Série « Toque m’en 5 », Dans les cuisines de Jérôme Mathe

Pour cette première édition de notre série « Toque m’en 5 », dédiée à la découverte des chefs français de Buenos Aires, Jérôme Mathe a accepté de se prêter à notre jeu de questions-réponses.

Ce professionnel de 46 ans natif du Sud-Ouest de la France, allie enthousiasme à l’argentine et convivialité toulousaine. Un savant équilibre qui l’a inscrit comme un incontournable du paysage gastronomique de Buenos Aires. Chef à la fibre entrepreneuriale affirmée, Jérome Mathe a bien des projets dans sa poche. Des cuisines de la Villa Ocampo à ses activités de consulting, il multiplie les projets entre la France et l’Argentine et est entré au comité directeur de la chambre de commerce française. On l’a retrouvé autour d’un café dans le “Gourmand Food Hall” du Patio Bullrich, à la sortie de son service de catering (traiteur) pour lui poser quelques questions.

TDU : Bonjour Jérôme Mathe, en quelques mots : qui êtes-vous ?

JM : Je suis Jérôme Mathe. Après des études en hôtellerie à Mazamet et à Toulouse, j’ai travaillé dans plusieurs restaurants étoilés, comme Le Concorde La Fayette à Paris. J’ai aussi travaillé pour l’état major de l’armée de l’air. En 1996 j’ai été contacté par le chef Jean-Paul Bondoux* qui m’a proposé de l’accompagner pour une saison à son restaurant La Bourgogne, membre du réseau Relais et Châteaux et de Relais Gourmand, à Punta del Este, en Uruguay. Puis je suis revenu en France où j’ai travaillé deux ans dans un restaurant gastronomique de ma région en tant que chef. Mais j’avais envie de revenir en Amérique du Sud alors en 1999, quand je termine la saison estivale au restaurant La Bourgogne de Punta del Este, je me rends à La Bourgogne de Buenos Aires pour travailler comme chef aux côtés de Jean-Paul Boudoux. Par la suite j’ai décidé en 2005 d’ouvrir mon propre service de traiteur « Jérôme Catering » et j’ai donné des cours de cuisine. En 2008 j’ai ouvert en association avec Jean-Paul Boudoux Le Café des Arts au MALBA qui a eu un bon succès. Puis en 2009, nous inaugurons le restaurant Étoile du Sud à El Setai, en Uruguay. Avec Jean-Paul, on a travaillé au total 15 ans ensemble ! Enfin en 2015, j’ai ouvert mon restaurant Le Frenchie sur un nouveau concept plus tourné vers le bistro. On en avait même ouvert un second près de l’ambassade. La crise économique a un peu bousculé le projet mais on y réalise toujours des évènements. Et puis en 2017 dans le cadre de mes activités de consultant gastronomique j’ai été chargé de penser et aménager le Gourmand Food Hall du Patio Bullrich (galerie commerciale de luxe dans Recoleta) où on est actuellement. La même année j’ai obtenu la concession à la Villa Ocampo (inscrit à l’Unesco) pour réaliser des évènement gastronomiques, pour des particuliers, des entreprises, des mariages, etc.

* Jean Paul Bondoux est un chef français très reconnu qui a créé le restaurant La Bourgogne à Punta del Este et, plus tard, à l’Alvear Palace Hotel de Buenos Aires jusqu’en mai 2018. Il est membre de l’Académie de Cuisine Française et juré argentin pour l’élection du Bocuse d’Or.

TDU : Votre cuisine est française ou argentine ?

JM : Française ! J’y tiens. Une cuisine française avec un accent argentin, mais l’essence reste vraiment « frenchie ». Peut-être même une cuisine du Sud-Ouest ! J’importe notamment du foie gras, du canard, des fromages de France.

TDU : Pour qui cuisinez-vous ?

JM : Un peu tout le monde, on avait essayé de rendre la cuisine abordable avec le concept du Frenchie. Ce bistro proposait de la cuisine rapide, des pâtisseries françaises, à un prix compétitif mais toujours avec des produits de qualité, à destination du public qui travaillait dans le micro-centre et avait besoin de manger rapidement le midi. 

Avec la villa Ocampo on est plus dans du haut de gamme gastronomique. Je cuisine également pour des réceptions à l’ambassade, pour des particuliers et des entreprises avec mon service de “catering”. J’ai aussi cuisiné pour François Hollande et la délégation française lors de leur visite à Buenos Aires. De manière générale plutôt pour une clientèle de prestige.

TDU : On fait à manger quoi à un président de la république ?

JM : (rires) Eh bien des produits français principalement, à sa demande, de très bonne qualité en y ajoutant une pointe d’originalité avec des produits argentins. On avait fait de la volaille de Brest, du crabe d’Ushuaïa, un dessert au chocolat. J’avais travaillé sur cela avec le chef de l’Élysée.

TDU : Pourquoi avoir choisi de faire un service de traiteur avec Jérôme Catering ? 

JM : Le traiteur c’est plus manœuvrable qu’un restaurant. On peut adapter le nombre de couverts, le nombre de personnel, les prestations, ne pas avoir de pertes en produits. Et puis évoluer en fonction des demandes. C’est de l’élasticité. 

TDU : Et Le Frenchie ?

