« Gallia », une nouvelle association française
|Alors que l’encre actant la création officielle de l’association venait à peine de sécher, le Trait d’Union est parti à la rencontre de la toute nouvelle association portée par Jérôme Guillot, Gallia, musée de la présence française en Argentine.
Une entité qui compte faire rayonner l’héritage de la présence française en Argentine depuis ses premières migrations jusqu’à nos jours.
Jérôme Guillot, le président de Gallia
Jérôme Guillot est arrivé en Argentine en 1990. Ses aventures à l’étranger l’ont d’abord mené à São Paulo au Brésil avant de déposer ses bagages à Buenos Aires. Il a enseigné pendant 28 ans au collège franco-argentin Adrienne Bolland avant de prendre sa retraite. Il n’a pour autant pas souhaité “raccrocher les crampons” et a décidé de continuer de faire ce qu’il aime le plus, aider les gens. Il s’est donc présenté aux élections des conseillers des Français de l’étranger en 2021. Après plus de deux ans de mandat à résoudre les problèmes personnels des Français installés ici, il se tourne aujourd’hui vers un grand projet en harmonie avec ses passions.
L’acte de naissance de Gallia
L’idée d’une association qui réunit les tenants culturels de la présence française en Argentine est née en mai 2023 au cours d’une réunion pour la création d’une fédération des associations françaises.
“Avec Laurent Waksman, on avait l’objectif de créer une fédération des associations, qui rassemblerait toutes les associations dans une même entité plus grande pour pouvoir augmenter la portée de chacune. Lors d’une réunion à l’Ambassade l’année dernière, on a divisé les thèmes de recherche en quatre. Ayant une formation d’historien, je me suis retrouvé dans le thème de la mémoire avec Serge Leteur. On a commencé à faire des projets d’histoire, sur l’éducation française en Argentine, les communautés religieuses, les femmes…et je me suis rendu compte que tous ces thèmes étaient des sous-sujets d’un sujet plus grand, l’immigration française en Argentine”.
L’ambition pour Jérôme est de faire de Gallia un repère dans le paysage associatif français en Argentine. Si le tissu associatif est déjà dense, il manquait une association qui prenne la culture du passé à bras le corps.
“De l’immigration, le projet a finalement abouti à la présence française, pour pouvoir balayer à la fois le passé, le présent et le futur.”
De nombreuses personnes actives dans la communauté française à Buenos Aires se sont jointes au projet, d’autres associations également. Gallia a même pu accueillir un premier stagiaire, aujourd’hui reparti en France mais qui restera membre d’honneur de l’association.
Une association qui se veut horizontale et démocratique
Aujourd’hui Jérôme est entouré de sept personnes au sein du comité de direction, toutes ont voix au chapitre. En effet, Jérôme, le souligne, il souhaite déléguer le plus possible et créer une association vraiment démocratique.
Le premier grand débat a été de trouver un nom à l’association. Après de nombreux atermoiements, l’acronyme M.I.F.A. pour Musée de l’Immigration Française en Argentine est abandonné pour s’orienter vers un nom propre. Il nous raconte le processus créatif autour de ce choix. “L’idée de trouver un nom propre est venue de moi, puis l’idée de chercher parmi les noms de bateaux (transportant des immigrés en provenance d’Europe) de Chantal Erdozain. Le Masslia, Le Normandie, Le Provence puis un jour on tombe sur le Gallia. C’est un bateau qui a fait des traversées entre 1870 et 1927, année où il a été démantelé. Il transportait des migrants dont des Français. Bateau, migration, France, Français, Gallia…c’était génial. Si ça été long on a réussi et on a voté pour celui-là”.
Une fois le nom choisi, est venu le temps de penser au logo. Jérôme souhaitait un logo qui fasse réfléchir. Grand amateur des logos de la RATP et de Carrefour qui amène le spectateur à se poser des questions, il voulait que son logo surprenne.
“Le logo a aussi été une grande discussion car je voulais un logo qui frappe et là c’est le cas avec le G qui forme la silhouette du bateau. Après une vingtaine de propositions de logo, et des amendements de chacun, le point rouge vient de Chantal, moi j’ai proposé les vagues sous le bateau, le logo est là. Il a été dessiné par Patricia Pellegrini qui nous a fait de nombreuses propositions, absolument géniales.”
Quelles activités vont être proposées par Gallia ?
Après une année de gestation et l’officialisation auprès de l’administration française à la fin du mois de mai, l’association se lance maintenant dans la proposition d’activités. Il était temps pour Jérôme qui est heureux de proposer enfin des animations concrètes.
