Cristina Fernández de Kirchner succède à son mari

kirchnercristinaCristina Fernández de Kirchner, candidate du Frente para la Victoria l’a emporté, dès le premier tour, avec 44,9% des voix face à Elisa Carrió, candidate de la Coalición Cívica (22,95%) et à Roberto Lavagna, ancien ministre de l’économie du gouvernement Kirchner et candidat de UNA (Una Nación Avanzada) (16,89%).
Les divisions de l’opposition ont ainsi permis une écrasante victoire de Cristina de Kirchner, même si celle-ci n’a pas obtenu la confiance de la majorité des Argentins. Cela explique l’appel à l’union nationale “sans rancoeurs” de la candidate élue au soir des élections.
Cristina Fernández de Kirchner va donc succéder à son mari, Néstor Kirchner, le 10 décembre prochain. Elle sera la première présidente élue de l’Argentine (*) et héritera d’un pays dans une situation contrastée avec, d’un côté, une croissance économique forte et, de l’autre, des institutions fragilisées et une tendance à la concentration des pouvoirs…

Tous les pouvoirs

La présidente élue prendra ses fonctions dans un contexte atypique depuis le retour de la démocratie en 1983 dans la mesure ou elle disposera du contrôle majoritaire des deux chambres du Congrès : 48 sièges sur 72 au Sénat et 161 sur 256 à la Chambre des députés. Selon les experts en droit constitutionnel, l’ensemble du Congrès se trouve donc désormais sous la dépendance des décisions de la Casa Rosada, ce qui laisse la porte ouverte pour modifier la Constitution.
Les “superpouvoirs” votés durant le mandat de son mari, qui permettent au Chef de cabinet du gouvernement de disposer de fonds additionnels sans contrôles et la réforme du Conseil de la magistrature, organe chargé de la nomination des juges dans lequel le pouvoir exécutif compte une représentation supérieure à un tiers des 13 membres, symbolisent une pratique hégémonique du pouvoir que craint l’opposition.

Dans les provinces aussi

On a également élu, le 28 octobre, les gouverneurs des provinces de Buenos Aires, Formosa, Jujuy, La Pampa, Mendoza, Misiones, Salta et Santa Cruz, ainsi que les maires et conseillers municipaux dans tout le pays.
Sur la nouvelle carte politique du pays, seules quatre provinces échappent à l’influence de la Casa Rosada : Terre de Feu, Neuquén, Santa Fe et San Luis. La ville de Buenos Aires, où le maire précédemment élu du PRO (Propuesta Republicana), le chef d’entreprise Mauricio Macri, est sur le point de prendre ses fonctions, échappera aussi au contrôle direct de l’ exécutif.

Le futur

Les craintes concernant le fonctionnement de la démocratie ne semblent pas avoir inquiété les électeurs. Selon les analystes politiques, les Argentins ont voté avec leur porte-monnaie. Après le cataclysme économique, politique et social de 2002, l’Argentine a opté pour la poursuite de la politique économique du gouvernement actuel qui a permis une forte croissance à près de deux chiffres, facilitée par la forte demande internationale en matières premières. La pauvreté et le chômage ont baissé.
Mais cette politique a des limites que l’on voit poindre à l’horizon. Le contrôle des prix, l’inflation et la dette extérieure du pays n’encouragent pas la venue d’investisseurs et le financement international et constituent le principal défi du futur gouvernement.
Selon les chiffres officiels, l’inflation serait de 9%. Mais pour l’opposition et les analystes privés son niveau réel serait le double. Et le contrôle des prix de certains produits comme les services publics ne sont pas de nature à encourager les investisseurs internationaux.
La dette de l’Argentine auprès du Club de Paris, d’un montant d’environ 6.300 millions de dollars, constitue un frein radical à l’arrivée de nouveaux investissements et à l’obtention de crédits sur les marchés internationaux. Les négotiations visant à solder cette dette sont en cours.

Les relations avec la France

On peut attendre de Cristina Fernández de Kirchner une politique étrangère plus active que celle de son mari. La présidente élue aime voyager et elle n’a pas attendu pour le faire. Cette année elle s’est rendue récemment en France, en Allemagne, en Espagne, au Mexique, aux Etats-Unis et au Brésil.
Si on a pu reprocher à son mari d’isoler l’Argentine du monde, cela risque de rapidement changer avec l’arrivée à la Casa Rosada de Cristina Fernández de Kirchner.
Pour Paris, comme pour les autres capitales, c’est une nouvelle étape des relations bilatérales qui s’ouvre. Le président Nicolas Sarkozy fut l’un des premiers chefs d’Etat à féliciter, le lundi, la nouvelle présidente, alors que Ségolène Royal avait fait le voyage pour fêter, aux côtés des Kirchner, la victoire électorale.
Les relations bilatérales avec la France des dernières années de la Présidence Chirac ont été essentiellement basées sur les différents avec les entreprises privatisées de service public (Aguas Argentinas et Suez, Edenor et EdF) devenus “affaire d’Etat”. Le moment est venu maintenant pour la France de développer une véritable politique de relations avec l’Argentine qui a manqué ces dernières années.

(*) Isabel Martínez de Perón, deuxième femme de Juan Domingo Perón, avait succédé à son mari à la tête de l’exécutif en 1974.

Patricio Arana

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