Tomás Napolitano, premier conseiller à l’ambassade de France

Vingt-cinq ans après ses années de jeunesse à Buenos Aires, Tomás Napolitano y revient, non plus en simple lycéen, mais en premier conseiller à l’ambassade de France.

Devenu l’un des visages de la diplomatie française en Argentine, il coordonne les services de l’ambassade et fait vivre une diplomatie de terrain, fondée sur le dialogue et l’ouverture.

Né au Chili dans les années 1980, Tomás Napolitano n’est pas Français de naissance, mais de vocation. « Je suis né au Chili de parents chiliens, mais mon père est d’origine italienne. Mes grands-parents, Napolitano Marcoe et Rispoli Imperatore, venaient du sud de l’Italie », raconte-t-il. Après la séparation de ses parents, sa mère se remarie avec un Français. À cinq ans, il quitte Santiago pour la France, entamant un parcours marqué par les voyages et les cultures.

La famille s’installe ensuite à Buenos Aires, où Tomás Napolitano suit sa scolarité au lycée français Jean-Mermoz. « L’adolescence est le moment où l’on se construit. J’ai eu la chance de le faire ici, dans un environnement d’ouverture et de diversité », explique-t-il. Vingt-cinq ans plus tard, il retrouve cette ville pour y exercer les fonctions diplomatiques les plus exigeantes.

De retour en France à la fin des années 1990, il poursuit un parcours académique exigeant. Après des classes préparatoires littéraires, il étudie l’histoire à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, consacrant sa maîtrise à l’histoire du Chili, avant de se spécialiser en relations internationales et en sécurité à Sciences Po Paris. En 2009, il réussit le concours du Quai d’Orsay et rejoint la direction des affaires stratégiques, au moment où la France réintègre le commandement intégré de l’OTAN. « C’était un moment symbolique fort, une réaffirmation de notre place dans les structures alliées », se souvient-il. Il est ensuite envoyé à New York, à la mission permanente de la France auprès des Nations Unies, où il suit les grands dossiers politico-militaires, de la Syrie à l’Iran, en passant par le désarmement. « C’était une période passionnante, marquée par un multilatéralisme encore efficace, avant les tensions géopolitiques qui ont suivi », note-t-il.

L’Amérique latine reste une évidence pour lui. Il demande alors à être affecté au Brésil, où il devient conseiller politique à l’ambassade de France à Brasilia. « C’est une ville fascinante. Au début, tout semble froid et géométrique. Puis, très vite, l’humanité se glisse entre les fissures du béton », confie-t-il. Il découvre les complexités politiques d’un pays-continent et enrichit son répertoire linguistique en apprenant le portugais, ajoutant cette langue à son français, espagnol, italien et anglais.

De retour à Paris, il occupe le poste de chargé de mission auprès du directeur politique du ministère des Affaires étrangères. Il y côtoie plusieurs diplomates de renom, dont Gérard Araud, François Delattre, Nicolas de Rivière ou Philippe Errera, qu’il décrit comme ayant « défini une certaine idée du Quai d’Orsay : rigueur, discrétion et engagement total au service de la France ».

En 2018, Tomás Napolitano rejoint la mairie de Paris comme directeur adjoint des relations internationales auprès d’Anne Hidalgo. Il découvre une autre facette du métier : la diplomatie urbaine. Paris renforce ses partenariats avec d’autres métropoles sur des enjeux comme l’environnement, l’inclusion sociale ou la culture. Il participe également à la préparation des Jeux olympiques de 2024. « La cérémonie d’ouverture a montré une France diverse, ancrée dans son histoire mais tournée vers l’avenir. C’était une fête populaire et universelle », souligne-t-il.

Son retour à Buenos Aires en 2024 marque une boucle presque symbolique. « Être numéro deux, c’est avant tout suppléer l’ambassadeur quand il est absent, mais aussi assurer la coordination de l’ensemble des services. Nous sommes près d’une centaine de personnes à faire vivre ce que nous appelons “l’équipe France” en Argentine », explique-t-il. L’ambassade est l’une des plus actives d’Amérique latine. Outre la diplomatie politique, elle soutient un vaste réseau de coopération culturelle, scientifique et éducative, du lycée Jean-Mermoz aux Alliances françaises, en passant par les partenariats universitaires et artistiques. « Notre rôle, c’est de faire rayonner la France dans toutes ses dimensions, pas seulement institutionnelles : sa culture, son savoir-faire, sa langue et ses valeurs », précise-t-il. Travailler avec l’ambassadeur Romain Nadal est, selon lui, une chance. « C’est un diplomate d’une humanité exceptionnelle, très attentif aux relations humaines. Il a cette capacité rare à créer immédiatement du lien avec ses interlocuteurs, tout en gardant une rigueur intellectuelle et politique impressionnante. »

Avec plus de quinze années d’expérience, Tomás Napolitano observe l’évolution du métier et les défis contemporains : la guerre en Ukraine, les tensions au Proche-Orient, les enjeux climatiques, la désinformation et la fragilité du multilatéralisme. « Le monde d’aujourd’hui est plus fragmenté, plus instable. Mais cela rend notre mission encore plus essentielle. Dans un monde saturé d’émotions et de réseaux, la diplomatie reste un art du temps long et du dialogue », souligne-t-il.

Polyglotte, historien de formation, attentif à la culture autant qu’aux rapports de force, Tomás Napolitano incarne une diplomatie moderne et ouverte. « Revenir ici, c’est un peu refermer une boucle. C’est dans cette ville que j’ai découvert la France, et c’est ici que je la représente aujourd’hui », confie-t-il. Installé dans le palais Ortiz-Basualdo, joyau architectural de la Belle Époque, il mesure chaque jour la chance de travailler dans un lieu chargé d’histoire. « Ce bâtiment appartient autant aux Français qu’aux Argentins. Nous l’ouvrons chaque année lors des Journées européennes du patrimoine. C’est un symbole fort de notre amitié et de notre histoire partagée », ajoute-t-il.

À travers son parcours, Tomás Napolitano illustre une diplomatie d’engagement, de patience et d’humanité. « On ne représente bien la France qu’en comprenant le pays où l’on sert », conclut-il, résumant l’esprit d’un diplomate du XXIᵉ siècle.

Propos recueillis par Elisabeth Devriendt, Patricia Pellegrini, Grégoire Iribarne

 

Partager sur