“Nénufar”, “ognon”, “portemonnaie”…

La réforme de l’orthographe surprend, et soulève des protestations nombreuses. Apparue dans les médias le 4 février dernier, la polémique à propos de cette graphie alternative continue de faire parler d’elle. Mais faut-il vraiment prendre peur face à cette réforme qui déchaîne les passions ? Le Trait-d’union vous propose un petit rappel historique afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette polémique qui divise les français.

ortographieTout commence en 1990, lorsque Michel Rocard, alors premier ministre, réunit un groupe de travail destiné à plancher sur une révision de la langue de Molière : le Conseil supérieur de la langue française, composé de ressortissants français, mais aussi québécois, belges, suisses et marocains. Le but de la démarche est alors de simplifier l’apprentissage du français, notamment dans le but de pallier un certain recul de l’apprentissage de la langue à l’échelle internationale. Sa complexité est en effet pointée du doigt. Cette réforme, largement méconnue, propose ainsi une série de modifications : arrangements lexicaux («charriot» avec deux «r» pour être similaire à «charrette»), regroupement de noms composés («extraterrestre» plutôt que «extra-terrestre») et suppression de certains particularismes, dont l’accent circonflexe. Ce sont environ 2500 mots qui sont concernés par ces changements. Le secrétaire perpétuel de l’Académie Française de l’époque, Maurice Druon affirma, cette même année, que le rapport du Conseil supérieur de la langue française sur les rectifications de l’orthographe avait “été approuvé à l’unanimité par l’Académie“. Néanmoins cette réforme ne présentait aucune valeur contraignante, ce que s’efforça très vite de rappeler la célèbre institution, face aux vives protestations auxquelles elle dut faire face. En 2008, ces modifications orthographiques sont mentionnées pour la première fois dans un bulletin officiel de l’Education nationale, indiquant que “l’orthographe révisée est la référence”. Celui-ci reste cependant dans l’ombre.

Alors pourquoi cette affaire vieille de près de plus de 25 ans ressurgit-elle aujourd’hui ? Pour la simple est bonne raison que les éditeurs ont unanimement décidé de lui accorder plus d’importance à la rentrée prochaine, en l’appliquant dans les nouveaux manuels scolaires. La nouvelle, reprise par les médias, a suscité bon nombre de réactions. Les réseaux sociaux se sont enflammés, et le hashtag “#JeSuisCirconflexe” n’a pas tardé à apparaître, illustrant la réticence des français à abandonner une orthographe péniblement assimilée. Beaucoup ont évoqué le risque d’un nivellement par le bas dans l’éducation française à travers cette réforme simplificatrice.

La polémique, après s’être un peu tassée, a ressurgi lorsque Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle actuelle de l’Académie française, a accordé une interview au Figaro. Elle y faisait état de son mécontentement vis à vis de cette réforme “élaborée il y a un quart de siècle et où l’Académie française n’a eu aucune part, à l’inverse de ce qu’on l’on a voulu faire croire“. Ce à quoi la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, exprimant son étonnement, a décidé de lui répondre via un courrier rendu public le mardi 16 février: “ces rectifications sont intégrées dans la neuvième édition du dictionnaire de l’Académie […], l’Académie, pourtant contactée par le Conseil supérieur des programmes cet été, n’a pas fait de remarque quant à la présence de cette référence”

Une réforme qui a finalement fait couler beaucoup d’encre, et ce autour d’un faux débat: “C’est l’orthographe officielle de la République depuis plus de vingt-cinq ans – s’étonnait Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes (CSP) du ministère de l’éducation nationale-. Ce qui est surprenant c’est que l’on s’en surprenne”.

Alyssa Normant

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