Sergio Coronado “La pollution n’a pas de frontières”

Sergio Coronado, élu député pour la circonscription Amérique latine et Caraïbes en 2012, a lancé sa campagne pour les législatives de juin 2017 à l’Alliance Française, mercredi 3 mai dernier. Il a raconté à Trait-d’Union son expérience dans la région et ses travaux à l’Assemblée.

sergiocoronado2Né à Osorio, la région des grands lacs du sud du Chili, sa famille avait émigré à Bariloche puis a rejoint la France comme réfugiée politique. Les Coronado ne sont plus repartis. Sergio avait 12 ans. Posé et sûr de lui,  les idées claires, le député Sergio Coronado est bien connu dans la région grâce à ses nombreux déplacements. En 2009 il a parachevé ses études de Sciences politiques en Colombie ce qui lui a donné une large connaissance de l’Amérique andine, amazonique et des Caraïbes…”Mais l’Argentine est pour moi spéciale, c’est mon enfance”.

TdU- Quelle étiquette/Parti ?

S.C. Mon mandat ? Je suis écologiste (EELV) et je me présente maintenant avec le soutien du parti “France Insoumise”…  Et c’est une belle histoire. Cela me plaît. J’ai l’avantage d’être jeune et donc de tenir le coup. Moi je suis d’ici et de là-bas….Aujourd’hui, je me définirais comme un député au service des communautés françaises.

TdU – Pourquoi “les verts” se situent-ils normalement à gauche sur l’échiquier politique ?

S.C. – Ça n’a pas toujours été ainsi. Il y a 30 ans, nous étions à droite.  Le scrutin en France n’est pas à la proportionnelle, il est majoritaire donc on doit faire des alliances pour pouvoir passer au second tour. Aujourd’hui le sentiment est que l’écologie est au-delà des clivages. C’est d’abord une urgence, une prise de conscience très importante ! Même si les pays qui ont signé l’accord de Paris respectaient tous les engagements pris, cela ne suffirait pas à respecter la ligne de + 2,2º de réchauffement. Cela implique que d’ici 60 ans, il y a de fortes chances pour que l’Amazonie disparaisse. Il y aura des changements dans l’agriculture dans des régions qui vont se réchauffer, des îles qui deviendront des îlots du fait de la montée du niveau des mers. Nous assistons depuis dix ans à la 6ème extinction d’espèces

Et c’est nous les responsables. Il y a beaucoup de choses que l’on peut faire. Privilégier les énergies propres, privilégier les économies d’énergie, choisir les circuits courts, Je m’insurge contre le fait de mettre dans mon assiette un produit qui a fait le tour du monde. Il faut apprendre à manger ce qui est proche pour éviter le plus possible les émissions de gaz carbone produits par les transports. C’est un modèle économique qui n’est plus viable.

Il y a aussi des lobbys très puissantes dans, l’industrie chimique, pétrolière… Tous savent les dégâts causés par l’exploitation du gaz de schiste. Les produits alimentaires, lorsqu’ils sont examinés, ont une quantité de pesticides que l’on ingurgite. La pollution de l’air dans les villes produit des maladies respiratoires. L’écologie est nécessaire pour réduire toutes ces maladies…qui à la longue sont prises en charge par la société.  La pollution n’a pas de frontières.

TdU – Bilan de votre action comme député ?

Lorsque j’ai été élu j’ai compris que les gens quand ils votent pour quelqu’un, ils n’adhèrent pas à tout ce qu’il dit, mais c’est une affaire de confiance et on doit y répondre, au delà des clivages politiques.

Au début je ne me sentais pas capable de sillonner toute cette immense circonscription de 33 pays. Cela me semblait fou. Et en fait j’ai été partout, à La Pampa, à Jalapa, à San Rafael au Mexique. J’ai pris des bus, des ferries, des trains, des bus de nuit, des voitures….
Les différences entre les divers pays sont importantes, l´Argentine est le plus européen. Beaucoup de binationaux, restent très Français. Ils viennent me voir car ils savent qu’ils peuvent s’exprimer avec moi en espagnol souvent après une expérience délicate au Consulat. Dans la communauté française de Pigüé, il y en a peu qui sont restés Français aujourd’hui mais ils continuent à entretenir les traditions, la culture, la langue. On sert de l’aligot dans les restaurants. La fête de l’omelette géante en décembre…

La richesse de l’histoire des communautés m’a frappé. J’ai été au devant d’elles pour les connaître comme ceux venus de Champlitte (Haute-Saône) ou de Barcelonnette au XIXe siècle pour s’installer au Mexique. Les Basques ou les Corses sont eux un peu partout… …

