Série “Toque m’en 5”, derrière les billigs de “Un, Dos, Crêpes”

Pour cette quatrième rencontre, la Bretagne s’invite dans notre rubrique “ Toque m’en 5”. Direction le marché de San Telmo pour rencontrer Ludovic Casrouge …

Pour cette quatrième rencontre, la Bretagne s’invite dans notre rubrique “ Toque m’en 5”. Direction le marché de San Telmo pour rencontrer Ludovic Casrouge, pourfendeur des “panqueques” et ambassadeur du sarrasin, nous sommes allés le rencontrer dans son restaurant “Un, Dos, Crêpes”. A vos fourchettes !

Dans le marché de San Telmo, il est un local d’où s’échappe une odeur savoureuse. Dans la poêle, les champignons frais cuisent doucement, la poitrine fumée croustille, le caramel maison diffuse une odeur sucrée, et le fromage de chèvre est de sortie. Pourtant, les stars de cette petite échoppe, se sont bien les trois billigs qui ronronnent doucement. Galette de sarrasin et crêpes sucrées se succèdent : complètes, beurre-sucre, suzette, citron, végé ou fromagères, viandardes et estivales. Des guirlandes de drapeaux tricolores sont tirés au dessus des petites tables et on lit sur la devanture : “Un, Dos, Crêpes”. Cela fait deux an et demi que Ludovic Casrouge a invité la France dans ce beau marché. Cet ancien opérateur financier a changé de vie est s’est donné comme défi d’exporter la crêpe en pays albiceleste. Déjà dix ans qu’il manie la spatule et le succès ne faiblit pas. Une longévité rare dans ce milieu. Pour autant, pas question de se reposer sur ses lauriers. Ce matin, c’est un peu la course : un four ne fonctionne plus, un serveur est à l’essai et moi, entre deux bouchées de crêpe, je rôde mon interview. C’est que Ludovic Casrouge a forgé son succès à la force de son labeur, la clé de l’implantation dans le paysage gastronomique porteño de cette spécialité culinaire française, autrefois inconnue des Argentins.

TDU : Bonjour Ludovic, en quelques mots qui es-tu ?

Je suis le propriétaire de Un, Dos, Crêpes, une crêperie française à San Telmo. J’ai travaillé 8 ans dans la finance : à la bourse de Paris et 6 ans en Bretagne. Et puis j’en ai eu marre, j’ai démissionné et je suis parti en Amérique Latine en 2008, initialement pour un an. En Colombie j’ai rencontré ma femme, qui est argentine et j’ai donc atterri en Argentine. Là j’ai vu qu’il n’y avait pas ou peu de crêperies et qu’il y avait peut-être quelque chose à lancer. Je me suis rapproché de mes prédécesseurs qui faisaient tous état d’un marché fermé et difficilement tenable car les Argentins ne connaissaient pas vraiment les crèpes, seulement les pancakes… et les galettes salées, n’en parlons même pas, là c’était carrément révolutionnaire. Les crêperies fermaient toutes au bout d’un an. Mais l’idée avait germé et je me suis lancé. Je suis donc parti me former neuf mois à Pont-L’abbé, en Bretagne, pour acquérir la technique et ai cuisiné dans plusieurs crêperies. Je suis ensuite revenu en 2010 où j’ai travaillé au restaurant du musée Evita en faisant une carte de crêpes. Au début on faisait ça un peu à l’arrache : on n’avait pas de billigs, pas les bons instruments. Mais ca a bien marché, on s’est renseignés avec ma femme sur comment on pouvait ouvrir un restaurant de crêpes et galettes et on a ouvert en août 2011 à Monserrat une crêperie, destinée principalement aux personnes travaillant dans les bureaux de Belgrano sur le temps du midi. En 2017 on s’est ensuite installé au marché de San Telmo. C’est beaucoup de travail mais ca marche très bien, on a une longévité record et un bon rendement. Ce qui nous manque au final c’est du personnel formé et maîtrisant plusieurs langues pour répondre à la dimension internationale de notre clientèle.

TDU : C’est vrai que tu faisais des valises de billigs ?

Oui ! J’ai tout ramené de France au fur et à mesure : des billigs, des poêles, des jeux entiers de spatules, pour que ce soit de qualité. Je démontais tout, c’était toute une aventure. J’ai même ramené un “bain-marie” électrique. Maintenant ca va, je commence à être bien équipé… ahah.

TDU : Aujourd’hui, la crêpe est à la mode ?

Oui! ll y a eu une véritable mode de la crêpe qui s’est développée. C’est à la fois bien car les Argentins s’habituent peu à peu au produit, mais ca nous a aussi porté défaut car c’est devenu du tout et n’importe quoi avec des mixtures et mélanges bizarres, qui dénaturent le produit. Aujourd’hui ca se calme un peu, on revient vers une forme de crêpe traditionnelle. Ca reste

TDU : Quelle est ta clientèle ?

On n’a pas mal de touristes du fait de la localisation au marché de San Telmo, mais aussi des français qui veulent manger une vraie galette et bien-sûr des Argentins. Beaucoup d’Anglais, de Canadiens, des Américains et des Brésiliens également. Des “backpackers” aussi.

TDU : La crise impacte “Un, Dos, Crêpes” ? Est-ce que ton passif de financier est un avantage ?

Pas vraiment puisqu’on a la chance de compter sur une clientèle touristique qui a un fort pouvoir d’achat ici. Justement, les choses fonctionnent bien et on aimerait bien s’étendre.On a fait une bonne année, on est optimiste. Mon passé de financier m’aide parfois c’est sûr, au moins dans la gestion de l’entreprise ou parfois dans la prévision des mouvements financiers et de leur impact. On a pu acquérir avant la crise cet espace dans le marché de San Telmo ce qui s’est révélé être une bonne affaire, pour s’appuyer sur une clientèle touristique.

