Gerardo della Paolera, directeur exécutif de la Fondation Bunge y Born
|Au cours du Forum organisé par la Fédération des Associations françaises du 27 septembre dernier, Trait-d’Union s’est entretenu avec les principaux intervenants invités.
Gerardo della Paolera, premier orateur de la journée, fut la première personne à se prêter à un intéressant échange avec Trait-d’Union.
Ancien élève du lycée Mermoz, Gerardo est depuis 2016 directeur exécutif de la notable Fondation Bunge y Born, institution philanthropique argentine qu’il a profondément réorientée en l’inscrivant dans une logique d’impact mesurable.
Formé comme économiste à la UCA (Universidad Católica Argentina) il a ensuite poursuivi un doctorat à l’Université de Chicago. Professeur d’économie et d’histoire économique, il a enseigné notamment à l’Université Torcuato Di Tella, dont il fut le premier recteur, il a également présidé l’American University de Paris et la Global Development Network à New Delhi, et a été professeur dans de grandes universités internationales et nationales ; il enseigne actuellement à la UBA et a la Universidad San Andrés. Il est reconnu pour ses recherches sur l’histoire économique de l’Argentine et pour son engagement dans des projets de développement international.
Ce parcours académique et institutionnel nourrit aujourd’hui sa vision à la tête de la Fondation Bunge y Born. Selon lui, l’assistance traditionnelle ne suffit plus. Pour améliorer durablement la société, il est nécessaire de vérifier, preuves à l’appui, que les programmes financés produisent bien les effets recherchés. « On ne peut pas savoir si une action fait la différence sans mesurer son impact », résume-t-il. La fondation applique ainsi une méthodologie scientifique inspirée de la médecine, fondée sur la comparaison entre un groupe bénéficiaire et un groupe témoin. Cette approche, divulguée dans les sciences sociales par la lauréate du prix Nobel d’économie Esther Duflo, permet d’identifier objectivement les résultats obtenus. L’exemple des programmes d’enseignement des mathématiques est révélateur : après une phase pilote menée auprès d’élèves, leurs performances sont évaluées et comparées à celles issues de méthodes traditionnelles. En cas de résultats concluants, le dispositif peut être proposé aux pouvoirs publics pour un déploiement à plus grande échelle : une démarche exigeante et coûteuse. Une évaluation d’impact représente entre 300 000 et 400 000 dollars. Peu de fondations argentines peuvent s’autoriser un tel investissement. Pourtant, une fois l’efficacité démontrée, l’extension d’un projet devient accessible et permet d’atteindre un plus grand nombre de bénéficiaires L’importance de cette rigueur tient aussi au fait que les bonnes intentions, seules, ne suffisent plus. Mal conçues, certaines politiques d’assistance peuvent produire des effets inverses, allant jusqu’à renforcer la pauvreté.
La Fondation Bunge y Born privilégie donc la mise au point de « biens publics » testés et validés, proposés ensuite aux provinces et aux municipalités pour être adaptés et diffusés. Tous les projets ne trouvent cependant pas un aboutissement positif. Gerardo della Paolera cite le cas d’une cartographie de la petite enfance en milieu rural, élaborée sous le gouvernement de Mauricio Macri. Bien que la méthodologie ait été jugée solide, le projet n’a pas été poursuivi par l’État. Un échec relatif, selon lui, qui illustre la difficulté d’inscrire des politiques de long terme dans un horizon politique souvent limité. À côté de ces obstacles, plusieurs initiatives constituent de véritables réussites : programmes innovants d’éducation, festivals de petite enfance, partenariats avec des provinces telles que Córdoba, Mendoza ou Neuquén. Leur déploiement repose toujours sur la même logique : tester, mesurer et prouver avant de généraliser.
La fondation s’engage également dans un travail de mémoire. Gerardo della Paolera, en sa qualité d’historien de l’économie s’est rapidement intéressé lorsqu’il est arrivé à la direction de la Fondation au créneau spécifique que représentent les archives d’entreprises, celles encore actives ou aujourd’hui disparues. Il a mis sur pied le projet “Dépoussiérer les archives” : un précieux témoignage, qui documente, entre autres, l’histoire de l’immigration et son élan pour progresser par l’effort personnel, en total contre position avec l’esprit actuel de philanthropie.
Pour son directeur, toutes ces actions participent d’une même ambition : contribuer à former des citoyens plus éduqués, en meilleure santé, responsables, conscients de la mémoire collective et attentifs à l’environnement. C’est cette vision intégrée, en constante construction, qui anime la Fondation Bunge y Born.
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