Les amitiés les plus fortes que j’ai tissées c’est avec des gens qui ne sont pas spécialement de mon bord politique. En fait j’avais été élu dans une majorité à laquelle je me suis par la suite confronté à cause de la situation qui était faite aux Français d’Amérique latine, les fermetures consulaires, les budgets des bourses, l’aide sociale. Je ne pouvais laisser passer et j’ai beaucoup bataillé. Ce n’est pas pareil dans toutes les circonscriptions puisque les populations n’ont pas les mêmes caractéristiques. En Asie ou en Chine par exemple en passe de devenir le principal poste diplomatique de la France, il y a beaucoup d’expatriés qui viennent s’installer. A l’inverse de l’Amérique latine où il n’y en a pas beaucoup. En arrivant  de façon indépendante, on vit dans les conditions des pays d’accueil. Il faut faire ses papiers, renouveler la résidence, prendre une assurance, le tout avec des salaires locaux. La majorité des Français ce sont des binationaux qui en fait sont des nationaux dans le quotidien…

TdU – Qu’en est-il de la discrimination des genres ?

S.C. – La situation de la femme dans les pays d’Amérique latine est très difficile ! J’ai beaucoup fait pour la femme. Les questions de salaires, de violences, de harcèlements. L’Assemblée ne donne pas un bon exemple puisqu’il y a très peu de femmes élues. Un des derniers pays d’Europe à être aussi  machiste. A l’Assemblée, très peu de femmes, et aussi très peu de jeunes. Car la politique :  c’est chronophage. Aujourd’hui encore dans les couples, mêmes jeunes, la femme assure le 80% des tâches domestiques, il lui reste peu de temps pour s’adonner à autre chose.

TdU – Quelles sont les problématiques auxquelles vous accorderiez une priorité lors d’un second mandat ?

S.C. – Les priorités sont données par les Français eux-mêmes. La question de l’éducation reste extrêmement importante. Et je me réfère au budget de l’AFE pour les lycées qui a baissé alors que la demande augmente ; les bourses. Les prises en charge ont baissé et les parents affrontant l’impossibilité de payer les écolages augmentent. Après la dernière mission en Amérique latine, il a été décidé qu’il y aurait avant la fin de la mandature une réévaluation du barème. Ils se sont rendus compte que les prises en charge avaient baissé, car le pouvoir d’achat des Français avait baissé, résultat des conjonctures économiques locales, aussi bien au Mexique qu’au Brésil et aussi en Argentine. Il est très difficile au début d’un mandat ou pour un diplomate français tout juste arrivé d’appréhender la situation réelle des Français résidents.

Il y a aussi la situation des professeurs. En France il y a un plafonnement d’emploi public. On a besoin de plus d’enseignants et ces derniers ont chaque fois plus de difficultés à obtenir leur détachement alors qu’il faut, selon les conventions, un certain nombre de titulaires venant de France dans des établissements de culture française.

Une autre priorité se réfère à la fermeture des Consulats. On ne se rend pas compte de ce que cela signifie pour des familles entières dont les enfants veulent poursuivre leurs études supérieures en France ou les retraités qui doivent actualiser leur certificat de vie. Il faut dématérialiser et surtout simplifier les démarches, stopper la fermeture des Consulats.

Une autre priorité est l’enseignement de la langue française. J’ai toujours été très proche des Alliances Françaises, j’ai essayé de pallier au manque de financement, par exemple lors de l’inondation à La Plata, l’Alliance locale avait perdu tous les ordinateurs.

Il faut aussi appuyer les Chambres de commerce. Au travers de ma réserve parlementaire j’ai aidé à la conformation de la Chambre de commerce franco panaméenne. L’importance de ces Chambres est qu’elles sont conformées par de jeunes entrepreneurs implantés dans le pays, qui connaissent à fond les divers aléas locaux. J’ai aussi aidé les petites entreprises. Je me suis appliqué à ce que des PME accompagnent les voyages présidentiels et ministériels, et non pas seulement les entreprises qui conforment le CAC 40

TdU – Vote électronique ? 

S.C. –  Je suis très en colère contre le gouvernement…qu’il ait autant négligé cette question. Il a eu cinq ans pour construire et financer une procédure simple et sécurisée qui permette aux Français de l’étranger d’exercer leur  droit de citoyen ; il ne s’en est jamais donné les moyens.

On est parfois la dernière roue du carrosse. Ils sont loin ces Français de l’étranger : ils ne peuvent faire grève, bloquer les autoroutes… La conséquence, une faible proportion aux suffrages.

Propos recueillis par Suzanne Thiais et Marie-Françoise Mounier-Arana

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