L’imagination au pouvoir

Alfredo Arias, metteur en scène d’origine argentine, s’est exilé en France à la fin des années 60 pour échapper à la dictature d’Ongania. Au fil de ses créations, il impose sur la scène parisienne son style provocateur et inventif, hérité de la tradition du théâtre de « revista » argentin… Il forme sa propre troupe, le TSE, prend la tête du théâtre d’Aubervilliers et conquiert le public international en se consacrant non seulement à la mise en scène d’oeuvres de théâtre contemporain et classique mais aussi d’opéras.

La génération des années 60. Alfredo Arias appartient à la fameuse génération des années 60 qui, d’abord en Argentine puis ensuite en France, a contribué à la rénovation de l’esthétique théâtrale. En 1966, il réalise sa première mise en scène –Dracula– qui possède déjà tous les ingrédients qu’il développera durant les trente années suivantes. Mais dès 1969, Alfredo Arias se voit contraint de quitter l’Argentine : le général Onganía, qui a pris le pouvoir, a fait fermer les universités, boucler l’Institut Di Tella, censurer les films et pièces de théâtre. Arias se rend alors à Paris où se trouvent déjà ses collègues argentins Jorge Lavelli, Victor García et Copi, son grand ami. Il ne part pas tout seul : une partie de la troupe du futur TSE l’accompagne : Marucha et Facundo Bo et plus tard Marilu Marini ainsi que le metteur en scène Roberto Plate.

Provocation et originalité. Une fois installé dans la capitale francaise, Alfredo Arias monte Eva Perón de Copi (1970), oeuvre qui provoque un grand tumulte entre péronistes et représentants de l’extrême droite argentine. Non sans raison : la pièce utilise un langage violent et insolent qui remet en question la figure d’Eva Perón. Quelques années plus tard, il reçoit les éloges mérités de la critique pour son oeuvre Histoire du théâtre qui mêle fantaisie, poésie et humour, trois constantes qui caractérisent le style bien particulier d’Alfredo Arias.
Tout au long de sa carrière, l’inventif metteur en scène argentin n’arrête jamais d’expérimenter : il utilise des masques dans Peines de coeur d’une chatte anglaise, comme le faisaient les personnages de Marivaux qui jouaient avec des têtes de singes, dans la tradition des vieilles singeries du XVIIIe siècle.
Les mises en scène d’Alfredo Arias surgissent non seulement de son imagination débridée mais aussi de la tradition du théâtre argentin, en particulier de la Revista criolla, mélange de music-hall et de sketches pimentés. C’est dans cette ligne que furent conçues des pièces comme Luxe ou Mortadela qui surprirent autant le public que la critique.

Du TSE à la renommée internationale. Durant plusieurs années, Alfredo Arias passe de salle en salle pour monter ses pièces : L’Etoile du Nord, Les Jumeaux vénitiens de Goldoni, La Bête dans la jungle, de Marguerite Duras et La Femme assise de Copi (cette dernière étant inspirée des dessins que publiait chaque semaine Copi dans le Nouvel Obs), jusqu’à ce qu’on lui confie en 1985 le TSE, théâtre subventionné d’Aubervilliers.
Invité au Festival d’Avignon, il présente une adaptation de Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Puis c’est au tour de la Comédie française de l’inviter à diriger, dans la salle de l’Odéon, La Ronde d’Arthur Schnitzler.
Des grands classiques du théâtre à l’opéra, il n’y a qu’un pas que franchit allègrement Arias en dépoussiérant un vieil opéra de Rameau : Les Indes galantes. Il devient alors un metteur en scène d’envergure internationale : on l’appelle de Suisse, d’Italie, d’Espagne et bientôt d’Argentine. Il revient à plusieurs occasions dans son pays natal présenter ses spectacles en français ou en espagnol. C’est le cas du monologue Nini, créé par Marilu Marini, entièrement monté sur des textes de l’inoubliable actrice comique Nini Marshall. Arias n’oublie pas non plus son ami Copi, qu’il accompagne jusque dans sa mort tragique, et dont il met en scène de nombreuses pièces telles que Les Escaliers du Sacré Coeur ou Cachafaz.
Alfredo Arias a obtenu il y a quatre ans la nationalité française. Il a reçu dans son pays d’adoption de nombreux prix, dont le fameux prix Molière.

 

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