Et pendant ce temps, le confinement…

Nous avons posé trois questions à des membres de notre communauté qui vivent le confinement en Argentine.
Nathalie Collomb (La Plata)

Nathalie Collomb vit actuellement à La Plata. Enseignante, elle s’investit aussi dans de nombreuses activités artistiques. Nathalie participe à des spectacles, propose des ateliers pour les grands et les petits et s’engage dans des actions en se rendant dans les hôpitaux pour enfants où, là, elle peut exercer ce qui la passionne : transmettre des histoires.

Pouvez-vous nous dire comment vous vivez votre confinement ?

Le début du confinement a été assez compliqué. Puis, petit à petit, je me suis adaptée à cette nouvelle réalité.

Au début du confinement, mes enfants, qui sont déjà grands, ma fille chez elle à Córdoba et mon fils chez son père, m’ont beaucoup manqué. Grâce au téléphone mobile, nous nous donnions des nouvelles. Ce mois-ci, mon fils habite la moitié du temps à la maison et c’est bien agréable de le voir quelques jours par semaine ! Quant à ma fille, nous avons commencé à prendre ensemble des classes de gym par zoom. Maintenant nous nous voyons deux fois par semaine, elle, à Córdoba et moi, ici. Avant cette situation, je n’aurais jamais pensé à organiser ce type de rencontres.

Mes parents vieillissants m’ont beaucoup préoccupée. Je savais que s’ils avaient été malades, je n’aurais pas pu aller les voir. Ça me fendait le cœur. Mais j’ai toujours su que ma sœur était près d’eux ainsi que les personnes intervenant à leur domicile. J’ai souvent parlé avec elles. Nous avons fait des skypes pour l’anniversaire de mes parents avec toute la famille, c’était très sympa.

J’avoue aussi avoir été inquiète et continue encore à l’être pour mes ami.e.s d’ici et là qui travaillent dans les domaines de la santé et de la culture ainsi que pour tou.s.tes les soignant.e.s, artistes et agent.e.s culturel.le.s.

Puis, je continue via internet les cours d’anglais, les ateliers « contes » et les rencontres de formation qui normalement se seraient déroulées en présentiel.

En temps normal, mes différentes activités professionnelles sont toutes basées sur le relationnel. J’ai donc dû réorganiser mes classes de français : celles de l’école et celles que je donne à la maison sont intégralement devenues virtuelles. L’utilisation des différentes plateformes s’est peu à peu installée et le temps de travail a fortement crû ainsi que celui passé face aux écrans.

En relation à l’institution scolaire à laquelle j’appartiens, je voudrais souligner notre souci de suivi de chaque élève. L’école étant souvent un des principaux lieux où certaines difficultés sont observées et travaillées, nous essayons de maintenir ce rôle, craignant le décrochage, les problèmes économiques voire la violence.

Mes activités artistiques ont été en grande partie interrompues, que ce soit pour mon projet personnel, Historias bífidas, tout comme les autres spectacles auxquels je participe. Nous avons toutefois réussi à conserver des réunions pour certains projets, ce qui a conduit à la création de matériel.

Mon travail de conteuse/chanteuse à l’Hospital de Niños de La Plata se poursuit indirectement car depuis le 17 mars, quelques jours avant le début du confinement, je poste quotidiennement des histoires, des chansons et des poèmes sur notre page Facebook. Pour ce faire, j’ai contacté de nombreu.x.ses artistes qui, généreusement, nous ont envoyé du matériel audio et/ou vidéo. Nous avons aussi des visioconférences avec mes collègues de l’hôpital.

La virtualité étant l’unique moyen actuel de diffusion culturelle, j’ai été invitée à enregistrer des contes pour la Comisión Provincial de la Memoria, le centre Culturel Ecunhi, le syndicat ATE, une radio colombienne et un festival de contes au Mexique. Et j’ai également participé à plusieurs programmes radio.

Enfin, gérer la vie quotidienne : j’écoute la radio et beaucoup de musique, j’en joue (mi-mai j’ai acheté un ukulélé), je m’occupe du jardin, je mange le plus varié possible, je cuisine des soupes, je trouve de nouvelles infusions… Depuis le début du confinement, j’achète beaucoup de fruits et légumes, frais et secs, et de la farine de céréales bio qu’on me livre à domicile. Pour le reste des achats de première nécessité, je les fais dans mon quartier ; chose qui n’a pas vraiment changé, n’ayant plus de voiture depuis plusieurs années. Avant de sortir, j’appelle des amies vivant près de chez moi et nous faisons les courses ensemble histoire de papoter à distance dans la file d’attente des magasins.

Pour les achats extra, les cadeaux pour des ami.e.s, les livres, je continue de choisir les commerces où travaillent des gens engagés, favorisant les petites maisons d’édition par exemple…

Et plus que jamais, je reste sensible aux difficultés sociales et je participe virtuellement à des soupes populaires et à d’autres organisations solidaires.

Nous finirons bien, un jour où l’autre, par sortir de chez nous. Quels sont vos projets une fois la crise actuelle passée ?

Par-dessus tout, je veux revoir ma fille et passer plus de temps avec mes deux enfants. La vie au quotidien, les gestes simples, partager le maté, les rires, faire les courses ensemble, cuisiner, s’embrasser, s’embrasser…

Puis revoir mes ami.e.s et aller avec elles/eux voir des spectacles. Ici, la vie culturelle est habituellement très riche.

Puis je voudrais programmer un voyage en France.

Ensuite je reprendrai la route de l’école où je donne des cours depuis de nombreuses années, je reverrai mes élèves et mes collègues. Et surtout je retrouverai le chemin de l’hôpital.

Ces dernières années, un des projets s’appelait Los pasillos de la noche. Une fois par semaine, de 20h à 22h, nous allions dans les services de néonatologie et de nourrissons pour conter et chanter afin de (ré)installer ce moment privilégié de l’entrée dans le sommeil. Et il nous faudra recommencer à chercher des subsides pour faire fonctionner notre service, car depuis mars nous ne recevons aucune aide financière.

Dans la mesure du possible, je voudrais que les classes virtuelles redeviennent rapidement présentielles.

Côté spectacles, le plus urgent sera la reprise des répétitions. Et finalement la prise de contact avec les producteurs de salles de spectacles de façon à programmer des dates.

A n’en pas douter, cette période que nous vivons est hors du commun.  Beaucoup considèrent que le monde d’« avant » ne pourra plus être le même lorsque cette crise sera passée. Qu’espérez-vous de ce monde de l’ « après » ?

J’espère que nous prendrons enfin conscience de la fragilité de la vie et de notre responsabilité envers elle. Je pense en particulier aux enfants, aux femmes, à toutes les minorités, aux migrants. Il est urgent de construire collectivement, de développer l’économie locale et solidaire et aussi de protéger l’environnement.

C’est à chacun.e de nous et à la fois ensemble de nous engager encore plus pour que ce monde « d’après » n’ait pas le même visage que celui « d’avant ».

Propos recueillis par Jérôme Guillot

Photo prise lors des 17èmes rencontres internationales de conteurs oraux de Godoy Cruz.

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