Vendredi 14 juin, la première activité organisée par Gallia a eu lieu au Club Français. En collaboration avec l’Institut Santiago de Liniers, trois experts dont un descendant direct de Santiago de Liniers sont venus conter l’histoire de cette figure de l’histoire argentine d’origine française devant un public intéressé, venu au rendez-vous de la première conférence de l’association.
Une deuxième conférence est prévue et sera bientôt proposée. Elle concernerait le parcours de deux Français immigrés, Amédée Jacques et Paul Groussac, qui jouèrent un rôle important dans la création du système éducatif argentin, largement inspiré du français hérité de Jules Ferry. La conférence donnerait la parole à deux chercheurs français, en collaboration avec la UBA.
Avant que le musée ne puisse s’installer durablement dans des murs, l’idée est de réaliser des expositions digitales et d’autres de façon itinérante. Notre interlocuteur s’est d’ores et déjà rapproché d’un photographe français, André Baranoff, qui a passé sa vie à sillonner les terres argentines à la rencontre des “gauchos”. Jérôme souhaiterait proposer au public quelques-uns de ses plus beaux clichés.
En outre, il s’emploie, en ce moment, à mettre “en ligne” une série de lettres écrites au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles, témoignages du quotidien et des pensées des Français installés à l’époque en Argentine.
Un autre de ses projets est d’organiser courant juillet une visite de la ville de la Plata, en grande partie pensée par des architectes français issus de la franc-maçonnerie… une journée à la poursuite de la présence française à la Plata en compagnie de l’Alliance Française et du consul honoraire.
S’ouvrir au hasard des rencontres, la philosophie de Gallia
Pour Jérôme, “seules les montagnes ne se rencontrent pas”. En effet, le hasard des rencontres “fait bien les choses” pour le nouveau musée de la présence française en Argentine.
“Un jour j’avais rendez-vous au MALBA, à la fin de l’année dernière pour discuter d’”Europe Ecologie les Verts”, parti auquel je suis affilié. La rencontre se passa très bien avec ce fameux Monsieur Berni que je ne connaissais pas…Avant qu’il ne m’avoue qu’il connaissait très bien le MALBA et son fondateur Eduardo Constantini : ce dernier lui avait organisé plusieurs expositions dans le musée. Sans le savoir, je venais de parler avec le fils du grand peintre Antonio Berni. Je lui fais part de mon envie d’ouvrir un musée et il me propose, sans réfléchir, comme lieu une vieille maison sur l’avenue Rivadavia qu’il souhaite aménager en musée pour exposer les œuvres de son père et son désir d’y associer une autre entité. Une maison à deux étages, ascenseur, porte cochère, jardin…le lieu idéal. Il faut évidemment entreprendre des travaux de rénovation et d’aménagement, mais on a l’endroit. “Cerise sur le gâteau”, Antonio Berni fils, a vécu en France et a la nationalité française après avoir partagé sa vie avec une française. Tout colle.”
Mais, si les locaux du musée sont trouvés, il manque encore le financement !
“Pour Santiago de Liniers, ça s’est passé de la même façon, c’est le hasard qui nous a permis de faire la conférence. L’année dernière, je distribuais des tracts lors de la feria Lucullus et je rencontre une dame nous entamons une conversation…Il s’est avéré qu’elle connaissait le descendant de Santiago de Liniers. Une chance !”
Un projet qui va au-delà de la seule ville de Buenos Aires
L’ambition de Jérôme est de construire Gallia en toile d’araignée dans toute l’Argentine car la présence française ne se réduit pas à la seule capitale portègne, elle va bien au-delà sur tout le territoire argentin.
“J’ai des points relais à la Boca, à la Plata, à Salta et également à Choele Choel et l’ambition est de ne pas s’arrêter là, tout ça dans le but de diffuser la culture française et même proposer des projets”.
Pour continuer de s’étoffer Gallia est bien entourée : Français du Monde, Union des Français de l’étranger, le Club Français, la Chambre de commerce et le journal Trait-d’Union soutiennent le projet, des experts aussi dont une historienne et une muséologue.
Un beau et grand projet, qui mérite tous les meilleurs augures ! Un musée de cette nature serait unique en son genre en Amérique Latine, puisqu’il ne semble en exister nulle part ailleurs, excepté, peut-être au Mexique *
Propos recueillis par Clément Corbineau
*A son grand dam, Jérôme a, jusqu’à présent, échoué dans ses tentatives de prises de contact avec les Mexicains.