Une rentrée littéraire 2022 frileuse mais aguichante

490 romans sont attendus dans les librairies d’ici la mi-octobre, soit 31 de moins qu’en 2021.

Après l’envolée des ventes de livres, ces dernières années, est-ce le résultat d’une économie due à l’augmentation des coûts ou une prudence en raison des ventes futures moins favorables à cause du contexte européen ? Notons néanmoins une certaine audace de la part des maisons d’édition qui publient 90 primo-romanciers et font une belle part à la littérature étrangère, 145 romans sont annoncés.
Les thématiques tournent autour des histoires familiales, des passions et des ruptures amoureuses, des dystopies, ou encore du thème de la nature, des autobiographies, des romans historiques et des quêtes identitaires embrassant divers faits de société.

Quelques têtes d’affiche connaissent un succès de librairie, est-ce le résultat d’un certain battage médiatique et d’un titre plutôt provocant ?  Cher Connard (Grasset) de Virginie Despentes. Le roman était attendu après cinq ans d’absence !  A travers un échange de 30 mails, l’auteure revient sur tous les thèmes qui unissent ses livres, soit l’amitié, le féminisme, le vieillissement, le terrible constat de la solitude des dérapés de la vie et même, le décalage des générations. Avec une plume toujours brute et un regard critique toujours acéré, ce roman dévoile l’évolution de la pensée de l’auteure sur la cruauté de la société et des réseaux sociaux, arme au service souvent du pire. Beaucoup de thèmes abordés, trop … voici un livre qui fait réfléchir.

Une rentrée sans Amélie Nothomb ne serait pas une rentrée, après Premier sang (prix Renaudot 2021), dans lequel elle évoquait son défunt père. Le livre des sœurs (Albin Michel) rend hommage à sa sœur aînée Juliette. Ce récit qui explore l’univers de l’enfance est un retour vers les territoires du conte et de la fantaisie teinté de noirceur car « Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne ».

Toujours chez Albin Michel, L’Homme peuplé de Franck Bouysse, prix Giono pour Buveurs de vent. Après avoir connu le succès critique et commercial pour son premier livre, Harry, écrivain en panne d’inspiration s’installe à la campagne dans une maison isolée. La neige, une présence, un chien, une jeune femme, l’épicière, un rebouteux…peu à peu s’installe le fantastique. Un retournement aussi magistral qu’inattendu nous entraîne à relire ce roman sous un angle différent « Un coup de maître » !

Un auteur attendu, Laurent Gaudé, il sort chez (Actes Sud) Chien 51. Anticipation, Science-fiction, dystopie, thriller, l’écrivain nous plonge dans un récit hallucinant sur fond d’injustice sociale, de révolte, de répression dans lequel se livre l’éternel combat des miséreux contre les puissants. Un cadavre, un policier, Zem Sparak « Chien », ainsi sont nommés ceux de la zone 3,  va mener l’enquête avec Salia Malberg., elle de la zone 2.  Bref, un rythme haletant et une écriture toujours aussi travaillée, un régal !

Emmanuel Carrère, fidèle à la maison P.O.L. publie  V.13. L’auteur a suivi le procès fleuve des attentats du 13 novembre 2015, pendant neuf mois, il a assisté à l’intégralité du procès et tenu une chronique hebdomadaire publiée dans quatre journaux européens tels L’Obs, El pais (Espagne), La República (Italie), Le Temps (Suisse). L’humanité des uns et des autres, l’ironie terrible des propos et des situations sont saisis par l’écrivain qui refait le récit des événements et en fait notre histoire.

Auteure de polars, lauréate en 2020 de nombreux prix pour le roman post apocalyptique Et toujours les forêts (J.C. Lattès), Sandrine Collette explore la place de l’homme dans une nature aussi écrasante qu’indifférente à l’humanité, interroge l’instinct paternel, en fait les relations père/fils dans un roman saisissant On était des loups (J.C. Lattès). Lorsqu’Ava est tuée par un loup, son corps protégeant l’enfant, Aru, cinq ans, le père Liam, déchiré entre la rage et la colère, s’interroge quant au sort de cet enfant : un récit bouleversant, un héros désemparé, des paysages prodigieux.

Un primo-romancier

Lauréat première plume, Anthony Passeron  publie Les enfants endormis (Globe). Anthony Passeron, né à Nice, en 1983, est le fils du deuxième garçon de la fratrie. Il évoque l´histoire de son oncle Désiré, l’aîné, le seul qui poursuit des études à Nice. Là, il plonge dans l’héroïne, fugue, vole et ment. Séropositif, ce mal inconnu conséquence de l’homosexualité ou de l’addiction dont la seule issue possible est la mort physique et sociale dans ce village de l’arrière-pays où cette famille connue s’enferme dans la honte et le déni. Désiré se marie, une fille naît, elle aussi sera frappée par le sida. Alors, commence pour Louise, la grand-mère, la lutte.

Elisabeth Devriendt

 


 

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