La Nuit des Idées : Mar del Plata, Jour 3

Jérôme continue de nous tenir en haleine avec ses récits détaillés et vivants de ces intenses journées de réflexion. Après Ostende, conférenciers, public et journalistes se retrouvent à Mar del Plata.

Entre Ostende et Mar del Plata, c’est passer, en quelques heures, d’un monde à un autre. Si ce n’était la mer, tout est différent. Mar del Plata, qui fut construite sur le modèle de Biarritz, dépasse le million d’habitants. C’est une ville, une grande ville balnéaire, très prisée des vacanciers argentins. Alors qu’Ostende ressemble encore à ces petits villages de plage aux rues de sable où les gens déambulent, en famille, tranquillement presque dans une espèce de torpeur. A Mar del Plata « la feliz », rien de tout cela, c’est presque comme si Buenos Aires, surtout en été, s’était déplacée au bord de la mer :  bus, taxis, coups de klaxon, feux rouges, foule, effervescence et mouvement.

Comme l’an dernier, c’est au « Museo del mar » que la « Nuit des idées » accomplit la seconde partie de ses activités. Protégé par un gigantesque loup de mer, cet édifice cubique fait de verre et de béton n’offre pas l’intimité feutrée du Vieil hôtel d’Ostende. Il y a toujours un bruit de fond auquel il faut absolument s’habituer si on veut profiter sans trop d’inconfort aux mini conférences qui s’y donnent.

17h00

Pola Oxoirac est face à nous, l’auteure de Mona (2019) parle vite. Son débit est saccadé. Mais qu’importe ! Elle est venue pour nous parler de femmes : Eva Peron, Victoria Ocampo, Virginia Wolf, Lady Cavendish. Toutes au destin particulier, pas forcément féministes revendiquées, mais qui intéressent Pola. On s’arrête bien sûr un peu plus longtemps sur Victoria Ocampo et Eva Perón. La première, issue de la grande bourgeoisie, à l’esprit empli de liberté, extrêmement cultivée, elle dirigera la prestigieuse revue « Sur » et, la seconde, Eva, au destin que l’on connaît, issue d’une petite bourgade de province, mère du vote féminin en Argentine mais qui, paradoxalement, présente un « profil » social classique et traditionnel. Pola, courageuse, cherche à remettre l’œuvre et la personnalité de Victoria en lumière mais doit la défendre face à un certain public qui ne semble pas accepter son origine sociale et qui paraît peu disposé à laisser écorner le mythe « Eva ».

19h00

Rep est au micro et ne le lâchera plus. Peu à peu, il semble s’éveiller pour donner la sensation de ne plus pouvoir s’arrêter de parler. Il parle des lignes, des taches, du dessin et de la peinture. Puis il évoque les difficultés pour un caricaturiste actuel et célèbre comme lui de pouvoir aborder n’importe quel sujet sur un ton humoristique et sarcastique. Les manifestations contre la liberté d’opinion sur des thèmes sociétaux ont toujours existé mais le développement des réseaux sociaux a tout accéléré. Un message fait le tour du monde en quelques clics et peut déclencher un véritable raz-de-marée contre l’auteur et son œuvre. Certains groupes qui défendent une cause, toute légitime qu’elle soit, contestent une œuvre de façon parfois trop intransigeante. Le rejet parce qu’il ne correspond pas à leur credo est empreint de rigidité qui finit par entraver la liberté d’expression. Rep en fut victime. On évoque alors ce qui s’est passé en Europe avec les dessins de Mahomet, la posture prise par Charlie Hebdo, malgré les menaces, et la fin tragique de sa rédaction, tombant sous les balles des frères Kouachi, le 7 janvier 2015. Rep évoque certains de ces dessinateurs qu’il a bien connus. Revient alors le thème de la censure et de l’autocensure qui bride la libre parole et enfreint les règles de bases d’un régime démocratique digne de ce nom. Une phrase de Pierre Desproges me vient à l’esprit : « Peut-on rire de tout ? Oui ! ». On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. Rep termine en évoquant la crise que traverse actuellement le dessin satyrique mais il est optimiste parce que l’art, qui est le propre de l’homme, ne disparaîtra jamais. Le dessin ne s’effacera pas. Il sera peut-être seulement différent.

20h00 et des poussières…

J’arrive malheureusement un peu en retard pour écouter un récit épatant de Roberto Garriz sur les zombies, « No muertos de vacaciones » ou, encore, voici un guide de survie au cas où une malencontreuse et inattendue invasion de zombies survenait devant le pas de votre porte. L’humour décalé de Garriz, surtout lorsqu’il dialogue avec les invités, fait merveille. Comble d’ironie, une coupure de courant oblige l’auteur à terminer sa lecture à la lumière de son téléphone.

21h00

Dernier évènement de la soirée avec le trio Dapine, ensemble de jazz de Mar del Plata qui nous régale de finesse, de virtuosité et de légèreté.

Vérifiez vous-mêmes :

Trio Dapine : https://fr.ivoox.com/fr/oeuvre-monk-audios-mp3_rf_47212778_1.html

Nous nous retrouverons lundi pour la dernière journée.

Jérôme Guillot

(Envoyé spécial de Trait-d’Union)

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