“Astérix en Lusitanie” : quelle est cette région et d’où vient son nom ?
Dans ce nouvel album, Astérix et Obélix s’aventurent en Lusitanie. D’où vient le nom de cette ancienne province ?
25 octobre 2025 (Le Figaro) : Par Toutatis ! Ce jeudi 23 octobre, Astérix et Obélix font leur grand retour en librairies avec l’album Astérix en Lusitanie, pour le plus grand bonheur de leurs fans. Dans ce tome, les deux Gaulois s’aventurent dans cette ancienne province romaine, qui s’étendait principalement sur le Portugal actuel.
On y retrouve tous les ingrédients habituels de leur péripétie : un lusitanien débarque dans le village gaulois, et sollicite l’aide et la potion magique de nos héros préférés. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un lusitanien apparaît dans les albums d’Astérix : dans Le Domaine des dieux (1971), un petit homme moustachu donnait déjà les traits physiques des lusitaniens et a, par la suite, inspiré les deux coureurs de même origine Solilès et Pataquès, que l’on retrouve dans Astérix et la Transitalique (2017).
Même si l’on sait où se dirigent nos Gaulois, que sait-on de la fondation de la Lusitanie ? Et surtout, quelle est l’origine de son appellation ?
Viriate, aux origines de la Lusitanie
Toute nation a sa figure de proue nationale. Si les Romains ont Romulus et Rémus, les Gaulois Vercingétorix, les Lusitaniens ont pour leur part Viriate (ou Viriathe). Né en -180 et mort en -139, l’officier lusitanien est l’un des plus redoutables ennemis du peuple romain. De -149 à -144, le héros inflige successivement plusieurs défaites aux Romains, et finit par contrôler la quasi-totalité de la Lusitanie, comme le raconte l’historien et spécialiste de l’histoire romaine antique Joël Schmidt. Malgré les moyens considérables de ses adversaires, Viriate continue de résister à l’envahisseur (à l’image des irréductibles Gaulois) et parvient en -141 à enfermer l’armée du consul Fabius Servillianus dans un passage étroit entre deux hauteurs, avant de la décimer.
Après une proposition de paix du Lusitanien, Viriate devient «Ami du peuple romain», un titre rapidement bafoué, les envahisseurs tentant à nouveau de défaire Viriate et son armée. Une nouvelle fois repoussé, le consul romain Servilius Caepio changea de stratégie, et soudoya trois lusitaniens, opposés à l’indépendance du futur peuple portugais. Les traîtres assassinèrent Viriate, mettant fin à dix ans de guerre, et la province lusitanienne finit par passer sous pavillon romain. Dans le nouvel opus d’Astérix, la trahison de Viriate est par ailleurs racontée par un lusitanien, et aurait initié, selon lui, la typique «saudade» portugaise. Ce sentiment, mêlant mélancolie et rêverie, avec un désir de bonheur imprécis, se rapproche de notre «spleen» baudelairien.
Les «lusophones», les locuteurs de la lumière ?
Quid de l’origine étymologique ? En bref, comme bon nombre d’origines linguistiques, rien n’est certain. Selon le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, Lusitanien est attesté en français en 1584 et est tiré du latin Lusitania, nom de la province romaine qui comprenait une partie du León (Espagne) et de l’Estrémadure (Espagne), ainsi que le Portugal actuel. Le nom latin est dérivé de Lusitanus, lui-même formé sur un radical lus-, lusu-, mais son origine resterait inconnue.
L’écrivain romain Varron (116 – 27 av J-C), attribue l’origine du mot aux jeux («lusus») de Bacchus, car les fêtes religieuses en son honneur, les bacchanales, y auraient été courantes. Le poète portugais Luiz Vaz de Camões (1524-1580) rapproche quant à lui le radical lus- à Lusus, fils ou compagnon supposé de Bacchus. Les Lusitaniens seraient donc les descendants de Lusus. Un personnage… qui n’existerait pas. En réalité, le prénom Lusus proviendrait d’une simple erreur de traduction. Dans son livre L’Histoire naturelle, l’écrivain latin Pline l’Ancien (23 – 79 apr. J-C) rapporte la version de Varron, en écrivant «lusum […] liberi patris». L’erreur résiderait dans l’interprétation postérieure du mot «lusum» comme un nom propre («Lusus») plutôt que comme un nom commun signifiant «jeux». Ainsi, la traduction littérale «l’espièglerie du père Bacchus», est devenu «Lusus, du père Bacchus». Et hop ! Encore une naissance due à une erreur.
Mais l’étymologie la plus communément admise reste celte, et se composerait de «lus» et «tanus» qui désignerait la «tribu des Lusus», des racines indo-européennes «luks» («lumineux») et tan («tribu»). Les «lusophones», à savoir les personnes parlant portugais, communiqueraient ainsi dans le «langage de la lumière» ? Une manière très poétique de définir les locuteurs de la langue, bien qu’incertaine. Mais cette origine nébuleuse et mystérieuse n’empêchera pas les lecteurs d’apprécier les nouvelles aventures d’Astérix et Obélix…
Romain Ferrier
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