La francophonie à l’honneur ce 20 mars !

Le 20 mars est la journée internationale de la francophonie. Brève histoire de l’Organisation Internationale de la Francophonie de ses origines à nos jours.

Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française“, Léopold Sédar Senghor. 

Le terme de francophonie naît sous la plume du géographe français Onésime Reclus à la fin du XIXème siècle pour décrire la diffusion sans précédent de la langue française sur tous les continents grâce à l’expansion de l’empire colonial français. Si cette expression est peu à peu oubliée avec le processus de décolonisation, elle renaît de ses cendres sous l’impulsion d’intellectuels et de chefs d’Etats francophones des anciennes colonies, conscients de l’existence d’un espace linguistique commun, propice aux échanges et à l’enrichissement mutuel.

Bien que nombre d’écrivains, journalistes ou universitaires, sur tous les territoires de l’ancien empire colonial se rassemblent, dès les années 20, dans l’Association des écrivains de langue française (Adelf) ou au sein de l’Union internationale des journalistes de la presse de langue française, une organisation intergouvernementale et institutionnalisée tarde à voir le jour.

C’est en 1970 que sous l’impulsion de 4 dirigeants africains et asiatique – Léopold Sédar Senghor (1), président du Sénégal, Habib Bourguiba, chef d’Etat Tunisien, Hamani Diori, président du Niger ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, qu’est signé, sous l’égide d’André Malraux, ministre français de la culture, le texte instituant L’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT).

De gauche à droite : Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Hamani Diori, Norodom Sihanouk 

D’un simple “Commonwealth à la française” (Senghor) à un modèle international et politique de diversité 

21 pays composent à ses débuts l’ACCT et s’engagent à coopérer dans les domaines de la culture et de l’éducation. Très rapidement est créé un fonds d’images qui aidera à la réalisation de milliers d’œuvres de cinéma et de télévision. En 1993, le premier “Marché des arts du spectacle africain”, est organisé à Abidjan. En 1984, la chaîne de télévision francophone TV5 naît de l’alliance de cinq chaînes de télévision publiques française, belge et suisse, et devient TV5 monde dans les années 1990 après l’ouverture de canaux télévisuels en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Enfin, depuis 2001, l’Agence décerne chaque année le Prix littéraire des cinq continents pour récompenser un roman de langue française et lui offrir une reconnaissance sur la scène littéraire internationale.

Si la Francophonie est un tremplin formidable à l’épanouissement de la langue française partout dans le monde, elle est aussi devenue un vecteur de puissance et d’audace sur la scène internationale.

Le premier sommet de la Francophonie s’est réuni en 1986 au château de Versailles sur l’invitation du président de la République française François Mitterrand. Depuis, les pays de la Francophonie se réunissent tous les deux ans afin de débattre de l’avancée de la coopération dans les missions essentielles telles que promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique, œuvrer pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme, appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche et enfin étendre la collaboration au service du développement durable.

En 2006, l’ACCT., forte de ses 88 Etats membres, devient l’Organisation Internationale de la Francophonie – l’OIF-. Elle comprend trois catégories de membres :  les pays membres de plein droit, les pays membres associés et les pays membres observateurs (2).

Concrètement, quelle est la valeur ajoutée d’une coopération des pays de la francophonie ?  

Depuis sa création en 1970, le budget alloué à l’Organisation Internationale de la Francophonie n’a cessé de croître. Composé majoritairement des contributions des pays membres, le fonds multilatéral unique qui finance les projets de coopération s’élevait à 64,6 millions d’euros en 2023. La France a dernièrement décidé d’investir 15 millions d’euros par an pour les 4 prochaines années. Ce budget ainsi que les financements d’autres pays ont permis de réaliser de nombreux projets ambitieux et d’achever quelques programmes phares répondant aux objectifs fixés par l’Organisation.

Tout d’abord, la Francophonie se démarque en organisant tous les quatre ans et ce depuis 1989 les Jeux de la francophonie. Pendant 10 jours, ce sont plus de 3500 jeunes talents qui se retrouvent et s’affrontent autour d’épreuves sportives et artistiques en tout genre. Les derniers jeux se sont tenus en 2023 en République Démocratique du Congo et quelques 324 millions d’euros avaient alors été investis par le pays-hôte.

