Le 8 mars journée internationale des droits des femmes : Origines fallacieuses d’une date

C’est en 1982, sous l’impulsion d’Yvette Roudy, alors ministre déléguée aux droits des femmes, que la France déclare le 8 mars comme journée internationale des droits des femmes.

L’histoire du choix de cette date semble, au niveau international, controversée, selon les différentes versions qui circulent.

Ce n’est que récemment avec la publication de son texte :  Journée internationale des femmes, à la poursuite d’un mythe” dans la revue “Travail, genre et sociétés” 2000/1 (N° 3)* que Françoise Picq révèle que la date ne coïncide pas avec les faits invoqués dans des lieux déterminés de New York.

Françoise Picq est une militante membre du Mouvement de libération des femmes (MLF), historienne, sociologue et maîtresse de conférences en sciences politiques à l’université Paris-Dauphine. Dans son article, elle remonte le cours de l’histoire pour mettre à jour sources et intérêts politiques à la construction d’une tradition pour étayer la date choisie et refléter ainsi les changements culturels et politiques survenus au cours des années 50’, 60’ et 90’

Ni les origines New-yorkaises, particulièrement les grèves des chemisières américaines de 1857, ou encore l’incendie de l’usine “Triangle Shirtwaist” en 1911, dans lequel 123 ouvrières américaines trouvèrent la mort, ni la fête des mères de Pétrograd avec la prétendue déclaration de l’ONU dans les années 70, ne semblent vraisemblablement être à l’origine du choix de la journée internationale des droits des femmes. L’élection de la date du 8 mars devrait plutôt être due à Clara Zetkin en 1910, lors de la IIè Conférence Internationale des femmes socialistes de Copenhague. Au cours de cette rencontre, Clara Zetkin aurait lancé l’idée de “célébrer une journée de la femme au moment des fêtes annuelles de mai” et “créer partout des groupes de femmes socialistes refusant toute alliance avec les féministes de la bourgeoisie”. La “Journée internationale des femmes” selon cette proposition privilégiait une version féminine de la lutte des classes et prétendait exclure d’autres revendications de lutte exhibées par des femmes de milieux plutôt bourgeois, comme le vote, le divorce, l’émancipation féminine, etc…

Toujours selon l’article de Françoise Picq, à la suite de cette initiative, de nombreuses réunions socialistes furent organisées en Russie tsariste, surtout, la “Journée Internationale des ouvrières” d’abord célébrée le 2 mars 1913, puis le 8 mars 1914. En mars 1917, a lieu une nouvelle journée des ouvrières, lesquelles s’unissent à la révolution prolétarienne, ce même jour se déclenche la révolution russe. La date réelle est le 26 février, mais le 8 mars selon le calendrier grégorien. Depuis, commémoré par le parti communiste international, le 8 mars est aussi le jour où la femme d’URSS commémore son émancipation, une journée des travailleuses, conscientes de leur appartenance de classe.

Dans les années 1950, il fallait effacer tout lien entre la date du 8 mars, son histoire soviétique et ses origines communiste et antiféministe. C’est ainsi qu’en France, Madeleine Colin représentante de la CGT, évoque une origine plus ancienne, moins politisée, directement liée à la lutte des travailleuses, mais américaines cette fois. Ce fut le début de la version des couturières de New York, maintes fois reprise et reproduite par différents groupes féministes d’autres pays, par la presse et généreusement diffusée sur Internet.

En Argentine, la reconnaissance officielle de la Journée du 8 mars a commencé en 1983, avec le retour de la démocratie. Il existe également, en Argentine, dans l’histoire de la lutte pour les droits des femmes, des contradictions pour des raisons d’ordre politique. Ainsi, celles qui avaient lutté pour l’égalité des droits civils des femmes depuis l’Union Argentine des Femmes, fondée en 1936 avec Victoria Ocampo comme Présidente, n’ont par la suite pas soutenu le vote féminin promu par Eva Perón en 1947. L’Union Argentine des Femmes dénonçait une mesure démagogique et craignait qu’au lieu d’affranchir les femmes, on ne tenta se faisant de les manipuler et de les coopter.

Françoise Picq conclut dans son texte : “Du point de vue des femmes, néanmoins il faut reconnaître l’utilité d’une célébration officielle. Occasion obligée pour le gouvernement d’annoncer quelques mesures, occasion pour la presse de donner la parole à des femmes, de faire le point sur la situation des femmes et de mettre au jour des réalités habituellement occultées. Même si cela permet aussi l’indifférence et la bonne conscience de tous les autres jours.”

L’histoire de la lutte des femmes pour la revendication de leurs droits révèle un univers varié jonché de différents points de vue et de nombreuses contradictions que l’on résume en un événement mythique, en une seule journée.

Patricia Pellegrini


D’après ” Journée internationale des femmes : à la poursuite d’un mythe ”  article complet

 


 

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