Nouveautés littéraires

La saison des prix d’automne s’achève, que de nouveautés, que de surprises !

Deux auteurs ont vu leur livre primé plusieurs fois, deux Québécois et deux Argentins ont également été récompensés cette année ainsi que des maisons d’éditions indépendantes !

Les prix se portent bien, même si la rituelle attribution n’est point sans soulever quelques vagues.
La France, république littéraire, s’enorgueillit de quelques 2000 prix, impressionnant ! Prix qui apportent aux écrivains souvent plus de reconnaissance que d’avantages pécuniaires.

Cette année, le prix Goncourt fête ses 120 ans, il a été décerné à Jean-Baptiste Andrea pour Veiller sur elle, publié par les éditions lIconoclaste.  L’Italie de la fin de la première guerre mondiale et la montée du fascisme servent de cadre à cette fresque de 600 pages qui se dévore sans perdre une miette. Deux mondes se côtoient celui du nain Mimo, pauvre et sculpteur de génie dont La Piéta provoquant des émotions extrêmement violentes sera cachée par le Vatican et le monde de Viola d’Orsini, aristocrate cultivée, étouffée par sa condition de femme. Chacun essaie de sortir de sa condition et de se dépasser. Un « récit d’art et d’amour ».

Quatre prix pour Triste tigre de Neige Sinno, aux éditions P.O.L. ! Oui ! quatre prix récompensent ce récit sur l’inceste pour sa qualité littéraire et la forme audacieuse choisie par l’auteure pour aborder un sujet aussi sensible : le prix Femina, le prix Goncourt des lycéens, le prix Littéraire du Monde et celui des Inrockuptibles. Ni récit, ni autobiographie, l’invention d’un nouveau genre à la croisée des formes, un essai ? Un témoignage pudique et poignant, l’auteure adopte plusieurs points de vue, c’est « une plongée dans une conscience, dans ce qui se passe dans ma tête quand je pense, je réfléchis à… me souviens de… » soient les viols subis dans son enfance. Tout au long du livre, l’auteure garde une petite distance élégante sans oublier de nous rappeler que « l’inceste est aussi une violence faite au langage ».

Les jeunes du prix Femina des lycéens ont couronné le Québécois Eric Chatour pour son premier roman, Ce que je sais de toi, publié aux éditions Philippe Rey. Cet ouvrage avait déjà reçu le prix Première Plume et le prix de la Bourse de la découverte de la Fondation Prince Pierre de Monaco.

Un autre Québécois s’est vu décerner Le prix Médicis, Kevin Lambert pour Que notre joie demeure éd. Le Nouvel Attila. En 2017, l’auteur avait publié le premier tome d’une vaste fresque sociale, Tu aimeras ce que tu as tué, suivi l’année suivante par Querelle de Roberval publiés chez Héliotrope. Ce dernier livre s’était trouvé au cœur d’une polémique ; Kevin Lambert avait eu recours à une sensitivity reader (afin de vérifier la crédibilité d’un personnage).

Le prix Médicis de l’essai a été remis à Laure Murat pour Proust, roman familial publié par Robert Laffont. « Une superbe analyse de La Recherche et un plaidoyer pour la puissance émancipatrice de la littérature ». 

Trois prix pour le philosophe et romancier Gaspard Koenig : le prix Interallié, le prix Transfuge du meilleur roman français et le prix Jean Giono, son roman Humus a été publié par les éditions de l’Observatoire. Humus, 17ème ouvrage de Koenig avait été salué par les critiques, dès sa parution. Dans ce livre l’auteur traite des thèmes qui lui sont chers : des rapports de classe à l’écologie. Il dépeint la relation de deux amis, ingénieurs en agronomie, que tout oppose. L’un est un intentionnaliste : c’est l’intention qui compte, peu importe les résultats ; l’autre un conséquentialiste qui ne s’intéresse qu’aux résultats.

Publié par Gallimard, Une façon d’aimer de Dominique Barbéris reçoit le Grand prix de l’Académie française. Un coup de cœur pour cette écriture délicate et poétique empreinte d’une douce mélancolie qui restitue, avec précision, le climat des années 50, au Cameroun, à Douala. C’est l’histoire de Madeleine, jeune femme timide, provinciale plongée dans un milieu d’expatriés avant l’indépendance. C’est une époque et un lieu violents et magnifiques que convoquent l’auteure avec précision : les chansons d’antan, les odeurs, les couleurs, les singes et les oiseaux. Douceur des mots, poésie, Dominique Barbéris « signe un roman dans lequel rien ne se passe, tout est dans le mirage de ce qui aurait pu advenir ».

C’est Ann Scott qui a reçu le prix Renaudot pour Les Insolents publié par Calmann-Lévy.
La protagoniste est un double de fiction de l’auteure ayant elle-même quitté Paris pour la Bretagne. C’est l’histoire d’une quadragénaire compositrice de musique de films qui tente de s’inventer une nouvelle vie « ailleurs et seule » et qui croise sur la plage Léo, persuadé d’avoir rencontré la seule personne apte à comprendre ce qu’il a vécu…
Le prix Renaudot essai a été décerné à Jean-Luc Barré pour le premier tome de De Gaulle, une vie : l’homme de personne (1890 – 1944), une immense biographie publiée aux éditions Grasset.

Sur la liste des prix, on croise Western, chez Stock, de Marie Pourchet qui obtient le prix de Flore pour ce septième roman. Elle dépeint la fuite d’Aurore, mère célibataire surmenée et d’un acteur culte victime de son succès. L’acteur disparaît malgré un contrat de 150 000 euros. Western, titre surprenant, mais n’est-ce pas « un endroit de l’existence où l’on va pouvoir jouer sa vie sur une décision » ? A découvrir !

Les auteurs argentins ne sont pas oubliés, le prix Roger-Caillois, prix de littérature latino-américaine a été attribué à Martín Caparrós. Les écrits sous forme de chroniques de cet écrivain, journaliste et essayiste ont ainsi été récompensés. Quant au prix de la Littérature française, il couronne Laura Alcoba, romancière et traductrice française d’origine argentine.

Le Québec sera l’invité d’honneur du prochain Festival du Livre de Paris. Le prix France- Québec a été remis à Alain Beaulieu pour Le Refuge, paru aux éditions Druide lors du Salon du livre de Montréal.

Comme l’année, la ritournelle des prix littéraires d’automne s’éteint, ceci n’est qu’un bref aperçu. Il est difficile de citer tous les prix, n’oublions pas le prix Gisèle Halimi décerné à Cécile Thili, le prix Castel à Arthur Dreyfus, le prix Malraux à Paolo Giordano.

Suivons le conseil de Michel Desmurget « Faites – lire ! ».  Lisez donc, lisez tous ces livres, dévorez-les sans restriction !

 

Elisabeth Devriendt

 


 

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