Crise, croissance, inflation : quel avenir pour l´Argentine ?

Ah l’inflation ! Comment diable s’endébarrasser ? Voilà l’énigme à laquelle est confrontée l’Argentine depuis son redressement économique de 2003 et que le couple présidentiel n’a jamais vraiment su résoudre…

inflationMalgré l’utilisation de nombreux leviers permettant de lutter contre ce fléau économique, les résultats ont toujours été de courte durée. Une aubaine pour cette inflation qui fait encore et toujours la une des grands journaux économiques. Sujet sensible, tabou même puisqu’il est interdit de publier des contreenquêtes locales sur la vérité des prix, l’inflation fait froid dans le dos. Mais quel horrible crime l’Argentine a-t-elle commis pour mériter un tel fléau ? Contrairement aux idées reçues, le vrai fléau de l´inflation ne réside pas dans l’augmentation de l´indice général des prix. En effet, l’augmentation des prix n´est que l’une des manifestations du phénomène inflationniste.

A vrai dire, l’inflation constitue avant tout une dépréciation de la monnaie, autrement dit, une perte de pouvoir d’achat. Si la masse monétaire d’une économie gonfle par suite d’une émission massive de monnaie, il y a pléthore de monnaie en circulation et l’ajustement se fait donc par les prix. Ainsi commence la valse des étiquettes.

L’origine de l’inflation argentine n´est donc pas d’essence économique mais bien politique.

J’étaye mes propos. Endetté et sans ressources, le pouvoir argentin a fait tourner la planche à billets avec l’aval de sa banque centrale sous dépendance. La politique volontariste de croissance a conduit la banque centrale à maintenir, en dépit de l’inflation, des taux d’intérêt faibles, voire négatifs. Ainsi, la faible rémunération de l’épargne et l’inflation incitent à la consommation qui active la croissance. Néanmoins, cette politique néglige l’offre et n’encourage pas l’investissement à long terme. De surcroît, dans un contexte inflationniste, l’activité de crédit aux entreprises est exsangue, ce qui empêche toute modernisation et développement du tissu industriel national. Alors le gouvernement serait-il prêt à sacrifier la croissance de la consommation sur l’autel de l’assainissement économique? En réalité, depuis l’entrée dans ce cycle inflationniste, la politique économique et monétaire semble toujours plus privilégier la guérison que la prévention.
D’un côté le gouvernement achète la paix sociale et maintient les subventions aux produits de base pour contrer les effets de l’inflation et, de l’autre, il veut assurer une stabilité des prix intérieurs par l’instauration de taxes aux frontières, un moyen de se protéger de l’inflation importée. Court-termistes, les politiques de subvention constituent plus que jamais un goulot d´étranglement sans issue pour le pays. La stabilité des prix intérieurs proclamée ? Une vaste illusion si l’on se fie aux taux d’inflation calculés par les cabinets d’expertise privés. Alors que l’INDEC, institut statistique d’Etat, estime l’inflation à 9%, les cabinets privés l’estiment au minimum à 22% rien que sur l’année 2011. Enfin, les taxes à l’importation sont de plus en plus décriées car elles mènent lentement le pays vers une économie de pénurie. Ainsi, le marché manquerait déjà de pièces automobiles, de machines à laver, de réfrigérateurs et tant d’autres produits électroménagers.

Le gouvernement argentin est évidemment coupable de nombreux maux mais force est de constater que les Argentins, marqués par des crises à répétition, ne font que nourrir la spirale inflationniste à laquelle est pendu tout un pays en montrant autant de défiance vis-à-vis de leur monnaie.

L’anticipation déraisonnée du vendeur et la faible élasticité prix de l’acheteur sont devenus les nouveaux poumons de l’inflation. La monnaie s’affaisse alors tout le monde dépense et se complait dans une boulimie consommatrice. A ce jour, on ne peut conjecturer une hyperinflation à court terme. Mais après la crise de 2008 et la somme d´argent injectée par les banques centrales occidentales dans l’économie mondiale, on peut anticiper que les taux d’inflation de certaines économies émergentes, arrimées au dollar, subissent à nouveau des hausses de prix incontrôlables.
L’Argentine fait partie des pays menacés.

Clément Le Coz

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