Au-delà du son

L’exposition inaugurée le 30 septembre à l’Hotel de los Immigrantes, Más allá del sonido présente un  croisement entre les arts visuels, la musique et la littérature à travers le regard de six artistes de différentes nationalités et domaines. C’est un parcours sonore et visuel dans ce lieu porteur de l’histoire de l’immigration en Argentine. Une chemin parsemé d’arts croisés contemporains hors de tout sentier.

mas-alla-del-sonido-2« Il s’agit d’une sorte de randonnée à partir des sons dans un lieu si spécial sillonné par beaucoup de gens provenant de différents pays et parlant différentes langues », développe Anne-Laure Chamboissier, artiste belge, experte en conception de projets culturels autour du son dans son rapport aux pratiques interdisciplinaires.  « Le son est présent comme un moyen et pas seulement comme le contenu de l’œuvre. Le son a une histoire. Il s’est croisé avec d’autres disciplines depuis le XIXème siècle et les débuts du XXème à travers les avant-gardes », explique la fondatrice de  ChamProjects (*)

Six artistes pour cinq installations: Eddie Ladoire, Maria Negroni et Pablo Marin, Steve Roden, Edgardo Rudnitzky et Tintin Wulia

Eddie Ladoire, compositeur et plasticien, s’intéresse, depuis 2010, au corps sonore même de l’architecture en élaborant avec la série Intimité une cartographie de différents lieux. Après avoir procédé à un enregistrement minutieux à l’Hôtel des immigrants dans ses moindres recoins, il mixe, au montage ces éléments à ceux d’autres natures : compositions électroacoustiques, micro fictions, conversations… Le visiteur, muni d’un casque et d’une carte indiquant les différents points d’écoute, part à la découverte de ce lieu.

Un autre récit se décline avec l’installation Angelus Novus. Deux écrans sont disposés frontalement de part et d’autre de l’extrémité de l’espace. Sur un des écrans, le film onirique, en noir et blanc, de l’Argentin Pablo Marin accompagné de la musique de William Basinski et, sur l’autre écran, un extrait du texte Exilium de la poète argentine Maria Negroni qui nous parle  de la question de l’exil, des blessures et des manques.

Pour le compositeur Edgardo Rudnitzky, né à Buenos Aires mais vivant à Berlin,  la question est l’exposition du son : rendre visible l’immatériel.  Son installation Border Music (2016) illustre cette problématique. Cette pièce sculpturale se déploie en accord parfait avec l’architecture même de l’espace ou elle est installée, c’est- à- dire un long couloir au premier étage du bâtiment. Par son mécanisme en action, cet objet écrit une  vraie « partition musicale ».

La question de la frontière et de la façon dont elle affecte les gens personnellement est un thème récurrent du travail de Babel , l’installation de Tintin Wulia (Indonésienne) emprunte différents textes poétiques d’auteurs du Moyen-Orient, traduits et récités par des poètes indonésiens. Le poème Al Taashira (le visa) du poète égyptien Hisham el Gakh constitue le noyau de cette œuvre. Un récit polymorphe à plusieurs voix en langues arabe, indonésienne et anglaise qui forme une sorte d‘alliance sonore déroutante.

Disorder, Line and Faces, Striations, Es oh yu en dee, Water Music et Cascade, de Steve Rode est une installation multiple où le plasticien et artiste sonore Steve Roden, établit des jeux de correspondances visuelles et textuelles. Incroyablement, deux de ses installations sont silencieuses, l’image évoque et remplace le son. Ses autres œuvres ont des sonorités extrêmement douces et les sons comme les mots revêtent la même importance et «sont autant de chemins pour réaliser ou interpréter une partition».

Et Anne-Laure Chamboissier de conclure : « Par cette déambulation dans ce lieu symbolique, le spectateur est alors confronté à ses propres habitudes et perspectives pour ouvrir le champ à de nouveaux espaces cognitifs et sensoriels ».

Suzanne Thiais

(*)ChamProjects, crée en 2013 par Anne-Laure Chamboissier, est une structure dédiée à la réflexion transversale autour de la question du son et de sa relation avec différentes disciplines : cinéma, arts visuels, littérature.

Au MUNTREF: Museo de la Universidad Nacional de tres de febrero.
Av. Antártida Argentina (entre Dirección Nacional de Migraciones et Buquebus). Entrée libre et gratuite par Apostadero Naval, Dársena Norte. De mardi à dimanche de 12 à 20h, jusqu’à la fin de l’année. Visites guidées (recommandées) samedis et dimanches à 14 et à 16h

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