Hugo Martin et le musée de San José
|La vitalité actuelle du musée historique de la colonie San José est en grande partie le fruit de l’infatigable énergie déployée par son directeur actuel Hugo Martin : publications, évènements, ateliers de pratique de restauration d’objets, la liste serait longue.
A cela, s’ajoute l’essence même du lieu où l’organisation ergonomique des espaces mêlée à l’excellent choix d’ensemble des objets et autres documents présentés dans ses salles, facilite au visiteur lambda la connaissance d’une histoire à laquelle, peut-être, il est loin d’en connaître l’existence.
Entrer dans cette belle maison coloniale à la façade rose qui borde la place centrale de la ville, c’est se promener dans le temps, s’immerger dans une époque pas si lointaine nous permettant de mesurer à quel point notre monde évolue inéluctablement. La promenade commence en 1857 année qui vit débarquer les premiers colons savoyards dans la province d’Entre Rios pour fonder ex nihilo la Colonia San José. On prendra la mesure de l’extraordinaire aventure de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants partis des lointaines vallées alpines, fuyant la faim, la misère, un espace agricole insuffisant pour une démographie sans doute trop importante et des guerres qui, à cette époque, ne cessent en raison de l’unification italienne puis du conflit franco-prussien. Un voyage qui représente néanmoins un saut vers l’inconnu dont la traversée représentait déjà une véritable odyssée. Impossible d’imaginer les pensées de ces aventuriers lorsqu’ils avisèrent pour la première fois les terres sur lesquelles ils allaient faire prospérer la colonie ; anti thèse du monde montagnard qu’ils venaient de laisser comparé à son fleuve gigantesque, son horizon à n’en plus finir et son climat humide.
Hugo lui-même est un enfant de ces immigrants. Ses descendants savoyards, originaires de la commune du Biot (une toute petite bourgade située à quelques kilomètres au sud du lac Léman), arrivèrent sur le tard en 1872. La famille était composée de trois enfants, des garçons. La mère, enceinte, accoucha d’une petite fille dans le bateau mais celle-ci décéda peu de temps après pendant la traversée.
L’exposition permanente du musée, remarquable par sa richesse et sa diversité, n’est qu’une petite partie de ce que l’édifice recouvre. Tout au fond du bâtiment, on entre dans des pièces où s’accumule un nombre incalculable d’objets de tous types et de vêtements d’époque. On pourrait presque sentir frémir ces beaux et vieux habits portés il y a près de cent cinquante ans et auxquels le musée donne une seconde vie.
On ne peut s’empêcher de s’attendrir en voyant les robes de mariées, les vêtements du dimanche que l’on portait pour aller à la messe, l’évènement dominical incontournable ; un des rares moment où les colons pouvaient tous se retrouver.
Sur les murs s’entassent des arbres généalogiques, des photos d’époque de personnes seules, en couple ou en famille posant pour la postérité, témoins maintenant silencieux d’une vie intense faite de labeur, de sueur, de courage et d’abnégation.
Tout cela provient de dons des descendants qui, les retrouvant dans leurs malles, au fond d’un grenier, viennent remettre ces objets au musée où ils seront en lieu sûr. Ils font revivre l’histoire de la colonie et témoignent de l’extraordinaire désir d’une communauté désireuse de ne pas perdre son passé. Le musée, où tout est soigneusement rangé, étiqueté, restauré, devient ainsi l’élément centripète de toute la communauté.
Créé le 24 octobre 1957, année exacte du centenaire de la fondation de la colonie, le musée est soutenu par une commission de 18 membres, les « Amis du musée » mais aussi par d’autres personnes, jeunes et moins jeunes qui collaborent en organisant diverses manifestations culturelles dans son patio lui donnant une vitalité s’ajoutant à sa fonction première mémorielle.