TDU : Vous allez donc ouvrir un deuxième local ?

Heu ! non peut être pas. A un moment on avait deux locaux et je faisais sans cesse des aller-retours. C’était un rythme intenable. Et puis la difficulté c’est de trouver du personnel qualifié. Je suis le propriétaire de mon restaurant et nous sommes 7 personnes qui viennent du Pérou, d’Argentine, de France,etc.. C’est déjà pas mal de choses à gérer car on est en sous-effectif. Par ailleurs, 9 ans de crêperie c’est long, j’aimerais bien souffler un peu. On fait du non-stop, 7j/7. Mais on pencherait davantage vers une franchise. C’est l’objectif. Mais là encore ça prend du temps : du dressage aux produits en passant par le choix d’assiettes, etc : tout doit être très carré et ça prend énormément de temps.

TDU : Et d’où viennent tes produits ?

J’utilise seulement des produits locaux, de qualité. On fait tout maison, du caramel aux oignons caramélisés en passant par le coulis de fruits rouges. J’ai même trouvé du cidre de Patagonie qui se rapproche du cidre français. Avant on importait du Sarrasin ! Comme en France on n’en produit pas assez pour l’export,.le sarrasin venait de Chine. Mais c’était une vraie galère car ça dépendait des arrivages. S’il y a un bateau qui a accosté au port : tout à coup on trouve beaucoup de sarrasin dans les “dietéticas”, mais parfois, il n’y a rien du tout. On a donc ensuite opté pour un mélange de farine intégrale et commune qui se rapprochait du goût de la galette. On a fait ça pendant 6/7 ans. Et puis un producteur argentin a commencé à faire du sarrasin. Comme c’est sans gluten, ca s’est développé ici comme une alternative. Mais il n’était pas bon, épais et gris. J’ai donc décliné la proposition. En 2017 quand on a eu l’emplacement à San Telmo on a voulu revoir la carte, innover. J’ai re-testé le sarrasin argentin et là il était bien meilleur ! Désormais on fait donc tout au sarrasin argentin.

TDU : Ce n’était pas risqué de passer à la farine de Sarrasin ?

Si au début on a perdu des clients car le goût est différent, plus caractéristique. Mais désormais c’est parti et au final on a plus de clients. C’était un changement gagnant. On pourrait éventuellement passer à du 100% sarrasin y compris pour les crêpes sucrées qui pour le moment sont faites avec de la farine commune. Ca serait risqué mais pourquoi pas. On a aussi l’idée d’attirer les celiacs qui mangent sans gluten. On est pas sin TACC parce qu’on utilise différents produits sur le même billig, mais presque.

TDU : Tu fais des crêpes et galettes françaises ou à la mode argentine ?

Françaises ! J’ai trouvé des ingrédients qui se rapprochaient au maximum de ce que l’on trouve en France : des champignons de paris, du fromage, etc. Mais forcément on n’a pas d’andouille de Guéméné. Alors on s’est adaptés. Également aux conditions climatiques. Quand il fait très chaud, une galette crème-andouille c’est pas forcément la chose dont on a le plus envie. On propose donc pas mal de crêpes végés, salades, avec de la viande aussi au goût argentin. Et puis bien sur des crêpes au dulce de leche. Mais par exemple on propose aussi la crêpe la suzette, nutella, caramel beurre salé qui sont vraiment typiques. Le vin que je propose est également issu d’une bodega française en Argentine et ma bière et celle d’un brasseur belge.

TDU : Des projets à l’avenir pour “ Un, Dos, Crêpes” ?

Oui, comme je disais la franchise est dans les cartons. Mais on fait aussi des évènements du type ferias, le Marché de Lucullus ou du catering. Mais là encore c’est compliqué car on est en sous-effectif. Ca faisait des grosses journées. On fait encore quelques catering, pour des événements corporatifs, des mariages, des anniversaires. On apporte les billigs chez les gens en proposant deux/trois compositions de galettes et crêpes aux invités. Sinon, je suis auditeur chez Lucullus, l’association gastronomique française.

TDU : Et tu fais des événements spéciaux à la crêperie ?

Oui ! On aimerait vraiment développer ça. Faire des événements dans le marché de San Telmo le soir car le marché ferme à 20h. En bref louer la crêperie pour des particuliers. On l’a fait en décembre pour les repas de fin d’année et ça a bien marché. C’est sympa.

Les bonnes adresses de Ludovic Casrouge

Un restaurant ?
“Parilla del Plata” qui est onéreuse mais excellente, ou plus abordable dans le marché à “Mi Parilla”

Un endroit pour prendre un verre ?
Le bar à vin du marché “Tierra Mendocina” ! Ils ont des petits vins un peu moins connus qui sont excellents, de très bon cépages pour découvrir le vignoble argentin.

Un lieu que vous appréciez ?
La reserva ecologica, j’aime bien aller y courir !

Un truc argentin que vous aimez :
L’asado, j’adore l’idée de partager ensemble une pièce de viande. Et puis c’est pas le petit steack, c’est tout un processus : le choix de la bête, sa cuisson, le feu, le partage qu’il y a autour avec la famille et les amis. C’est succulent.

Pour retrouver Ludovic Casrouge et Un, Dos, Crêpes :
Instagram : @undoscrepesba
Facebook : @12crepes
Ouvert tous les jours au local 70/75 du Mercado de San Telmo

Interview réalisée par Louise Le Borgne.

Crédit photos : Un, Dos, Crêpes

 

 

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