#Je reste à la maison

JOUR 47. S’il y a une chose absolument certaine quand tout cela sera terminé avec cette pandémie, c’est que nous aurons fait énormément de progrès du côté de notre bagage lexical.

Que de mots (et de maux) nouveaux ! Rien que pour vous mettre sur la piste, je les ai mis en italique[1]. Suivez le guide.

On commence par le coronavirus, mais là, déjà, tout le monde connaît ou Covid-19 provenant lui-même du SARS-CoV-2 (On se croirait devant les noms de nouvelles fusées prêtes à décoller vers l’espace, sauf que ces fusées-là, c’est le nôtre, d’espace, qu’elles explorent.).

C’est fête pour cette petite bête qui tient la vedette.

L’opération, pour savoir avec certitude si vous portez ou non le virus, est très simple. Elle consiste en un prélèvement nasopharyngé par écouvillonnage : on va jusqu’aux parois du nasopharynx et on gratte l’épithélium des fosses nasales. Plus prosaïquement, on enfonce dans le nez un très grand coton-tige (peu importe la narine) duquel on ressort un peu de mucus qui lui-même passera par diverses étapes et machines. Il paraît que c’est assez douloureux. Mais, après cela, vous saurez avec certitude si vous êtes covid+, —ou encore, positif, ou encore : enfer et damnation, vous êtes fait, vous l’avez chopé— soit covid- (ou encore négatif, ou encore : ce ne sera pas pour ce coup-là mon gars !). Mais attention, rien n’est jamais acquis car vous pouvez être un porteur positif asymptomatique, (positif mais pas malade) voire, présymptomatique (positif pas malade mais ça ne va peut-être pas tarder). Vous pouvez même être un « covid- futur covid+ », donc futur malade (ou pas), si on vous refait le test plus tard. Si c’est le cas, mais je ne sais plus trop lequel, reportez-vous au début de la phrase.

Bien. Imaginons maintenant que vous êtes Covid+ symptomatique. Quelques symptômes avant-coureurs risquent de ne pas vous échapper car vous les connaissez bien pour les avoir expérimentés assez régulièrement dans votre vie : fièvre, toux sèche, état grippal… rien que du banal. Si on parle de pseudo-engelure à l’extrémité des doigts ou des orteils, là, déjà, même si on reste encore dans le compréhensible, vous pouvez quand même vous enorgueillir : vous voilà avec de beaux petits maux originaux.

En fait, on pensait au début que le Coronavi attaquait les poumons et seulement les poumons. Bon. Ce n’est pas une nouvelle réjouissante, mais enfin, ce ne sont que les poumons. Toutefois, si vous êtes victime de dypsnée, puis que cela s’aggrave par un syndrome de détresse respiratoire aigüe avec atteinte des muscles respiratoires, en gros, que vous avez vraiment du mal à respirer, alors il est temps d’appeler votre médecin si vous ne l’avez déjà fait. Rien d’autre ? Non, rien d’autre. Ouf ! On respire !

Que nenni ! Les choses sont bien plus complexes que cela !

Cela commence par se corser un peu si vous vous apercevez que vous êtes frappé d’anosmie ou d’agueusie. Là, déjà, on commence à consulter son dictionnaire. Et, si les choses s’empirent, vous risquez d’être victime d’un choc (on dit aussi attaque ou tempête ou orage) cytokinique en règle. (Ce mot n’est même plus dans mon dictionnaire !). Mais cela ne s’arrête pas là : les cellules endothéliales, qui portent le récepteur ACE2 (celui-là, on va le revoir plus bas) sont celles qui permettent au virus d’entrer dans votre corps. Les traîtresses !

Des microthrombi avec une ascension de leurs D-dimères, sont susceptibles de se répandre dans une telle multitude de vos organes qu’on n’a pas idée. Le grand coupable, en fait, c’est le réseau sanguin : c’est à travers lui, un vrai réseau routier interne, que se propage le corona. Tout d’abord, ce sont dans vos veines (sorte de routes nationales) que des occlusions sont susceptibles de se former. Bouchons dignes d’un gros retour de fin de week-end. Bison futé n’a même pas la possibilité de vous proposer une voie de délestage car le virus peut aussi aller droit au cœur en empruntant les autoroutes (pardon les artères), dans lesquelles peuvent aussi se former des bouchons, (on préférera alors les trois voies, si possible, afin de les éviter), avec risques de myocardite, arythmie et d’infarctus. Si les départementales (les artérioles) ou les vécinales (les capillaires) sont attaquées, cela peut provoquer une attaque rénale d’autant que l’ACE2 (Celui-là, on l’a vu plus haut) est présent aussi dans les tubules proximaux et tout le monde sait que ces tubules sont les collecteurs de l’urine formée, d’où relation directe, par voie express, avec les reins.

Vous me direz, c’est bon. Ça suffit.

Pas du tout ! Le coro, qui s’apparente, en fait tout simplement à une microvasculopathie peut s’en prendre aussi à notre système digestif. Voire même provoquer des lésions cérébrales : apathie, perte voire trouble de conscience, coma… Le cerveau lent, quoi.

Les nerfs non plus ne sont pas de la fête. On peut voir apparaître certains syndromes tel que celui de Guillain-Barré (le gars qui l’a probablement découvert, à moins qu’ils fussent deux) voire même une polyradiculonévrite aigüe. Ce sont les nerfs périphériques (on reste décidément dans le réseau routier) qui sont atteints, provoquant une tétraplégie. Pour en revenir au visage, les nerfs crâniens peuvent aussi être touchés. Ce qui peut entraîner une oculomotricité, des douleurs faciales et l’impossibilité de mouvoir la langue.

Enfin, last but not least, le bulbe rachidien (ou myélencéphale) peut aussi être victime d’un syndrome tétrapyramidal. Un rapport avec les Pharaons peut-être ?

La cata quoi le co.

Moralité, restez chez vous bien au chaud et attendez que ça se calme[2].

(A suivre)

Pierre Leheup

Photo : Susana Bravo

[1] Si vous trouvez : un point par bonne réponse !

[2] Sans quelques articles lus dans le journal Le Monde, et d’autres recherches avisées, ce texte n’aurait pas pu exister.

 

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