En matière éducative, l’OIF est à l’avant-garde dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique grâce à l’Agence Universitaire de la francophonie. L’AUF est le premier réseau universitaire au monde, avec plus de 1000 établissements membres répartis dans 119 pays. En 2020, dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, l’AUF avait notamment lancé un appel à projet international qui avait permis de financer à hauteur de 1 million d’euros 92 projets issus de 87 établissements différents. De plus, l’agence tente de rapprocher le savoir et la culture au plus près des populations notamment dans les quartiers défavorisés et les zones rurales au travers de ses centres de lecture et d’animation culturelle. Aujourd’hui ses plus de 300 bibliothèques dans le monde reçoivent un peu plus de 3,6 millions de visiteurs par an.

L’OIF est également engagée en matière de droits humains : elle a notamment permis la création d’un fond de 12,5 millions d’euros de subventions nommé “La Francophonie avec Elles”. Ce fonds finance actuellement plus de 250 projets dans les pays du sud qui œuvrent à renforcer l’autonomie économique et sociale des femmes en favorisant en particulier leur insertion dans le monde professionnel.

En bref, on peut retenir que l’Organisation internationale de la francophonie est un ensemble de missions qui a pour vocation d’améliorer le quotidien de ses millions de francophones et de faire avancer les intérêts de tous ses pays membres. Cette ambition est possible grâce au vecteur commun de la langue française…mais, un vecteur qui malheureusement a actuellement, au fil des ans, tendance à s’effriter petit à petit.

Une communauté immense et diversifiée face à de nouveaux défis. 

Aujourd’hui, on compte 327 millions de francophones et 144 millions de personnes qui apprennent ou étudient en français, ce qui en fait la deuxième langue étrangère la plus enseignée au monde. Et malgré tout, on observe un recul de l’usage du français, face à la langue anglaise qui s’érige de plus en plus comme un nouvel espéranto. C’est ce que constatait Emmanuel Macron, en novembre 2022, à l’occasion du sommet de la Francophonie organisé à Djerba en Tunisie, en déclarant toutefois vouloir porter “un projet de reconquête”.

Symbole de cette reconquête, la rénovation de l’emblématique château de Villers Cotterêts commencée dès 2019 sous son impulsion pour y installer la nouvelle Cité internationale de la langue française. Pari tenu, la cité a été Inaugurée le 30 octobre dernier. Plus de 110 millions d’euros ont été investis pour faire renaître ce château voulu et construit par François 1er et où furent signées en 1539 les ordonnances établissant le français comme langue officielle du royaume de France. Cinq cents ans plus tard, ce château pur style Renaissance française devient le siège officiel de la langue française. Laboratoire de recherche et d’innovation sur la langue, la Cité doit accueillir des expositions, des spectacles ou encore des ateliers artistiques. Elle a été naturellement désignée comme le prochain lieu de réception du XIX ème sommet de la francophonie.

Faire émerger une organisation institutionnalisée de la francophonie n’aura pas été une mince affaire. Il aura fallu compter sur l’intelligence et le travail de chefs d’Etat majoritairement africains soucieux de rapprocher les peuples liés par une langue commune. Aujourd’hui, c’est au sein de cette communauté que s’épanouit dans toute sa richesse et son universalité la langue française même si les défis sont encore nombreux. Les projections élaborées aujourd’hui tablent pour 2070 sur un chiffre d’environ 800 millions de francophones, dont une majorité de jeunes en Afrique…Un grand espoir et un immense défi pour l’avenir du monde francophone.

(1)  Homme d’État français et sénégalais, poète, écrivain et premier président de la République du Sénégal. Il est ministre conseiller en France sous le général de Gaulle avant l’indépendance du Sénégal et est le premier Africain à siéger à l’Académie française. Depuis 2006 est remis chaque année le prix Senghor récompensant un premier roman d’un auteur francophone.  

(2) 55 membres de plein droit parmi lesquels la France, le Canada, la Suisse (principaux contributeurs), 7 membres associés comme parmi d’autres, la Nouvelle-Calédonie, le Qatar ou la Serbie…, et 27 membres associés, parmi lesquels l’Argentine, l’Uruguay ou la Thaïlande.

 

Clément Corbineau


 

 

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