Et pendant ce temps, le confinement…

Nous avons posé trois questions à des membres de notre communauté qui vivent le confinement en Argentine.

Fabien Palem (Buenos Aires)

De retour à Buenos Aires depuis le mois de mars, Fabien Palem aura fêté ses 30 ans en plein confinement. Ce séjour n’est pas le premier en terre argentine puisqu’il a déjà effectué plusieurs séjours à Buenos Aires depuis son stage au Trait d’Union en 2011/2012. Fabien travaille actuellement comme journaliste indépendant pour le magazine Slate, la revue Politis, la revue électronique Le Média et le journal régional l’Indépendant qui fait partie du groupe Midi Libre.

Peux-tu nous dire comment tu vis le confinement ?

Comme tout le monde, je vis le confinement avec un peu de difficulté pour tenir la longueur. Au début, j’ai pris cela avec engouement. J’ai essayé de m’adapter sur les loisirs, la lecture. J’en ai profité pour regarder beaucoup de films. En tout et pour tout, j’ai dû regarder une centaine de longs métrages dont la plupart sont des films d’horreur ou de science-fiction états-uniens des années 78-85, pour être précis. C’était très sympa.

Je viens de commencer à perfectionner mon italien que je parle déjà un petit peu pour avoir voyagé en Italie. Cela deviendrait ma quatrième langue latine.

Intellectuellement, je ne vis pas trop mal cette période parce qu’on arrive toujours à trouver des éléments pour compenser. Malgré cela, je pensais que j’allais pouvoir lire beaucoup mais en réalité, c’est très difficile. J’ai vu sur les réseaux que j’étais loin d’être le seul. Il doit y avoir quelque chose psychologiquement qui ne s’active pas lorsqu’on est perpétuellement dans le même espace. Je m’étais acheté les mémoires de Lawrence d’Arabie, Les sept piliers de la sagesse, qui font mille pages et j’en suis resté à cent…  (rires). Du coup, j’ai baissé mes exigences en termes de lecture et je suis passé à des romans plus courts (cent, deux cent cinquante pages) parce que sinon, je n’arrivais pas à avancer. Pour les articles, j’avoue que c’est un peu la même chose : j’ai du mal à me concentrer sur le temps long donc je fais des sessions courtes : deux, trois heures et voilà. Je m’adapte comme cela.

Physiquement, c’est un peu long. Je m’étais mis un petit rythme de footing, ce qui n’est pas trop mon truc à la base non plus mais cela compense le fait que je ne peux pas aller jouer au foot avec mes amis ce que je fais normalement une à deux fois par semaine. Et puis, plus de sorties « bar », plus de réunions entre amis. Je me suis dit que j’allais mettre toute cette énergie sur le footing ce qui me permettra de sortir avec une forme d’athlète avec ce confinement sans fin. D’ailleurs, je vais écrire un article pour Slate parce que je trouve qu’il y a une politisation exagérée de certains éléments du quotidien des Argentins en quarantaine ; typique de ce pays d’ailleurs.

Quels sont tes projets une fois la crise passée ?

J’aimerais retrouver tous les gens que j’ai pu connaître lors de mes précédents séjours en Argentine et qu’actuellement je ne peux plus voir, faire des repas avec eux. Ce qui me manque le plus c’est de recevoir à la maison, que les gens se rencontrent. J’ai une grande envie de sociabilité.

A n’en pas douter, cette période que nous vivons est hors du commun.  Beaucoup considèrent que le monde d’ « avant » ne pourra plus être le même lorsque cette crise sera passée. Qu’espères-tu de ce monde de l’ « après » ?

Du monde d’après, j’ai beaucoup d’incertitudes et quelques craintes en termes de voyages et de contraintes sur nos libertés auxquelles on s’était si bien habitué ces dernières années. J’espère qu’on arrivera à trouver un juste milieu. Si on doit mettre en place de nouvelles règles pour bouger d’un endroit à l’autre, que ce ne soit pas si contraignant que cela. Que l’on réduise un peu nos voyages mais que cela ne passe pas à zéro. On a actuellement un sentiment de blocage. Pas seulement parce qu’on est à l’autre bout du monde mais parce que vraiment, la principale contrainte qui nous a été imposée à l’échelle mondiale, c’est l’absence de liberté de mouvement et c’est un peu angoissant pour nous qui étions habitués à bouger en toute liberté.

Ce que j’attends aussi, c’est qu’on puisse se retrouver dans des sociétés où les gens auront eu le temps de penser à ce qu’ils veulent faire, qu’on aura un petit peu réordonné le sens de nos priorités et que chacun pourra suivre ses envies tout en s’éparpillant un peu moins dans les superficialités du quotidien. C’est peut-être la seule opportunité que tout ce temps nous donne. Par exemple, ici en Argentine, nous sommes sur un temps d’enfermement hyper long ce qui nous permet de passer du temps à réfléchir sur ce que chacun veut faire de sa vie. Ici, je m’adresse plutôt à la jeunesse en disant : pour ne pas avoir perdu tout ce temps et ne pas être noyé par toute cette frustration, réfléchissons vraiment à ce qu’on veut faire. Et, quand on aura de nouveau l’opportunité de bouger, d’entreprendre, de se rencontrer, de créer, activons tout cela avec détermination.

Propos recueillis par Jérôme Guillot

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