Le philosophe Pierre Dardot en visite à Buenos Aires

Une vie de globe-trotter doublée d’une érudition classique : voici Pierre Dardot

Belle rencontre vendredi dernier avec Pierre Dardot, figure remarquable de la pensée philosophique contemporaine, à l’occasion de sa visite en Uruguay, au Chili et en Argentine (Mendoza, Trelew et Buenos Aires). Pierre Dardot a évoqué son enfance et son parcours pour les lecteurs de Trait-d’Union.

Un parcours assez peu aisé pour un fils de militaire français, de déplacement en déplacement, il a vécu dans de nombreux pays avant de s’installer en France pour terminer ses études secondaires. Aîné d’une fratrie de trois garçons, – les deux derniers nés au Sénégal -, il évoque ses souvenirs parfois traumatisants, les situations difficiles : comme les deux années passées en Algérie, 1956-1958, dans la banlieue de Constantine. A l’occasion, il rappelle que son père avait compris la situation et disait que l’Algérie serait indépendante – discours “politiquement incorrect” à cette époque en France, en Algérie et dans l’armée.

Dans les années 70, il se lance, avec passion, dans des études de philosophie à l’université de Nanterre, licence et maîtrise en poche, il passe les concours et obtient le CAPES puis l’agrégation de philosophie. En 1988, il soutient un doctorat de philosophie à l’Université Paris-X-Nanterre sous la direction de Jacques Bidet : La question du commencement de la science sous Hegel et Marx
Après un passage dans le nord de la France, il sera muté à Paris, dans la grande banlieue. C’est là qu’il retrouve, en 1988, un copain d’étude, le militant politique Christian Laval, au lycée des Mureaux.
Avec une certaine nostalgie de ses années de prof, il se souvient d’une création très originale née en collaboration avec d’autres enseignants : « La salle d’à côté », qu’ils animaient en invitant des personnalités à des séminaires, colloques et débats : une formidable ouverture pour les élèves qui participaient avec enthousiasme à ces échanges.
L’universitaire enseignera ensuite dans les classes supérieures dont HEC à Mantes la jolie.
Il fonde et anime depuis 2004 le groupe d’études et de recherches « Questions Marx » avec Christian Laval qui engendra leur ouvrage publié en 2009 : La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale.

C’est autour d’une tasse de café qu’il évoque sa relation avec l’Amérique latine, intérêt né de la fréquentation des étudiants sud-américains, très présents à Paris dans les années 70. En 2018, il participe à des colloques à Montevideo, à Buenos Aires et à Santiago ; en 2019, il se trouvait au Chili lors des violentes manifestations. Le titre de Docteur Honoris causa de l’université privée non catholique, à but non lucratif de Santiago, lui a été remis.

Il a co-écrit de nombreux ouvrages avec le sociologue Christian Laval sur le néolibéralisme et la thématique du Commun.

Pierre Dardot ou toute la simplicité d’un chercheur pointu et accessible, une rencontre brève mais chaleureuse, avant une visite de l’ESMA et un retour vers la France.

Elisabeth Devriendt et Sophie Veber

 

Publications
-Sauver Marx ? Empire, multitude, travail immatériel, avec Christian Laval et El Mouhoub Mouhoud, Paris, éditions La Découverte, 2007, 258 p)

-La nouvelle raison du monde, avec Christian Laval, Paris, éditions La Découverte, 2009, 504 p. ; rééd. 2010
-Marx, prénom : Karl, avec Christian Laval, Paris, Gallimard, coll. « Essais », 2012, 809 p. )

Commun. Essai sur la révolution au xxie siècle, avec Christian Laval, Paris, éditions La Découverte, 2014, 592 p. ; rééd. 2015

-Ce cauchemar qui n’en finit pas. Comment le néolibéralisme défait la démocratie, avec Christian Laval, Paris, éditions La Découverte, 2016, 247 p.

-L’ombre d’Octobre. La Révolution russe et le spectre des soviets, avec Christian Laval, Montréal, Lux éditeur, coll. « Humanités », 2017, 294 p.

– Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’État en Occident, avec Christian Laval, éditions La Découverte, 2020, 736 p.


 

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