L’histoire entre Hugo et le musée commence par une anecdote. Un jour, la directrice du musée de cette époque, une femme très dynamique, qui était aussi sa professeure d’histoire, entre dans la classe et dit : « J’ai besoin de quelqu’un qui sache taper à la machine à écrire. » C’est Hugo qui a levé le doigt. Il avait quinze ans. Il fallait se rendre au musée pour faire ce travail. La découverte de ce lieu nouveau, des expositions, ont déclenché en lui un vif intérêt. Ensuite, il continua à fréquenter le musée quand il étudiait pour devenir professeur prenant goût à la recherche et à s’interroger sur ses origines. Il devint partie de son quotidien. Son travail envers les objets se trouvant dans ce lieu, l’a, selon ses propres mots, « rempli d’amour ». « Tout est très enrichissant, dit-il. Lorsqu’elles donnent des objets leur appartenant, un contact s’établit avec les familles. Le dialogue avec elles est intense. A partir d’un fer à repasser, d’un livre, d’une casserole, ce sont de grandes histoires de vie qui commencent. Reconstruire ce passé est fantastique. Et ces histoires peuvent être intimes sans que la famille elle-même n’en ait conscience. J’adore m’asseoir et parler avec les Anciens. »
Mais Hugo est un homme discret, il donne aux autres membres de la communauté tout l’espace nécessaire pour qu’ils puissent s’exprimer et contribuer à faire du musée de la colonie ce qu’il est actuellement. Il symbolise en quelque sorte toute l’énergie déployée par la communauté savoyarde pour faire vivre ce musée, véritable lieu de conservation de la mémoire et de l’histoire de la colonie savoyarde de San Jose.
Pour conclure, lisons ces mots écrits lors de la célébration du soixante-quatrième anniversaire du musée qu’il est possible de retrouver sur un des messages de son compte Facebook :
Ya no podemos decir ” …Todo está como era entonces, la casa, la calle, el río. Todo está nada ha cambiado…”. No, ya nada es igual, pues al paso de los tiempos se sucedieron los cambios. La mutación que ha sufrido la institución en todos estos años ha sido un signo de prosperidad en cuanto al concepto de Museo moderno y de incorporación a la identidad de una ciudad. El Museo es querido, es aceptado, y por sobre todo es identificador de una historia que nos es propia, la historia de nuestros abuelos.
Aquí no se encontrarán trofeos ganados en férreas batallas, ni oropeles, ni reconocidas obras de arte. Sólo contemplarán los objetos que significan el recuerdo del inmigrante y la lucha por conseguir un mejor porvenir para sus hijos. Todavía el reloj marca las horas, el vestido de novia negro es asombroso, el arado, la olla de hierro y el libro de oraciones conservados y ya centenarios, describen el quehacer diario, la felicidad y también la congoja por la otra tierra.
Éste es nuestro Museo, es el reducto donde cada familia posee un recuerdo y donde cada visitante se identifica con una historia propia.*
Texte et photos Jérôme Guillot
*Aujourd’hui, nous ne pouvons plus dire… “..Tout est comme autrefois, la maison, la rue, le fleuve, tout est là, rien n’a changé…” Non, rien n’est semblable, car au cours des années des changements se sont produits. La transformation qu’a subie l’institution au cours du temps est un signe de prospérité tant au titre de musée moderne que de son incorporation à l’identité de la ville. On aime le musée, on l’accepte, et surtout c’est la représentation d’une histoire qui nous est propre, l’histoire de nos aïeux.
Ici on ne va pas trouver de trophées gagnés au cours de dures batailles, ni d’objets clinquants, ni d’œuvres d’art archi-connues. On pourra simplement contempler les objets qui rappellent l’immigrant et sa lutte pour obtenir un avenir meilleur pour ses enfants. La montre indique encore les heures, la robe de mariée noire est étonnante, la charrue, la marmite en fer et le livre de prières conservés et déjà centenaires, nous peignent la vie de tous les jours, le bonheur ici mais aussi la nostalgie de l’autre pays.
C’est ça notre musée, c’est un petit coin où chaque famille possède un souvenir et où chaque visiteur peut s’identifier avec sa propre histoire.