affaire malheureusement classée sans suite à l’heure actuelle.

Paris se vide de ses squats 

Depuis plus d’un an, les autorités de la ville de Paris procède à un dégagement massif des squats de la capitale et ce sans proposer de solutions de relogement pérennes. Ce sont alors des hommes, des femmes, parfois des familles avec enfants pour la plupart en situation régulière et qui travaillent qui sont mis dehors, envoyés en province sans assurance de relogement. Les trois principaux squats de la capitale en ont déjà fait les frais. En avril 2023, c’était l’ancien siège désaffecté d’Unibéton sur L’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), à proximité du futur village des athlètes où vivaient 500 migrants qui a été vidé. En juillet, 150 autres personnes qui avaient trouvé refuge dans une maison de retraite abandonnée à Thiais (Val-de-Marne) ont également été expulsées. Enfin, en mars 2024, ce sont des bureaux désaffectés de Vitry-sur-Seine, abritant 450 personnes qui ont été évacués. Un véritable “nettoyage social”, dénoncé par les associations humanitaires sur place.

Des JO soi-disant écolo…

Dès 2023, l’épreuve de surf cristallisa les tensions et les contestations. Si les organisateurs des JO 2024 brandissaient très haut l’ambition écologique du projet, les promesses se sont vite heurtées à la réalité. Cette épreuve aura lieu à plus de 16 000 kilomètres de la capitale à Tahiti sur la plage de Teahupo’o. Emmener 48 surfeurs, juges, journalistes et autres accompagnateurs, par avion jusqu’en Polynésie française semble difficilement conciliable avec les mesures écologiques évoquées par le comité organisateur. Un choix vivement critiqué pour son aspect purement “marketing” puisque quatre autres endroits de surf étaient également candidats et avaient le mérite d’être situés le long de la côte atlantique française. Mais ces derniers ne possédaient ni paysages tropicaux ni eaux cristallines.

Enfin, comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, si la plage possédait déjà une tour en bois utilisée avec succès pour juger et filmer en direct d’autres compétitions internationales de surf, les organisateurs ont décidé d’en construire une autre en aluminium sur l’une des zones du récif corallien tahitien. “Cette nouvelle construction va détruire une grande partie du récif, avec des impacts désastreux sur l’écosystème marin” s’inquiétait le surfeur tahitien, Matahi Drollet. D’autres associations locales se sont également révoltées contre ce choix destructeur pour la vie marine. Tant de dégâts pour une épreuve qui ne durera que 3 jours, le jeu (olympique) en vaut-il la peine ? …

La droite conservatrice s’insurge

Certaines polémiques ont donné à voir un spectacle ridicule de la France à l’internationale. Parmi celles-ci, les polémiques véhiculées par la droite. Deux épisodes ont particulièrement fait couler de l’encre : les rumeurs sur la potentielle participation de la chanteuse franco-malienne Aya Nakamura lors de la cérémonie d’ouverture et l’affiche officielle des Jeux, qui tous deux ne seraient pas représentatifs de la France.

Artiste française la plus écoutée à l’étranger, Aya Nakamura, française d’origine malienne, est devenue depuis quelques années la tête de proue de la musique française à l’internationale. Si rien n’a été confirmé ou démenti jusqu’à présent, et que la surprise sera gardée jusqu’au Jour-J, l’apparition de cette rumeur a suffi pour que les pires allégations racistes fusent sur les réseaux sociaux. Les représentants politiques n’ont pas été exempts de tout reproche également, certains indiquant qu’elle ne chanterait pas en français…

Du dessin, quant à lui, qui réunit pour la première fois les Jeux Olympiques et Paralympiques sur un même plan et qui représente 2000 heures de travail et 40.000 personnages de toutes les couleurs et de tous les genres, on en retiendra que deux manquent : celui du drapeau français et la croix au-dessus du dôme des Invalides. Pour Marion Maréchal Le Pen, l’artiste a souhaité délibérément « effacer » la croix et « invisibiliser » le drapeau tricolore. “Quel intérêt d’organiser les Jeux Olympiques en France si c’est pour cacher ce que nous sommes ?” s’écria la nièce de Marine Le Pen alors que Jordan Bardella s’offusqua sur Twitter de “la cancellisation de notre patrimoine chrétien”. En regardant plus en détail, les couleurs bleu blanc rouge sont bien présentes par la présence des cocardes ou des mascottes en forme de bonnet phrygien.

 Des tickets de métro pour rembourser les JO

Ensuite, en novembre 2023, c’est la hausse du prix du ticket de métro qui secoue les Parisiens. Le ticket initialement à 2,15 euros coûtera désormais 4 euros. L’objectif officiel est de trouver une solution pour ne pas asphyxier les transports pendant les 16 jours de festivités sportives. Entre les travailleurs parisiens, les touristes étrangers et les visiteurs des Jeux, on imagine bien les temps d’attente aux guichets des métros parisiens. En mars dernier, Valérie Pécresse est revenue sur cette mesure pour justifier ce nouveau tarif. « Il a un but dissuasif », « Il est fixé à quatre euros pour que personne n’en achète » a assuré la présidente du Conseil régional d’Ile de France.

Anne Hidalgo retarde le grand saut 

Si les Parisiens rigolent peu de l’augmentation du ticket de métro, ils s’en donnent à cœur joie pour se moquer de leur maire, Anne Hidalgo, qui recule tous les jours un peu plus sur sa promesse de plonger dans la Seine. En effet, la ville de Paris a promis de faire concourir les athlètes olympiques et paralympiques de natation directement dans la Seine, un pari risqué à plus de 1,5 milliards d’euros. Habituellement décrit comme le fleuve le plus pollué de France, Hidalgo, pour défier les hygiènes sceptiques, a promis de s’y baigner avant les jeux pour prouver la qualité de l’eau retrouvée du fleuve parcourant la capitale. Cependant, petit problème, les tests ne sont toujours pas convaincants. Ainsi, chaque semaine, le grand plongeon a été retardé pour la semaine suivante. Mais l’évènement a eu lieu…mercredi 17 tous les écrans TV ont retransmis l’image de la maire de Paris en costume néoprène faisant quelques brassées dans la Seine, dont l’eau, a-t-elle assuré, était formidable !

Tous les quatre ans, les préparatifs des Jeux Olympiques essuient leur lot de polémiques. C’est le prix à payer pour que son pays soit sous les feux de projecteurs du monde entier pendant 15 jours. Cette année, c’est plus de 4,5 milliards de spectateurs qui sont attendus devant leur écran. Les jeux Olympiques sont une vitrine, et comme toutes les devantures de magasin, elles sont trompeuses. Si partout dans le monde, les pays s’activent et s’empressent à l’idée de vivre ces JO 2024, en France l’enthousiasme a du mal à monter… 46% des Français expriment leur indifférence et 30% leur scepticisme. Toutes ces polémiques auraient-elles entaché l’engouement olympique ?

Finalement, si pour nos athlètes, nous espérons les meilleurs résultats possibles pour la France la médaille d’or des polémiques est déjà assurée !

Clément Corbineau


 

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