Patrick Renard, Consul général à Buenos Aires

Patrick Renard est consul général de France à Buenos Aires depuis août 2021. Trait-d’Union l’a rencontré dans son bureau, au consulat, et s’est entretenu longuement avec lui tout au long d’un chaleureux échange.

Le parcours professionnel de Patrick Renard est intéressant et varié : avec sa double formation universitaire -docteur ès lettres de la Sorbonne, et master de management international- il a tout d’abord exercé, une dizaine d’années, dans l’enseignement supérieur puis, concours d’Orient en poche*, ce russophone s’est tourné vers la diplomatie. Sa nouvelle voie l’a d’abord mené dans les monts Oural au cœur de la Russie, puis en Pologne et plus tard à la tête du consulat régional de Taldykorgan, capitale de la province d’Almaty, au Kazakhstan. Toutes destinations interrompues, comme il est d’usage, par de réguliers retours au sein de son ministère de tutelle –Affaires étrangères- ou auprès de l’administration européenne. Le voici aujourd’hui à la tête du consulat général de Buenos Aires pour s’occuper de toutes les affaires consulaires des Français d’Argentine et du Paraguay.

Première constatation déconcertante pour Patrick Renard à son arrivée, une chute brutale du nombre de Français inscrits au consulat ; les raisons sont variées, du confinement pandémique prolongé entrainant le découragement des jeunes entrepreneurs venus « chercher fortune » en terres australes, à la « mise sous la clef » d’un certain nombre d’entreprises de haut vol, ceci avec en toile de fond une conjoncture économique tant nationale qu’internationale, des plus ternes.

Deuxième préoccupation sur le plan social cette fois, l’inexistence d’aides sociales plus diversifiées et adaptées aux nécessites : trop faibles pour les retraites, personnes handicapées et enfants, pas de secours pour les femmes seules, en situation difficile.

Il existe bien sûr les aides spécifiques connues comme les bourses accordées aux descendants de Français ; environ 200 enfants en bénéficient. Il y a aussi le dispositif FLAM (Français langue maternelle) un appui financier du ministère des Affaires Etrangères destiné aux associations proposant des activités linguistiques et culturelles en français pour des enfants français ou binationaux, scolarises dans des établissements n’enseignant pas la langue de Molière. Des subventions sont également accordées dans le cadre du programme STAFE, de soutien au tissu associatif : l’Alliance Française de Rosario et deux autres associations en ont bénéficié cette année.

Face à la régression de l’usage de notre langue dans le pays, résultant de politiques nationale et régionales tournées vers un enseignement mono linguistique -l’anglais- le consul souligne les nombreuses difficultés rencontrées, auprès des autorités responsables pour maintenir l’enseignement du français dans les écoles argentines. Depuis de longues années, la priorité, de l’enseignement de langue étrangère semble exclusivement réservée à l’anglais et dernièrement au portugais (pour des motifs commerciaux et touristiques) et ceci tout en long et en large du pays. Pour réagir des accords ont été conclus afin qu’en 2023, soient formés dans 7 des 23 provinces argentines, des professeurs de français.

Patrick Renard dit être particulièrement satisfait du réseau de consuls honoraires : les 17 responsables sont un extraordinaire relai et font un formidable travail.  Il s’est déjà personnellement rendu à El Calafate, à Salta et à Ushuaia. Il projette de visiter très prochainement Rosario et Santa Fe, puis Tucumán, la province de Chubut et les villes de La Plata, Mar del Plata et Bahia Blanca dans celle de Buenos Aires.

Il a également eu l’occasion de se rendre déjà 3 fois au Paraguay qui compte 1000 Français inscrits, un lycée français Marcel Pagnol à Asunción et une école française à Ciudad del Este.

Au cours de ce tour d’horizon la question des « îlots » et de leurs responsables a été évoquée. Il a rappelé l’importance du rôle des chefs d’îlots, comme on a pu l’expérimenter, il n’y a pas si longtemps, au Chili. Rappelons que pour des questions de sécurité, tous les territoires de par le monde sont mailles par l’administration française en zones mises sous la responsabilité de bénévoles dont la tâche consiste à mettre en rapport population et administration en cas d’accidents graves naturels, troubles sociaux, voire même révolutions.

Lors d’une excursion familiale au Fitz Roy, le consul a été interpelé par les gendarmes du Chaltén qui lui ont signalé l’insouciance et l’imprudence des jeunes touristes français, non prépares, sans guide, non déclarés auprès des gardes des parcs nationaux, et sans équipement adéquat, attitude souvent radicalement différente de leurs jeunes collègues nordiques ou allemands. Cette désinvolture de nos jeunes compatriotes inquiète tout particulièrement le consul : l’Argentine se trouve aujourd’hui être une destination privilégiée et, selon les prévisions, pourrait recevoir dans les prochains mois entre 100000 à 150000 touristes.

Sur la fin de l’entretien Patrick Renard a évoqué à la demande de Trait-d’Union quelques souvenirs marquants de son séjour au Kazakhstan, pays inconnu sous nos latitudes : vastes steppes peuplées d’anciennes tribus nomades, aux confins de l’Europe, au cœur de l’Asie centrale, ou les conventions sociales marquées sont souvent aux antipodes de nos coutumes occidentales et qu’il faut essayer de décrypter. Jamais d’affirmation ou de négation directe, un oui peut vouloir dire peut-être, un peut-être, un non ! Jamais de conflit direct, ce serait une insulte pour l’interlocuteur ; au cours d’une conversation, d’une négociation, les visages peuvent soudain se fermer, le courant ne passe plus, sans que l’interlocuteur n’en comprenne le motif.

Il a, pour conclure raconté l’une des anecdotes les plus exotiques qu’il ait vécues lors de son séjour kazakh : invité par le gouverneur de la province à une réception officielle d’une centaine de personnes, les discours terminés, tout le monde passe à table. Le repas commence par le dépôt d’une tête de mouton dans l’assiette du gouverneur, ce dernier enlève un œil et le place dans celle de son convive de marque – Patrick Renard-, se réservant l’autre pour lui. Notre invité, honoré et censé se régaler avec ce morceau de choix hésite et opte après avoir été tenté de le gober, de croquer l’oeil en s’aidant à avaler ce « mets délicieux » … avec une rasade de vodka !

Le consul habite avec sa famille, dans le quartier de Belgrano : ses deux petites filles jumelles vont au lycée Mermoz.

Propos recueillis par Elisabeth Devriendt

*Cadre d’Orient : les conseillers des Affaires étrangères du cadre d’Orient sont recrutés par le biais d’un concours spécifique organise par le Ministère des affaires étrangères.

 

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