JM : Le Frenchie est un concept de restaurant bistro. Il est un peu en « stand-by » depuis un an, face à l’inflation. A un moment on mettait tout notre argent dans les frais de personnel, la location, les taxes et au bout de la chaîne il y avait le produit. Ce n’était pas possible donc on s’est adapté. La crise c’est en gros frein, l’économie est comme endormie. Les particuliers vont moins au restaurant, sont moins enclins à se faire plaisir. Aujourd’hui au Frenchie on y fait des événements, des dîners spéciaux, des réunions, des dégustations et des cocktails. Mais le bistro n’est plus ouvert tous les midi. On fait aussi de temps à autre des cours de cuisine, des déjeuners ou des dîners. 

TDU : Comment qualifieriez-vous votre cuisine ?

JM : Délicate et généreuse !

TDU : Quelles sont vos inspirations ?

JM : J’aime beaucoup la cuisine d’Alain Ducasse mais aussi son côté entrepreneur. Michel Guérard m’inspire également. J’aime leur authenticité, la délicatesse de leurs plats.

TDU : Y a t-il un produit que vous aimez particulièrement cuisiner ?

JM : Il y en a beaucoup ! J’aime cuisiner le poisson, le gibier, … Tout m’intéresse je ne me fixe pas de limites. Allez, pour mes origines je vais dire le canard et le foie gras.

TDU : Et à part en cuisine on vous retrouve où ?

JM : Dans plein d’endroits, j’aime bien bouger. J’ai une émission de radio, « Toque francés » sur uptown radio les vendredis à 18h, où j’invite des chefs, des producteurs, et où on met en avant des produits. Mais on me retrouve également comme consultant. Et puis je suis membre de l’Académie Culinaire de France, qui rassemble des cuisiniers français de part le monde. J’aime avoir des projets variés.

TDU : En quoi consistent vos activités de consulting ?

JM : Le “consulting” gastronomique consiste à aider les nouveaux restaurateurs à établir leur carte, leur personnel, l’aménagement du restaurant. C’est ce que j’ai fait ici dans le Patio Bullrich, sur un modèle où l’on peut acheter, consommer ou emporter des produits de qualité. C’est une combinaison de gastronomie gourmet et de marché dans une ambiance chaleureuse. On y retrouve des produits artisanaux, sélectionnés avec attention pour leur qualité et pour le savoir-faire de ceux qui les élaborent. Une partie de mon activité est aujourd’hui tournée vers le consulting.

TDU : Et quel est votre rôle dans la Chambre de Commerce Française en Argentine ? 

JM : J’ai là aussi un rôle de consultant et suis membre du comité directeur. Je suis l’une des rares PME et le seul restaurateur. La CCIFA c’est à la fois un appui et une source pour se connecter avec les clients et recevoir des conseils. 

TDU : Un engagement dans les milieux francophones qui fait écho à votre investissement dans l’association Lucullus ?

JM : Je suis effectivement vice-président de Lucullus, l’association gastronomique française de Buenos Aires ! C’est d’abord une bande de copains, qui regroupe des restaurateurs francophones, de la crêperie au restaurant super gastronomique. On échange, on se fait des repas, des évènements ouverts au public autour de la gastronomie. Ça fait 8 ans que ça existe et c’est même reconnu par le gouvernement. On fait aussi un dîner de gala, des cours de cuisine. Et puis bientôt on va faire un livre tour de France de la gastronomie française avec la mise en valeur de produits locaux.

TDU : Quel est votre prochain défi ?

JM : Trouver des recettes pour des plats préparés de la grande distribution. Un sacré défi pour proposer des plats de qualité. J’y ai un rôle de consultant.

 

Les bonnes adresses de Jérôme Mathe

Un endroit où déjeuner ?

Au Food Hall Gourmand du Patio Bullrich

Un endroit pour trouver du bon vin ?

“Vinoteca” Terroir

Un endroit pour grignoter et prendre un verre ?

La Florería Atlántico

Un endroit pour se poser en terrasse ?

La terrasse du Palacio Duhau

Un “truc” argentin que vous appréciez ?

L’asado. La viande ici c’est quelque chose, et puis ces grandes pièces partagées c’est incroyable, ce moment de partage avec la famille, les amis, les voisins. C’est convivial, j’aime beaucoup

Un quartier préféré ?

Je dirais Recoleta, le petit Paris. Le quartier des ambassades. En fait, ça dépend de mon humeur, il y a plein d’endroits sympas à Buenos Aires. Mais j’aime bien ce quartier, c’est très dynamique, il y a beaucoup de petits bars, de restaurants. Mais j’aime aussi San Telmo et les “bosques” de Palermo.

Pour retrouver Jérôme Mathe 

A la villa Ocampo

Les vendredis, samedis, dimanches et jours fériés de 12h30 à 19h. Et la deuxième semaine de chaque mois, ouvert pour le dîner avec un menu spécial sur réservation. villaocampobistro@gmail.com

– Le Frenchie

Toute l’actualité du Frenchie sur Facebook : https://www.facebook.com/FrenchieBuenosAires/ 

– Pour suivre l’actualité du chef :

https://www.instagram.com/jerome_mathe/ 

Interview réalisée par Louise LE BORGNE

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