Immigration française en Argentine

Rosa Maxit était l’une des personnes présentes lors de la sympathique réunion organisée par quelques descendants de savoyards au Musée régional de San José pour accueillir l’équipe de Trait-d’Union, en novembre dernier.

L’entretien avec Rosa, présidente du Centre savoyard de San José, représentante d’une famille qui a marqué de son sceau le développement de la cité, clôt une série de reportages et d’entretiens, lesquels, dans notre quête de témoignages sur les descendants d’immigrants français, nous ont menés à nous intéresser spécialement à cette formidable épopée que fut l’immigration et la fondation de la colonie agricole San José, l’une des premières du pays.

Dans l’histoire des Savoyards qui migrèrent à partir de la seconde moitié du XIXème siècle en Argentine pour créer la colonie de San José dans la province d’Entre Rios, se distinguent un certain nombre de personnes qui, par leur talent, leur particularité, leur motivation et leur labeur incessant, œuvrèrent à la croissance et prospérité de la colonie.

Famille Maxit – Premat

Il y a l’agriculteur François Crépy (1821-1886), qui fut aussi un grand administrateur, Ignace Brelaz, un autre agriculteur, très populaire dans la communauté et très impliqué dans les activités religieuses. Pourtant, et bien que l’objectif principal de la colonie eût pour but le travail de la terre, les colons n’étaient pas uniquement agriculteurs, loin s’en faut. A San José, de nombreux métiers et spécialités étaient représentés. François Cettour était le forgeron de la petite colonie mais ce fut surtout son fils, Paul (1861-1949) reprenant l’office de son père, qui joua un rôle important dans la petite communauté des Savoyards. Albert Decurgez, qui connut une fin tragique à Mendoza, s’investit beaucoup dans l’éducation, François Buffet construisit le premier moulin à vapeur en 1870, ce qui permit, événement majeur à cette époque, de transformer sur place le blé en farine. Maurice Viollaz se distingua par ses importants apports de capitaux pour développer la nouvelle installation. Quelques colons, d’ailleurs, provenaient d’autres régions françaises. Le Béarnais Alexandre Peyret (1826-1902) fut le grand administrateur de la colonie, le basque et arpenteur Charles Sourigues (1805-1870) traça et borna la future ville ; il dessina également les plans de Colón, la cité voisine. Il mourut tragiquement lors d’une bataille à Concepción del Uruguay. L’Alsacien François Martin Reibel, médecin de son état, s’impliqua aussi dans l’essor éducatif et intellectuel des colons. A ce titre, l’une des écoles de Colón porte son nom. Cette liste reste incomplète. Il suffit, en se promenant au hasard de la ville, d’aviser les noms que portent ses rues pour s’apercevoir que bien d’autres auraient mérité d’être cités. Que les Favre, Blanc, Bidal, Coffy et autres Prémat nous pardonnent.

Angelica Premat – Julio Maxit

Les aïeux de Rosa Maxit font partie de ces familles ayant acquis une grande notoriété dans l’histoire de la colonie ; Rosa, qui dirige actuellement le Centre savoyard de la ville, s’est inscrite dans cette lignée.
La famille Maxit était originaire de la Chapelle-D’abondance, un village proche de Thonon-les-Bains, tout près de la frontière suisse. Joseph avait 36 ans lorsque, accompagné de son épouse, Adrienne, de deux ans son aînée et de ses deux enfants Julio et Marie-Henriette, cette dernière de neuf mois à peine, il débarqua en 1857 avec la première arrivée de colons savoyards. Plus tard, les Maxit auront deux autres enfants : Sophie et Louise.

Comme les autres colons, Joseph et Adrienne s’installèrent sur des terres qui appartenaient au général Urquiza. La vente fut officialisée par un contrat écrit en français et en espagnol et dont on peut voir les termes dans des exemplaires conservés au musée de San José. Se consacrant à l’agriculture (blé, lin, maïs, seigle, pommes de terre et aussi culture de la vigne) et à l’élevage de bovins, la ferme des Maxit fut très vite réputée pour l’excellence de ses produits. Chose attestée par les nombreuses distinctions honorifiques obtenues à l’occasion des grandes foires. Les Maxit se distinguèrent aussi dans la production de miel. Urquiza lui-même fournissait les ruches prêtes à la production. A Joseph la tâche de produire le miel. De père en fils, l’entreprise se développa ; la famille cherchant toujours à investir dans de nouveaux registres comme celui de la distillerie.
La maison des Maxit, reconstruite aujourd’hui, identique à la maison originale, représente un symbole de la réussite de cette famille et de la colonisation savoyarde.

Avec le temps, les souvenirs de cette époque se sont étiolés. Pourtant, Rosa nous raconte cette anecdote datant des premières années : « Un jour, Joseph se rendit au palais San José du général Urquiza avec son fils, Julio, mon arrière-grand-père. Soudain, Urquiza avisa Julio qui se trouvait dans son jardin. Il était en train de manger des pêches puis, une fois qu’il avait fini, il mettait les noyaux dans sa poche. Le général l’appela lui demandant pourquoi il prenait ces noyaux sachant que ceux-ci, en réalité, lui appartenaient. Julio lui répondit que c’était pour les planter chez lui. » On imagine le sourire d’Urquiza en réaction à cette réponse. Une autre anecdote concerne toujours Julio. « Avec d’autres Français, il se réunissait tous les ans le 13 juillet sur la place principale pour manger, boire et attendre minuit pour enfin entonner, fins saouls, la Marseillaise. Je conserve encore les assiettes qu’ils utilisaient pour manger. » Des ustensiles, lesquels, probablement, finiront au musée qui récupère les objets des familles de migrants afin d’en conserver le souvenir. On sait que Hernando Maxit, issu de la troisième génération, fut un des champions du club de tir de San José « el Tiro federal de Villa San José », un club créé le 19 mars 1859 et qui, de nos jours, est considéré comme le plus grand centre de tir sportif de toute l’Amérique du sud.
Ce même Hernando qui fut « président municipal », sans doute l’équivalent de maire, de la colonie à deux occasions en 1928 puis en 1944, dans les deux cas pour une durée de deux ans, fut également beaucoup plus tard en 1957, président du Centenaire de la colonie, une commémoration de la fondation de la ville célébrée en toutes pompes.

Rosa a repris le flambeau de cette célèbre famille en s’investissant dans les activités du centre savoyard de San José créé en 1989 et dont elle est l’actuelle présidente. L’édifice, où le centre s’est installé le 12 novembre 2000, rappelle, par son élégant balcon en bois à la teinte rouge écarlate, ses origines savoyardes.
Le centre continue, par ses nombreuses activités, à entretenir les liens avec la Savoie, en même temps qu’il s’implique dans le développement culturel de la ville.
La pratique et l’enseignement du français sont assurés par les cours qui s’y dispensent et l’école maternelle, “le jardin P’tit poisson” qui fonctionne dans ses murs.

165 ans après son arrivée sur les terres argentines, la famille Maxit continue de tracer son sillon et enrichir l’histoire de San José et de la colonie des Savoyards.

Jérôme Guillot

 

 

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