Nana e nada (Buenos Aires)

On ne présente plus Nana e Nada. Devenue une référence incontournable de la chanson française sur la scène portègne, grande habituée des caf’conc et du célèbre Notorious, son talent a également pu être apprécié lors de nombreuses tournées provinciales et internationales.

En cette période de confinement, Nana a bien voulu répondre à nos questions.

Pouvez-vous nous dire comment vous vivez votre confinement ?

À la russe. Même si je le vis plutôt bien dans l’ensemble, j’ai, comme beaucoup sans doute, des moments de montagne russe, avec la sensation que notre destin se serait joué à la roulette. Le confinement peut faire l’effet d’une « cocotte-minute », où les sentiments viendraient s’intensifier en un rien de temps. En définitive, je me sens comme une poupée gigogne dont l’état ne cesserait d’en cacher un autre. Bref, une sacrée salade russe.

Bien sûr, de par sa nature, mon activité professionnelle est complètement en suspens : nous avons dû annuler un hommage à Piaf avec Victor Simon et Daniel Mayor que nous allions présenter pour la première fois dans une grande salle de Cordoba ; plus de concert à Notorious non plus ; la tournée que je prévoyais pour le mois de juin en Europe a dû être reportée, tout comme celle prévue pour le mois d’octobre en Bolivie. Mais je suis néanmoins extrêmement privilégiée par rapport à d’autres : je dispose d’un bel et grand espace, au calme, où je suis libre de faire ce que bon me semble, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.

Étrangement, à part cette pause forcée sur le plan professionnel, ma vie ressemble assez à celle d’avant le confinement, mais le fait de ne pas disposer de liberté totale m’oblige à en inventer ailleurs. Pour quelqu’un chez qui la fuite est une véritable philosophie, il est difficile d’accepter que les frontières soient fermées et l’espace de liberté restreint.

Alors du coup, je m’évade dans les détails, dans leur exploration sans but, dans des activités futiles, -je m’amuse notamment avec la fermentation des aliments-, dans des lectures accidentelles, au gré de mes envies. Si je fais de la musique, c’est pour moi : comme lorsque je reprends de vieilles partitions de piano, sans rien en attendre. La fuite dans la futilité, la fuite de l’utile pour rendre la vie plus agréable.

Au début de la quarantaine, ce fut aussi l’occasion de reprendre le contact avec de nombreux amis en France principalement.

J’ai la chance de pouvoir vivre ce confinement comme une expérience humaine, où il est permis de passer beaucoup de temps avec soi-même. Et, même si cela n’est pas rose tous les jours, j’ai pleinement conscience du luxe que ma situation représente.

Nous finirons bien, un jour où l’autre, par sortir de chez nous. Quels sont vos projets une fois la crise actuelle passée ?

J’avoue avoir du mal à me projeter. J’ai toujours vécu au jour le jour, au gré des rencontres et de mes intuitions fugaces. Alors, avec cette situation exceptionnelle que nous traversons, comme pour grand nombre d’entre nous, il m’est très difficile de me projeter au-delà du cadre du présent. Mais je ne m’en plains pas : le présent est un cadeau qui s’offre à chaque instant.

Bien sûr, il y a quelques idées qui voient le jour. Par exemple, une amie franco-argentine qui vit en France m’a récemment proposé une co-écriture intégrant danse et musique. Et quelques autres projets dans l’air. Peut-être poursuivre l’exploration du concept de vidéos musicales que la quarantaine a rendu plus visibles, comme la Minute Musique lancée par Leandro Frías pour l’Institut Français d’Argentine. Peut-être profiter du don d’ubiquité que nous confèrent désormais les nouveaux médias ; engager ainsi des collaborations avec d’autres artistes, sur toute la surface du globe. Peut-être enregistrer un nouveau disque. L’avenir, ce n’est que demain. Mais une chose est sûre : s’élancer vers les autres pour s’enlacer les uns les autres.

A n’en pas douter, cette période que nous vivons est hors du commun.  Beaucoup considèrent que le monde d’ « avant » ne pourra plus être le même lorsque cette crise sera passée. Qu’espérez-vous de ce monde de l’ « après » ?

Oui, nous traversons une période pouvant être qualifiée de « hors du commun » à l’échelle de nos vies humaines. Parce que, comme la plus grande part de notre entourage, nous n’avons pas vécu la guerre et qu’il s’agit de « notre première » grande épidémie. Mais à l’échelle de l’Humanité, il y eut bien d’autres événements majeurs.

J’aimerais pouvoir croire que nous sortirons « grandi » de cette crise : que nous accorderons plus de valeur au moment présent, en valorisant le hic et nunc, tout en ayant davantage de conscience de l’autre et de l’environnement. Mais bien que je sois une éternelle rêveuse, je ne pense pas que la donne puisse changer radicalement. Nous sommes beaucoup à avoir remarqué que nous étions devenus comme des « caricatures » de nous-mêmes lors du confinement, avec amplification de nos traits de caractère fondamentaux, alors oui, les pacifistes et les altruistes seront toujours plus pacifistes et plus altruistes mais les profiteurs et les grands indifférents seront toujours plus profiteurs et plus indifférents.

Ce qui ne doit pas pour autant nous empêcher de continuer de rêver d’un monde meilleur et à œuvrer dans ce sens ; chacun dans la mesure de ses moyens et de ses ambitions.

Propos recueillis par Jérôme Guillot

Invitée par l’Alliance française de San Luis, Nana se produira en concert virtuel ce samedi 19 juin à 18 heures (Heure argentine) sur Instagram.

Nana e Nada, Musique en chambre

https://www.instagram.com/nana_enada/?hl=es-la

 

 

 

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