Quelle folie, le football ici!

Visite d’une professeure française de droit international pénal à Buenos Aires !

Après un parcours universitaire brillant : une thèse de doctorat en droit public, consacrée à la coopération des Etats avec les juridictions pénales internationales, soutenue à l’université Paris Nanterre en 2009, Muriel Ubéda-Saillard a passé, en 2014, le premier concours national d’agrégation de droit public et obtenu un poste à l’université de Lille. Elle y enseigne divers cours magistraux en droit international et européen, et a été vice-présidente de l’université en 2016-2017. Elle a notamment créé une des premières formations françaises (Master 2) dédiée à la justice pénale internationale : une spécialisation consacrée à la poursuite des bourreaux et à la réparation des victimes. La plupart des travaux de Muriel Ubéda-Saillard portent sur le droit international pénal et traitent donc de la poursuite des responsables de crimes de masse (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides et agressions) et de la reconstruction du tissu social mis en pièces par les conflits armés ou les gouvernements dictatoriaux.

Le procès pénal occupe une place importante dans la réparation qui doit être accordée aux victimes : il leur redonne une visibilité, une légitimité d’existence ; les victimes peuvent ainsi retrouver voix au chapitre. Et finalement le procès permet de replacer les valeurs dans le bon ordre (selon les termes de la grande philosophe Hannah Arendt), après des années de barbarie et d’inhumanité.

Cela dit, la justice pénale ne suffit pas à garantir la reconstruction pacifique de l’Etat. Il faut s’intéresser à d’autres mécanismes complémentaires, traditionnellement évoqués sous l’expression de « justice transitionnelle », tels que ceux qu’a connu la société argentine ainsi que, plus près de nous, la Colombie.

La raison de la présence de Muriel à Buenos Aires ? Notre professeure avoue être tombée amoureuse de la ville en 2017, quand elle est venue assurer un cours de droit international pénal à la UBA. Ce fut une chance pour elle, dit-elle, d’être réinvitée par la suite pour deux évènements prestigieux : la nuit de la philosophie (au centre culturel Kirchner) et la nuit des idées, organisée l’année suivante par l’ambassade de France et l’Institut français à Ostende et à Mar del Plata.

Tout est immense ici, dit-elle, les espaces, les arbres, mais aussi, sur un autre plan, la résilience du peuple argentin, sa gentillesse, ses passions (quelle folie le football ici !) ». La vie porteña est pour elle une source d’inspiration et d’émotion qu’elle cultive pour écrire et chanter (elle est soprano et suit des cours de chant lyrique). Le pilates et le yoga, qu’elle pratique régulièrement, lui manquent un peu, mais elle compense largement en sillonnant la ville à pied, ce qui lui permet également de se livrer à son autre passion en tentant de capturer en photos, comme Henri Cartier-Bresson, le fameux instant décisif.

En 2021, elle a plaidé devant la Cour internationale de justice, à La Haye, la cause des victimes congolaises de la guerre qui a opposé la République démocratique du Congo à divers états voisins, dont l’Ouganda, entre 1998 et 2003 (3,9 millions de morts au total).

Cette expérience exceptionnelle lui a donné envie de lancer un projet de recherche international sur l’indemnisation des victimes de crimes de masse. Compte tenu de ses relations professionnelles avec la UBA et de son intérêt pour l’Argentine, elle a proposé à ses collègues argentins une association.

Le 12 décembre, aura d’ailleurs lieu à l’ambassade de France une conférence qu’elle doit donner conjointement avec le professeur Emiliano Buis (de la UBA), qui sera consacrée à la question de la relation entre les sanctions internationales et les droits de l’homme.

Muriel Ubéda-Saillard espère revenir à l’automne prochain, en vacances cette fois et avec sa fille, pour découvrir le nord du pays.

Elisabeth Devriendt


 

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