À la recherche de ses origines

Cette rencontre avec un sympathique Fernando Javier Vazquez Orsi, un vendredi matin dans un restaurant italien du quartier de Palermo a été fort agréable et émouvante…

C’est Fernando qui a voulu contacter et rencontrer Trait-d’Union pour raconter ce qu’il sait de l’histoire de sa famille, française, émigrée en Argentine.

Fernando est âgé de 54 ans, il en paraît beaucoup moins, grand et souriant et dont on perçoit au premier coup d’œil l’extrême gentillesse. Actuellement en couple avec un certain Alexandre, il est steward dans une grande ligne d’aviation internationale. Ses horaires de travail sont flexibles, mais il lui est toutefois difficile de donner à l’avance ses disponibilités, car il est constamment astreint à des “gardes”, durant lesquelles il peut être appelé par sa compagnie et doit dans les minutes suivantes se rendre à l’aéroport.

Né à Azul, au cœur de la province de Buenos Aires, il vit dans la métropole depuis ses classes secondaires. Une grande partie de sa vie s’est donc passée dans la capitale.

Fernando parle un français quasiment parfait, avec un léger accent. Il explique être passionné par la langue de ses aïeux, mais également par la généalogie. Il a, en effet, effectué un travail exhaustif de recherche sur ses origines, avec l’aide de deux associations, l’AME (Association pour la Mémoire de l’Émigration), située à Pau et pour laquelle il a écrit un article sur l’émigration de sa famille dans une revue intitulée “Partir” ; et une autre association de généalogistes située à Loubieng, petite commune rurale d’environ 500 habitants, située dans la périphérie d’Orthez (Pyrénées atlantiques).

La Maison Mu, à Orthez

En septembre 2022, Fernando décide de partir sur les traces de ses ancêtres. Il organise donc un séjour en France, l’occasion pour lui de rencontrer les membres de l’AME, visiter le village de sa famille dans le Béarn, et retrouver un lointain cousin, Bernard Poustis, qui résulte être d’une grande aide dans la reconstruction de la saga familiale.

Bernard et Fernando s’étaient connus via mail, mais furent ravis de se rencontrer dans le cadre béarnais. Ensemble, ils visitèrent la maison Jammot à Sarpourenx, “la” maison de son aïeul Bertrand Pourtalé, une grande bâtisse, témoignage d’une certaine aisance économique, aujourd’hui complètement laissée à l’abandon : triste pour Fernando de constater que la demeure où avait vécu sa famille au 18e siècle fait aujourd’hui office de remise ! Les deux cousins visitèrent également une autre demeure la Maison Mu, celle des ancêtres Dumoulié, dans la petite ville d’Orthez, cette dernière, au contraire, parfaitement conservée.

La famille Dumoulié

Mais Fernando revient à ses ancêtres et raconte l’histoire de sa famille, la famille Dumoulié. Vignerons originaires des villages d’Orthez et de Sarpourenx dans l’actuel département des Pyrénées Atlantiques, toute la famille décide vers 1860, pour des raisons que l’on ignore, d’émigrer vers l’Argentine. Les parents de son arrière-grand-mère venaient tous deux du Béarn : son arrière-arrière-grand-père, Jean Dumoulié, nait a Orthez en 1830 meurt en Argentine en 1889 ; la femme de ce dernier, l’arrière-arrière-grand-mère de Fernando, Françoise Courtez, naît en 1833 à Sarpourenx et meurt, elle, en 1901 en Argentine.

La famille embarque sur un bateau dont on ignore le nom, à Bordeaux. Laissant tout derrière lui, le groupe familial part vers le nouveau monde et s’installe à Azul afin de vivre une nouvelle vie en Argentine. Fernando ne saurait pas donner la date exacte du départ, ni même les motivations qui ont poussé la famille à émigrer, ou encore pourquoi ce choix de la ville d’Azul, à l’époque en périphérie de la civilisation. En revanche, il sait que c’était une famille disposant à l’époque d’une certaine somme d’argent, et que les voyageurs n’avaient qu’un seul et même visa pour toute la famille. Ils laissent derrière eux de belles propriétés, telles que la maison Mu ou encore la maison Jammot. Dans ce groupe familial émigrant vers l’Argentine, se trouvaient donc les parents de l’arrière-grand-mère de Fernando, mais également des tantes, des oncles, des cousins… Son arrière-grand-mère, Marta Luisa Dumoulié, benjamine des sept enfants Dumoulie-Courtez est née en Argentine de même que deux de ses autres frères et sœurs, les 4 aînés étaient nés en France.

Les motifs de cette émigration restent donc inconnus, tant pour Fernando que pour les généalogistes. Nous tentons avec l’intéressé d’émettre des hypothèses. L’une des plus plausibles, sachant qu’il s’agissait de vignerons, est qu’ils aient été tentés d’échapper à la crise du phylloxera, qui commençait à cette époque à sévir dans le Sud-Ouest. Il ne s’agit, bien sûr, que d’une hypothèse parmi bien d’autres. En arrivant à Azul, ils s’installent comme agriculteurs et charpentiers. En cultivant la terre, ils ancrent dans ce sol étranger leurs nouvelles racines. En 1868, survient une épidémie de choléra, la grand-mère de Marta Luisa Dumoulié, ainsi que d’autres membres de la famille n’y survivront pas.

La transmission de la langue dans la famille

La langue française s’est transmise de génération en génération jusqu’au grand-père de Fernando, Juan Carlos Vazquez, qui parlait parfaitement la langue de ses aïeux. En revanche, son fils, le père de Fernando, Oscar Vázquez, ne la parle plus. La transmission de la langue saute une génération. Le père de Fernando, qui travaillait dans une maison de vente aux enchères, lui a en revanche transmis l’amour de son héritage et du berceau de cette partie de la famille, le Béarn. Oscar parlait toujours avec passion de ce lointain pays, bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds. C’est ainsi qu’il a voulu que ses trois enfants apprennent le français à l’Alliance Française d’Azul. Fernando a une sœur cadette et un frère benjamin, qui ont comme lui appris la langue de leurs ancêtres, mais qui ne le parlent pas aussi couramment que lui. Fernando semble être le seul de la fratrie à s’intéresser avec autant d’intérêt à son héritage français. Particulièrement passionné, on perçoit une forte émotion lorsqu’il parle de son histoire familiale. De ses deux nièces, filles de son frère, la cadette, affectivement très proche de lui, est celle qui s’intéresse le plus à l’origine de la famille. Elle commence à apprendre le français à l’école, et suit également des cours particuliers. Elle a 16 ans et rêve déjà d’aller en France et en Europe, à la poursuite des histoires que lui raconte son oncle. Fernando cultive ce lien qui le lie à sa nièce, et lui transmet sa passion. Cette adolescente pourrait se transformer ainsi un jour en un nouveau relais de l’héritage français de la famille.

Un héritage qui reste en grande partie à découvrir…

 

Propos recueillis par Cléophée Baylaucq et Marie-Françoise Mounier-Arana

 


 

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