“Cold War” vendredi 11 mai – Le festival de Cannes 2018, vu de l’intérieur

“Cold War” est le premier film du polonais Pavel Pawlikoski en compétition au festival de Cannes. Le réalisateur a déjà obtenu l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2015.

Le film débute à la fin des années 40, la Pologne a été détruite et asservie d’abord par les Nazis, ensuite par les Russes.  Le pays est ruiné, décimé, les populations ont été déplacées. Pavel Pawlikoski dédicace “Cold War” à ses parents qui ont vécu cet enfer.

Joanna kulig (Zula) réalise une performance brillante dans le rôle d’une jeune fille attirante et talentueuse capable de sortir de la misère et d’une vie traumatisante en devenant une artiste reconnue, mais incapable de se soustraire à l’emprise du despotisme politique. La délation est un mode de survie.

Tomasz Kot (Wictor) joue magistralement un musicien à la beauté sombre mais élégante qui parcourt la Pologne avec sa collègue Irina (jouée par Agata Kulesza) et sous l’égide de l’apparatchik Kaczmarek, afin de constituer une troupe de jeunes artistes, danseurs et chanteurs. La troupe deviendra l’ensemble folklorique Masowsze *.  Le groupe folklorique a pour but de préserver les traditions artistiques régionales, en mettant en évidence la richesse, la beauté et la diversité des danses et chants folkloriques régionaux. Les spectacles seront présentés aux officiels du parti Communiste, et éventuellement voyageront comme mission diplomatique dans quelques pays politiquement favorables.

Dans la première partie du film, les magnifiques photos, en noir et blanc, montrent le dénuement, la misère de la population agricole, mais aussi le courage, l’optimisme entêté des musiciens des rues. Irina et Wiktor conduisent des auditions  qui mettent en évidence les dons artistiques des jeunes danseurs et chanteuses.

Dans ce cadre naît une idylle passionnée entre le musicien et une jeune chanteuse, Zula. Un amour difficile à vivre dans un environnement hautement chargé politiquement. L’impossibilité de progresser vers le futur est évoquée, lorsqu’un jeune ouvrier essaie d’installer une affiche “Bienvenue à Demain”, mais tombe de l’échelle. L’avenir est sombre.

Dans la deuxième partie du film, L’ensemble Folklorique se distingue par son talent, les danseuses sont ravissantes, la musique est glorieuse, les voix sont puissantes et claires. Zula est une star. Le groupe devient un atout diplomatique et voyage à Berlin, en Yougoslavie, en Russie. Wictor voit la possibilité de s’échapper de l’emprise communiste, ne convainc pas  Zula, et se retrouve seul à Paris, pianiste dans un club de Jazz, l’Éclipse. Il se distingue, Zula le rejoindra. Le couple oubliera le passé et vivra l’ambiance bohème du Paris des années 50/60… La liberté ne leur apporte toutefois pas le bonheur et Zula regrette son statut de star au sein du groupe folklorique polonais. Le film revient à Varsovie. Une scène choc: Le groupe Masowsze se produit devant une immense affiche de Staline

Wictor et Zula sont des survivants, ils s’aiment toujours, mais ils ne veulent plus accepter les compromis, les humiliations qui les détruisent…

Les performances sont exceptionnelles, le film est éminemment artistique et poétique. Le thème: la difficulté de vivre un amour après une guerre qui a anéanti, décimé puis asservi une population entière. Excellent film

Bianca McMaster

* Mazowsze “Chœur, ballet et orchestre national de chants et danses populaires de Pologne” est né d’un décret du ministère de la culture en 1948. Depuis le groupe, composé d’artistes diplômés des plus grandes écoles de danse et de musique de Pologne, remporte les plus grands succès à travers le monde. Mazowsze est devenu et est resté au long des années un véritable phénomène scénique et musical traversant les modes et les tendances.

 

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