Les étudiants en échange universitaire en temps de pandémie

Face à la situation exceptionnelle que représente la pandémie du Coronavirus, les touristes ne sont pas les seuls à devoir réviser leur programme

Les étudiants en échange universitaire en Argentine, ont aussi été directement affectés par le confinement, et poussés à prendre des décisions imprévues, comme celle de rentrer en France.

C’est le choix que certains ont fait, ayant peur de ne pas trouver d’autres solutions ou bien conscients que leur échange s’arrêtait brusquement. Le séjour en Argentine qu’ils s’étaient imaginé était rythmé de voyages, de découvertes et de boliches, tout cela devenait impossible avec l’arrivée du Covid 19 et pendant combien de temps ? …Les raisons de leur retour restent néanmoins variées.

Violetta, étudiante à l’IAE de Lyon et en échange universitaire à Buenos Aires depuis début mars, nous raconte « Je m’entendais très bien avec mes colocataires, c’est sans doute ce qui m’a longtemps fait hésiter avant de rentrer. C’est finalement dans la précipitation que j’ai pris ce vol. Il était annoncé comme le dernier. L’idée de rester bloquée en Argentine sans possibilité de rentrer si la crise liée au Covid-19 s’aggravait m’a fait prendre cette décision. Ce qu’il me reste de cette expérience c’est beaucoup de frustration, j’avais fait le plus dur, je m’étais intégrée, je commençais tout juste à avoir mes petites habitudes qu’il fallait déjà rentrer. ». 

Grâce, étudiante à Sciences Po Rennes et en échange depuis juillet 2019, avance d’autres arguments : « J’ai commencé à réfléchir suite aux mails de mon école. Ils devenaient de plus en plus préoccupants, le retour en France était ‘très vivement conseillé’. J’ai alors réalisé que je pouvais rester coincée pour une période indéterminée en Argentine. C’est ce qui a principalement motivé ma décision. Mais il y a aussi le fait que la situation est si incertaine qu’elle peut très bien prendre un mauvais tournant en Argentine. Et si tel pourrait être le cas, ce que je ne souhaite évidemment pas, je ne me voyais pas rester et ‘voler’ potentiellement la place d’un Argentin dans un service de réanimation. »

Laura, étudiante à Sciences Po Lyon et également en Argentine depuis juillet, explique que la décision n’est pas toujours personnelle : « Ce n’est pas le covid-19 qui m’aura fait rentrer. C’est cette pression sociale qui te pousse à faire comme les autres parce que tu as peur. Parce que tu as peur d’être seule. Parce que les mots ‘derniers vols’ ont un poids. Parce que je vivais et vis toujours dans une bulle que la maladie n’a pas encore percée. Parce que je ne suis pas seule dans ma bulle mais bel et bien influencée. Aujourd’hui je ne regrette pas d’être rentrée. Je ne regrette pas parce que, malgré ces influences, j’ai pris mon temps pour le penser. Je ne regrette pas parce qu’à ce moment, c’était la bonne décision. » En effet, la plupart des étudiants indiquent que leur famille, leurs amis ou leur école ont insisté sur le fait qu’un retour en France était le choix le plus sage.

Une fois cette décision prise, elle reste lourde de conséquences pour la plupart. Lise, étudiante à Sciences Po Rennes partage son incertitude sur les mois à venir : « J’avais trouvé un stage pour les mois de juillet et août à Buenos Aires que j’ai dû laisser-tomber. J’ai envoyé des candidatures en France mais la période actuelle rend les structures assez peu enclines à prendre des stagiaires. Mon université en Argentine a mis des cours en ligne, mais je ne me vois pas les suivre jusqu’à fin juillet. J’ai du mal à travailler chez moi et la plupart de mes cours nécessitent des travaux de groupe avec des argentins, ce qui risque d’être compliqué avec le décalage horaire. Si mon école a proposé une alternative afin que nous validions notre année, elle ne nous a pas encore expliqué vraiment la forme que celle-ci prendra. ». Il est vrai, qu’une fois rentrés en France, il peut être difficile de suivre correctement des cours en ligne avec l’Argentine : les cours terminent souvent tard (vers 22h), cela signifierait suivre depuis la France des cours jusqu’à 3h du matin. C’est un rythme difficile à adopter.

Néanmoins, même si un grand nombre a décidé de rentrer ce n’est pas le cas de tous. Cléo, étudiante en échange à l’université Torcuato Di Tella de Buenos Aires, nous a dit pourquoi il était impensable pour elle de prendre cette décision : « Il est difficile pour moi d’envisager un retour précipité en France car depuis que je suis arrivée, en janvier, j’adore ma vie ici, je me sens ‘en casa’. Le plus dur dans tout ça c’est d’avoir rencontré des argentins très sympas dans mes cours mais de ne pas pouvoir continuer à apprendre à les connaître. »

Hugo, étudiant à CentraleSupélec est en échange depuis février, « J’ai passé la première semaine du confinement avec des amis, et puis la plupart d’entre eux ont décidé de rentrer en France. Nous sommes restés à trois ici. Pour ma part, je suis resté car je voulais me laisser du temps, et ne pas prendre le risque de transmettre le virus à ma famille en France. Évidemment le fait d’être avec des amis m’a aidé dans mon choix. Mon université argentine, la Austral, a directement mis des cours en ligne, donc je peux poursuivre facilement mes études. Néanmoins mon école en France nous recommandait de rentrer. »

Anna, étudiante en Sciences Politiques et Relations internationales à Paris, est bien décidée à vivre son aventure argentine le plus longtemps possible : « Je suis arrivée seule, le 1er mars. J’ai eu le temps d’aller en cours une semaine avant d’entamer la quarantaine obligatoire. Je n’ai pas eu le temps de rencontrer beaucoup de monde, mis à part mon colocataire argentin. Je n’ai pas pris la décision de rentrer car le retour coûte cher, je n’ai pas envie de tomber malade et la situation était la même, voire même, pire en France. De plus, j’ai envie de poursuivre l’objectif pour lequel je suis venue, je n’ai pas envie de tout abandonner. Je vais travailler ma ‘patience’. »

Cependant, malgré la volonté de poursuivre son séjour, il faut admettre que cette pandémie a changé la donne. Hugo a relevé notamment « le changement de comportement des Argentins vis-à-vis de nous, Français. Au début de mon séjour, lorsque je parlais français ou disait que j’étais français, j’étais toujours bien accueilli, mais cela a bien changé ces derniers temps… Un peu avant le confinement, tout le monde a commencé à nous demander depuis combien de temps nous étions en Argentine, si nous étions malades, etc… ».

Il est difficile d’imaginer la suite des événements, mais ce qui est certain c’est que les échanges universitaires de l’année 2020 resteront inédits. La question se pose maintenant quant aux échanges prévus à partir des mois de juillet et août. Les universités ne sont toujours pas fixées sur la marche à suivre, tout comme les étudiants concernés, bien sûr.

Les problématiques sont nombreuses, et l’avenir bien incertain.

Perrine Bontemps

Photo : Perrine Bontemps

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