L’auras-tu, l’auras-tu pas…

Le septième roman* de Monica Sabolo, La vie clandestine, fait partie de plusieurs listes de lauréats à l’un des grands prix littéraires de la rentrée – Goncourt, Renaudot …-

C’est à l’origine un livre sur le groupe terroriste d’extrême gauche “Action Directe” mais en enquêtant l’auteure va prendre conscience que cette vie clandestine, elle l’a vécue, elle l’a subie. Monica Sabolo, née à Milan, a passé son adolescence à Genève et a fait carrière dans la presse féminine (Elle, Grazia) qu’elle a quittée pour se consacrer à la littérature.

Cinq chapitres structurent l’enquête : le crime, la vraie vie, aux marges du monde, face à face et fin de cavale. La clandestinité, elle connaît, en enquêtant sur “Action Directe” la narratrice glisse sur celle, indicible, la sienne, des attouchements pratiqués par son beau-père lorsqu’elle était enfant. La véracité des faits affleure, cette révélation coupe le livre en deux. Donc deux histoires gigognes dans lesquelles le mot clandestinité résonne avec illégalité, solitude, silence et secret.

Le point de départ de l’enquête est l’assassinat de Georges Besse, PDG de la Régie Renault, le 17 novembre 1986, devant son domicile, par deux femmes : Nathalie Mérignon et Joëlle Aubron. 
En l’espace de deux ans, les terroristes d’Action Directe ont pris pour cible, par ordre alphabétique, des hommes qu’ils considéraient comme représentatifs d’une technostructure. La cellule terroriste dans laquelle «le groupe où le collectif prime sur l’individu » est composé outre les deux  jeunes femmes âgées de 27 et 29 ans, de Georges Cipriani, de Jean-Marc Rouillan, de Claude Halphen, et de Regis Schleider. Le groupe va commettre plus de 90 attentats et mitraillages à Paris entre 1979 et 1987, néanmoins les sources sont peu nombreuses.

Au fur et à mesure que l’on tourne les pages, comme l’auteure, elle-même, on bute sur la notion de témoins : peut-on être impartial ? On s’interroge sur la mémoire : peut-on lui faire confiance ? « ce qui n’existe pas insiste, insiste pour exister » ; sur la vérité « qui disparaît avec l’instant », que l’on cherche toute sa vie ; sur la possibilité de pardon « capacité à pardonner à ceux qui ont fait du mal et capacité de ceux qui ont fait le mal à demander pardon ».

En conclusion, une saisissante exploration sur la complexité des êtres et sur la question de la violence dans un roman puissant servi par un style rigoureux. 

Éblouissant !

Elisabeth Devriendt

* Le roman de Lili (2000), Jungle (2005), Tout cela n’a rien à voir avec moi, Prix de Flore (2013), Crans- Montana, Grand Prix de la SGDC (2015), Summer (2017) et Eden (2019) 

 


 

Partager sur