Image à la dérive

Un Président de la République incarne en effet l’autorité suprême, la discipline et la stature. Il est le père de la Nation. On attend donc de lui qu’il consacre la totalité de ses pensées et de son temps à la France, qu’il ne soit pas un Français comme un autre, mais un Français hors du commun, qu’il oublie ses pulsions personnelles pour ne vivre qu’au rythme de celles de la France.

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La fonction de Président telle que la définit la Constitution de la Cinquième République donne en effet à son titulaire des pouvoirs trop importants pour que l’on puisse imaginer une seconde que des émotions personnelles puissent venir occuper son esprit et le déconcentrer au moment de ses prises de décision.

Hors, depuis sa prise de fonction, Nicolas Sarkozy, au nom du “changement“, fait tout pour démystifier sa fonction de Président de la République, comme si l’isolement qu’elle peut impliquer lui paraissait insupportable. Il traite de “connard” celui qui refuse, au salon de l’agriculture, de lui serrer la main. Il divorce en hâte. Il se remarie en catimini avec une vedette du “show-biz” et prive les Français du cérémonial qui devrait accompagner un tel évènement s’agissant de leur Chef de l’Etat.

Le pays est dirigé par un homme émotionnellement fragilisé par ses problèmes de couple. Et chacun sait combien ces problèmes peuvent occuper l’esprit et perturber la sérénité qu’on attend d’un Chef d’Etat.

A ceci, s’ajoute l’image d’un homme qui n’hésite pas à accepter des vacances de luxe offertes par des industriels dont personne n’imagine qu’ils n’en attendent pas un retour et celle d’un homme qui semble préférer les improvisations médiatiques aux décisions mûrement pesées dans l’intérêt du pays.

Comment ne pas se souvenir de Charles de Gaulle et du souci qu’il avait de montrer que la totalité de son existence était exclusivement consacrée à la France, que le luxe et l’argent ne l’intéressaient pas et qu’il ne fallait pas compter sur lui pour accepter quelque faveur que ce soit de quiconque.

Si ses successeurs n’ont peut-être pas fait preuve de la même austérité, ils ont néanmoins veillé à occulter les informations concernant leur vie personnelle. Si l’affaire Markovich pour Georges Pompidou, les sorties nocturnes de Valéry Giscard d’Estaing, Mazarine pour François Mitterrand ou l’existence d’une fille adoptive pour Jacques Chirac sont devenues publiques, cela n’a pas été de leur fait. Ils n’ont pas livré, comme le fait Nicolas Sarkozy, leur intimité à la presse.

Nicolas Sarkozy cherche les caméras, puis rabroue les journalistes. Il va même jusqu’à leur intenter un procès, comme dans l’affaire du SMS à Cécilia. C’est la personnalité du président due à ses ostentatoires atermoiements sentimentaux qui semble poser le plus grand problème. Cela semble grandement déranger les Français. Les Français ont voté pour le changement. Ils en ont un vrai. Et pas forcément celui qu’ils avaient imaginé.

Comment expliquer autrement que seulement 39 % des Français lui fassent encore confiance quand cette cote était à 65 %, deux mois après son élection ? Certains parlent d’un effondrement, d’autres craignent une explosion en plein vol. Tous jugent la rupture très profonde. Et ils le lui font payer très cher dans les sondages. Le repère présidentiel est aux abonnés absents.

François Eldin

Auteur de l’ouvrage “Le management de la communication” (L’Harmattan, 1998)

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