Coupe du monde féminine de football : des femmes en quête de reconnaissance

Le 18 juin dernier, à l’occasion de la coupe du monde de football féminin qui se déroule actuellement en France, l’Alliance française de Buenos Aires a organisé une table ronde autour du thème La igualdad en el futbol femenino, l’égalité dans le football féminin.

Cet événement sportif est en effet propice pour évoquer la condition féminine dans un contexte plus général. Grâce à une couverture médiatique qui n’a jamais été aussi massive, cette épreuve permet de mettre en relief les progrès réalisés pour les femmes dans le sport en particulier et dans nos sociétés occidentales en général. Et d’ailleurs, le succès est au rendez-vous puisque les spectateurs dans les stades et les téléspectateurs devant leur petit écran n’ont jamais été aussi nombreux à assister aux exploits des joueuses de leur équipe favorite.

Ce joli succès montre bien que le sexe, qu’on n’osera plus maintenant appeler « faible », est bien entré de plain-pied dans un pré, (pardon : terrain) carré, (pardon : rectangulaire) lequel jusque-là semblait réservé à la gente masculine. C’est aussi la preuve que la place de la femme dans nos sociétés évolue dans le sens où, chaque fois plus, elle se retrouve reconnue en tant que telle, c’est-à-dire en tant que femme. C’est vrai dans le sport, mais cela l’est tout autant dans le monde de la politique, du travail ainsi que dans les tâches du quotidien où l’homme, chaque fois plus, s’adonne à des travaux autrefois totalement réservés aux femmes. Pourtant, cette vague de fond vient de très très loin tant les résistances masculines sont fortes. Pourrait-on citer quelques noms parmi tant d’autres ? Olympe de Gouges, les suffragettes ou encore Simone de Beauvoir… Et, on ose l’espérer, ces avancées sont inéluctables.

Pouvons-nous néanmoins affirmer l’existence d’une égalité parfaite ? Il suffit de regarder autour de soi pour constater que nous ne sommes encore qu’au milieu du gué. C’est, dans ce débat, ce qu’a essayé de nous expliquer le parterre de nombreuses spécialistes de la condition féminines composé de juristes, journalistes, sociologues et sportives. Pour le montrer, voici quelques exemples tout simples : sait-on où et quand a eu lieu la première coupe du monde féminine et qui a gagné lors de l’édition précédente[1]? En Argentine, la couverture médiatique de la Coupe d’Amérique du Sud de football masculin qui se déroule actuellement au Brésil est bien supérieure à la compétition féminine alors que l’événement, sportivement parlant, est de moindre importance[2]. Autre exemple, avec l’écart abyssal de traitements et de salaires entre joueurs et joueuses. Et puis, certains stéréotypes ont encore la vie dure : une fille qui joue au foot, c’est au mieux un garçon manqué laquelle, de toute façon, ne sera jamais au niveau des garçons et pour cause : le foot, c’est une affaire d’hommes.

Il faut donc casser les stéréotypes : il n’y a pas de sport réservé aux hommes tout comme il n’y en a pas non plus pour les femmes. En Argentine, l’habitude « sociale » est (était ?) de considérer le hockey sur gazon comme un sport plutôt féminin. Il est vrai que l’on voit mal des gymnastes masculins s’attaquer à la discipline de la poutre ou aux barres asymétriques. Mais ce sont des cas isolés. Rappelons par ailleurs que le curling propose déjà des tournois majeurs avec des équipes mixtes.

Alors, devant ces attitudes sexistes auxquelles font face quelques filles courageuses, c’est aussi à la société civile de porter un regard nouveau et pas seulement dans le domaine du sport. Or, ces dernières années, beaucoup de choses ont changé. La dénonciation récente des violences faites aux femmes dans la société a connu un tournant déterminant. On pourra citer l’affaire Weinstein et #meetoo, où le monde découvrait qu’un « droit de cuissage » moderne était encore de mise dans le monde du spectacle. De même, l’omerta sur les violences domestiques subies par les femmes commence à se briser. Rappelons qu’en Argentine une femme meurt sous les coups de son mari chaque jour et une tous les trois jours en France ; violences dénoncées par des associations comme le mouvement Ni una menos empêchant de passer ces actes sous silence.

La coupe du monde de football, compétition maximale du sport le plus populaire au monde, arrive donc à point nommé pour surfer sur ces vents porteurs. D’une certaine façon, au-delà du résultat final de la compétition, le mondial féminin aura eu un impact sociologique déterminant pour le sport féminin en particulier et l’émancipation de la femme dans la société occidentale en général.

Dans le domaine strictement footballistique, les participantes au débat reconnaissaient que des progrès étaient déjà réels en Argentine mais encore insuffisants pour considérer footballeurs et footballeuses sur un pied d’égalité.

Peut-être cet étiage sera-t-il atteint lorsque l’on aura besoin de dire « masculine » pour parler de la coupe du monde des garçons ?

Jérôme Guillot

[1] Réponse à la question1 : 1991 en Chine ; question 2 : les Etats-Unis. Il s’agit donc cette année du huitième mondial.

[2] Notons toutefois que ce n’est pas le cas au Brésil. Bien qu’il soit organisateur de la compétition masculine, les footballeuses ont un audimat supérieur.

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